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Cartel

aka The Counselor | USA | 2013 | Un film de Ridley Scott | Avec Michael Fassbender, Penélope Cruz, Cameron Diaz, Javier Bardem, Brad Pitt, Rosie Perez, Natalie Dormer

L’avantage de s’éloigner du monde de l’écran, est de pouvoir jouir de surprises comme celle-ci. Déboutés de la projection de Cry, the Beloved Country dans le cadre du Festival des 3 Continents pour cause de salle comble, nous nous sommes rabattus sur le dernier opus de Ridley Scott dont je connaissais à peine l’existence, son titre français comme son affiche – hurlant aux spectateurs potentiels les noms d’acteurs de premier rang avec une finesse toute relative - m’évoquant un polar choral à la Traffic. Pourtant, ce n’est pas « Fassbender », « Cruz », « Diaz », « Bardem » ou « Pitt » qui devrait ainsi s’étaler en 120 par 160, ni même « Scott », mais « McCarthy ». L’octogénaire, auteur avec La Route de l’un des livres les plus impressionnants de notre époque, signe ici son premier scénario, et provoque, peut-être pour la première fois de sa carrière, l’effacement de Ridley Scott, ici à l’antithèse de son American Gangster, derrière le texte qu’il met en images.

Michael Fassbender, éternel playboy, incarne un avocat anonyme – le « counselor » du titre original – sur le point d’épouser la belle Laura (Penélope Cruz) et qui, pour résoudre un acculement financier, s’associe à l’extravagant Reiner (Javier Bardem) – dont on pourrait se demander s’il n’est pas un animal exotique de compagnie de plus pour la troublante Malkina (Cameron Diaz), son amante exacerbée – et au très métaphorique Westray (Brad Pitt), pour jouer aux négociants de drogue. Le reste n’est que conséquence et condamnation.

D’une certaine façon, je peux comprendre la perception négative de Cartel, tous ceux qui trépignaient à l’idée de voir Maximus se frotter aux mexicains en étant effectivement de leur poche. Porté à l’écran, l’incroyable éclatement narratif cher à Cormac McCarthy frise l’expérimental, et Cartel accumule les non-dits, les creux et même les vides, au point d’embrasser une superficialité déconcertante : les actions, leur objet et leur durée sont tous incertains, le canevas est lâche, le contexte une simple esquisse dépeuplée. Pire, Cartel étale une certaine laideur visuelle. Cameron Diaz, plus encore qu’un Javier Bardem bombardé d’UV, pourtant pas piqué des hannetons, emmène plusieurs fois l’édifice au bord du gouffre du ridicule qui menace forcément d’engloutir nombre de productions hollywoodiennes limitrophes – je pense notamment au Miami Vice de Michael Mann. Mais Scott et McCarthy donnent en réalité juste ce qu’il faut de mou à la laisse à première vue très lâche qui les relient à leurs félins carnassiers, n’oubliant jamais de la tendre par le texte. Aussi lorsque Malkina fait l’amour au pare-brise d’une Ferrari, telle un poisson-chat des mots de Reiner, le fait que Javier Bardem lui-même évoque l’image d’un air outré, plein d’incompréhension – ce qui en dit long – permet à Cartel de vivre sur la brèche, de se construire dans une certaine insulte, ou plutôt dans la restitution éloquente d’une grossièreté absconse.

Car ce sont les échanges verbaux qui construisent à la fois les personnages et l’action de Cartel, des avertissements de Reiner et Westray à Fassbinder, aux discussions entre ce dernier et les tentacules bureaucratiques du cartel une fois le piège refermé. A tel point que même le sexe se pratique ici de façon orale, au sens propre, au téléphone ou simplement en causant, l’air de rien, comme Malkina fait l’amour en mots à Laura, dans leur unique rencontre à l’écran. Certes, tout est énoncé et tellement maîtrisé bien que parcellaire, que le suspense en prend un sacré coup : il n’est jamais question dans Cartel, de « si » ou de « peut-être », mais simplement de « quand ». Cartel est un film qui s’anticipe, puis se réalise. Si sa proposition initiale déjoue l’attente du spectateur, il expose rapidement des promesses qu’il tient en tout point, et l’exposé en vaut la peine. Atypique, racoleur, péremptoire et fortement caricatural, à la fois grossier à l’image et raffiné dans le texte, elliptique sur le global et infiniment minutieux dans le détail, Cartel est une improbable et fascinante perversion du polar choral.

Cartel est sorti sur les écrans français le mercredi 13 novembre 2013.

- Article paru le vendredi 29 novembre 2013

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