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Inde | Festival des 3 Continents 2005

Chaalbaaz

Inde | 1989 | Un film de Pankuj Parashar | Avec Sridevi, Sunny Deol, Rajnikhant

Deux jumelles séparées alors qu’elles étaient bébé, par une nourrice dérangée... Un oncle maléfique, Tribhuvan, à la lèvre constamment retroussée et penché sur le fouet, élève la première, Manju, dans la crainte et la violence. Après avoir « accidentellement » tué son frère et sa femme dans un accident de voiture, il convoite la fortune qu’ils ont laissée à Manju. Mais si la demoiselle meurt, le tyran perd tout ; aussi doit-il patienter jusqu’à sa majorité pour qu’elle signe de force, les papiers lui léguant l’immense propriété qui lui sert de prison. Alors que Manju ne possède pas la moindre liberté, pas même celle de danser à sa guise, Anju, la seconde des deux jumelles, est élevée dans les quartiers pauvres. Elle grandit auprès de sa mère et devient excellente danseuse... de bar. Ce qui n’empêche pas la belle de s’imaginer un destin de superstar. En attendant, elle joue de ses nombreux talents pour vivre aux dépends de sa communauté, traîne sous la protection d’un chauffeur de taxi bagarreur et super-balèze, et s’affirme quotidiennement comme championne de la picole haut-niveau... Anju, Manju, physiquement identiques et pourtant si différentes... Que se passerait-il si les frangines, toutes deux en quête d’un mari - Sunny Deol pour l’une, Rajnikhant pour l’autre - venaient plus ou moins malencontreusement à échanger leurs places ?

Un film de Bollywood, pur jus qui plus est, au sein de la sélection « Continent B : Très méchant(e) » de la dernière édition du Festival des 3 Continents ? Un choix a priori surprenant, tant les films fleuves indiens sont généralement emplis de joie et de bonne humeur, et n’ont que faire d’étalages de vilainies et de violences... et bien pas Chaalbaaz ! Car cet immense succès de 1989, qui repose quasiment intégralement sur la double performance de l’incroyable Sridevi, parvient à concilier - ou du moins juxtaposer - méchanceté extrême et bêtise jouissive, le tout en gestes et chansons ! Et avec l’interprète de Muthu en prime ! J’en vois déjà qui s’installent confortablement...

Comme souvent dans les films indiens - qui disposent pourtant tous de plus de 150 minutes pour développer des histoires simples, de quiproquos et d’amours impossibles - une trame incroyablement complexe autour de la séparation des jumelles est explicitée en l’espace de quelques secondes, présentant moult personnages qu’il est impossible de retenir... mais peu importe, le pré-générique est efficace, et après un générique ultra-kitsch façon James Bond mais sans chanson immortelle, Chaalbaaz démarre sur les chapeaux de roue. Nous faisons la rencontre de Tribhuvan, sorte de Peter Sellers indien qui a troqué son visage impayable pour celui, déroutant, d’un homme affublé d’un sourire forcé, la lèvre supérieure retroussée en toute circonstance, et qui s’amuse à fouetter sa nièce ou encore lui faire descendre les escaliers en roulant, à coups de pieds... La méchanceté ici, bien que Tribhuvan prête à sourire dans ses innombrables excès, n’est aucunement drôle, et Chaalbaaz, avec ses ralentis mettant en exergue les humiliations et tortures subies par Manju, se placerait presque sous la bannière d’un Category III revu à la sauce locale. Même les scènes de danse de cette première partie possèdent une énergie, une force, qui n’est pas celle, enjouée et de vie, des Bollywood habituels : Manju danse avec hargne et vitesse, dans le but de se libérer. Elle ne peut s’en empêcher et le résultat est impressionnant, presque violent. Puis le film bascule...

... et le plus étonnant, c’est qu’il le fait sous les traits de la même actrice, grimée façon héroïne de téléfilm ricain des années 80, affublée d’une coiffure de chien et qui plus est ivrogne, grossière et tape-dur... S’affirment aussi Sunny et Rajnikhant, cogneurs nés, ultra-inspirés par la castagne old-school et l’esthétique simpliste des combats de rue... Désormais, la violence est source de rire et les danses détendues, mielleuses comme il se doit. Pendant plus de la moitié du film, Chaalbaaz oscille ainsi entre humour rose et humour noir, pour le plus grand plaisir du spectateur. Malheureusement son dénouement, qui aurait pu jouer la carte de quiproquos improbables, préfère se la jouer actionner eighties, sans la moindre explosion et uniquement à l’aide des patates distribuées par les deux héros masculins. Ca fait un peu Roadhouse mais sans Kelly Lynch, et les soixante dernières minutes du film font que l’ensemble traîne un peu trop en longueur. Dommage... Si on peut donc regretter que Pankuj Parashar n’ait pas profité à 100% de l’immense talent de la belle Sridevi (on en vient parfois à douter qu’il n’y ait qu’une seule actrice !) pour faire de Chaalbaaz un film de contrastes extrêmes sur toute sa durée, il n’empêche que celui-ci demeure un grand moment de découverte hallucinée dans sa première moitié... qui vaut bien une seconde partie visionnée en accéléré !

Chaalbaaz faisait partie de la sélection « Continent B : Très méchant(e) » de la 27ème édition du Festival des 3 Continents de Nantes.

- Article paru le jeudi 1er décembre 2005

signé Akatomy

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