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Philippines

Caïn et Abel

aka Cain at Abel | Philippines | 1982 | Un film de Lino Brocka | Avec Christopher de Leon, Phillip Salvador, Mona Lisa, Carmi Martin, Cecille Castillo, Baby Delgado, Ruel Vernal, Michael Zandico

Amour, haine et vengeance.

Señora Pina est la propriétaire d’une importante exploitation agricole, gérée par son fils aîné, Lorenz. Son cadet, Ellis, étudiant raté, revient chez lui en compagnie de sa petite amie du moment, Cita, et exige de prendre la tête de la propriété. Ne sachant rien lui refuser, sa mère finit par accepter. Furieux qu’elle puisse prendre une telle décision malgré tout le travail accompli, Lorenz quitte les lieux avec ses deux enfants et sa femme enceinte. Cette dernière revient intercéder auprès de Pina pour qu’elle annule sa décision. Elle meurt accidentellement lors d’une altercation entre les membres de sa famille. La querelle familiale dégénère dès lors en vendetta.
 
Lino Brocka transpose le mythe biblique de Caïn et Abel - qui n’a plus besoin de présentation - dans les Philippines du début des années 1980.
 
Le film doit sa réussite au mélange des genres, mis au service d’une réflexion sur la nature de la violence. Caïn et Abel débute comme une telenovela. Ellis veut s’accaparer des richesses de la famille sans égard pour son frère. Il revient dans sa maison natale au bras de sa nouvelle petite amie où ils sont accueillis par la servante, dont il a eu un enfant, et qui est restée au service de sa mère.

Les personnages les plus intéressants du film ne sont pas les deux frères, mais la mère et la petite amie d’Ellis, venue de la ville. Ferdinand Marcos en jupon, la mère, superbement interprétée par Mona Lisa, tient son entourage d’une main de fer, mais sa préférence immodérée pour son plus jeune fils va détruire sa famille. Personnage extérieur à la famille, Citas représente le bon sens féminin. Elle respecte aussi bien la femme de Lorenz, que la bonne et pousse Ellis à être plus équitable avec son frère.

Une fois le fils aîné déshérité, le film prend une tournure plus sombre et plus violente. Caïn et Abel s’achève en guerre des gangs : les deux frères perdent le contrôle des nervis qui les ont aidés à assouvir leur revanche.
 
Le pape de la violence au cinéma de cette époque, Sam Peckinpah, est la figure tutélaire du film. Clin d’œil aux films du cinéaste américain, Caïn et Abel démarre sur une allégorie animalière : deux araignées de même race s’affronte sous les regards des fils de Lorenz. Plus tard dans le film, l’un des gros bras donne comme exemple à suivre, la vengeance de Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille.
 
Cette histoire d’affrontements fraternels mélangeant telenovela et film d’action - le cinéaste philippin souhaite faire un film populaire - cache une réflexion intelligente sur la nature de la violence.

Une fois libérée – ici par la mort accidentelle de la femme de Lorenz - elle prend une vie autonome. Lino Brocka l’illustre très bien en montrant comment elle échappe au contrôle des deux frères. Ces derniers n’ont jamais voulu se lancer dans la violence, mais la malchance et les mauvais conseils de leur entourage vont finalement les y faire basculer.

Le paradoxe de cette violence est que les participants finissent presque par oublier l’origine de la vendetta. Les petites bandes assemblées par les deux frères prennent goût à la violence et se transforment en milices fascistes, terrorisant tout le village par pur plaisir sadique. Lino Brocka dénonce la culture machiste prévalant aux Philippines : ces violences sont le seul fait des hommes et les femmes, les principales victimes.

Via cette histoire de famille déchirée par le comportement de marâtre de Pina, Lino Brocka nous parle aussi de la situation de son pays, mis en coupe réglée par le dictateur Ferdinand Marcos, qui fait violemment la chasse à ses opposants.

Caïn et Abel est disponible en Blu-ray et DVD chez Carlotta Films.

- Article paru le lundi 24 octobre 2022

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