Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2010

Castaway on the Moon

aka 김씨 표류기 | Corée du Sud | 2009 | Un film de Lee Hae-joon | Avec Jeong Jae-yeong, Jeong Ryeo-won, Park Yeong-seo, Min Kyeong-jin, Koo Gyo-hwan, Lee Sang-il

Volleyballs, go home !

C’est sur le parapet d’un pont surplombant la rivière Han qu’un dénommé Kim, salaryman à la sauce coréenne, termine une conversation téléphonique avec son créancier. Convaincu par l’énonciation de sa dette, que le choix qu’il est en train de faire est, sinon le bon, le seul qu’il lui reste, Kim saute.
Plutôt que de nous quitter toutefois, Kim reprend ses esprits, rincé, sur une berge à proximité du pont. Oubliant momentanément son échec, l’homme fait le tour de l’étendue de sable et se rend compte que, même si Séoul se dresse devant lui, à quelques centaines de mètres, il n’y a pas moyen de quitter cette île improbable. Seul au monde, Kim oublie ses velléités suicidaires et se reconstruit une vie sans contraintes. Sans savoir que, sur l’autre rive, une jeune hikikomori dont le patronyme est aussi Kim, enfermée dans sa chambre depuis trois ans, l’observe avec un téléobjectif, persuadée qu’il vient d’une autre planète.

Prenez le succès de Robert Zemeckis, retirez-lui Tom Hanks, FeDex et son ballon de volley, donnez lui des neurones, du cœur, et un versant féminin en isolement non pas physique mais social, et vous obtenez Castaway on the Moon. Issue de la plume et de l’œil de Lee Hae-joon, à qui l’on doit notamment tout ou partie des scénarios de films aussi réussis et variés que No Manners, Arahan et l’incroyable Antarctic Journal, l’histoire de Male Kim et Female Kim est une comédie intelligente qui revient d’une certaine façon aux sources du cinéma, en s’appuyant sur la réalisation plutôt que sur le verbe : son écriture, l’auteur-réalisateur l’applique aux images plutôt qu’aux mots.

Ainsi Male Kim nous est-il présenté en fin de course, son contexte simplement rapporté par l’autre extrémité d’une conversation téléphonique sans visage. Lorsqu’il s’échoue sur un petit bout de nature préservé sur la rivière qui contemple le Miracle sur la rivière Han, et use la batterie de son portable à tenter un appel au secours, il est raillé par les forces de l’ordre avant d’être éconduit par son ex. En trois voix off et sans emphase, on sait que Kim est endetté jusqu’au cou, que ses contemporains le dédaignent et qu’il est malheureux en amour. Il suffit ensuite d’un flashback irréel, superposant son inadéquation professionnelle à son incapacité à apprendre à nager, pour que sa situation prenne sens, cohérence et crédibilité. Une confiance implicite s’instaure alors entre Castaway on the Moon et son spectateur : on comprend qu’aucune de ses séquences, ou presque, ne sera vaine ou gratuite.

Il en est ainsi des multiples gags mis en place autour de la liberté retrouvée de Kim, de son abandon des conventions et des contraintes. Lorsque Female Kim entre en scène, son histoire elle aussi éclairée par le biais de bribes de conversations, quoiqu’électroniques, Lee Hae-joon revient sur ces tableaux qui, dans l’objectif de la jeune femme, se découvrent une autre dimension. Le réalisateur ne se contente pas d’y rejouer les mêmes plans, mais substitue le point de vue de Female Kim au sien. Notre héros (très expressif et drôle Jeong Jae-yeong), qui a tôt fait de transformer son Help écrit dans le sable en Hello, chasse les canards et rêve de soupe aux haricots noirs, se construit alors au travers de trois regards superposés – celui de la jeune femme, celui du réalisateur et le notre. Ainsi triangulé, en quelque sorte, Male Kim se modélise, et devient réel.

Lorsque le protagoniste d’un film devient à ce point crédible et tri-dimensionnel, la messe est dite : l’émotion passe et Castaway on the Moon se vit plus qu’il se regarde. Son histoire simple et prévisible, qui s’étire tout de même un peu trop dans les minutes qui l’entraînent près des deux heures, est transcendée par le soin apporté, souvent en silence, à la double entité Kim, dans sa facette masculine comme féminine. Leur fraîche et touchante relation, ode quasi mono-syllabique à la personnalité, s’établit autour de cette rivière qui a servi de témoin à l’industrialisation effrénée de la Corée du Sud : des laissés pour compte qui lui retournent son regard, ignorent la ville et ses rouages pour redonner place à l’humain. Sans jamais chercher de coupable ou de faute, Castaway on the Moon réussit ainsi à parler de la Corée non pas en la critiquant mais en lui tournant le dos, finissant d’épuiser son sujet avec une rigueur, une intelligence et une délicatesse qui forcent le respect.

Sélectionné en compétition lors de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010), Castaway on the Moon est disponible en double DVD en Corée, le film sous-titré en anglais au milieu de suppléments qui ne le sont certainement pas.

- Article paru le mardi 23 mars 2010

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