Chaw
Au début de Chaw, alors que le village de Sameri découvre l’une des tombes de son cimetière rural profanée, les différents maillons de la hiérarchie policière locale qui débarquent sur les lieux pour investiguer tombent tous ou presque, un par un, le long de la colline qui surplombe la sépulture. Et à l’issue de la scène, c’est l’ensemble du groupe, sur le départ, qui retombe aux pieds du méfait. Aucun rire pré-enregistré toutefois, n’accompagne la série de dégringolades, que Shin Jeong-won ne traite même pas comme un running gag. Ce décalage, le réalisateur de To Catch a Virgin Ghost l’observe simplement à mi-distance, consterné autant qu’amusé, l’air de dire : les gens de la campagne, vous savez…
Dans les minutes qui suivent, Chaw cumule les présentations d’autant de singularités gentiment pathétiques, du chef du village à une folle errante qui force un orphelin à la considérer comme sa mère, sans oublier un policier débarqué de Séoul, qui va servir de bouseux aux bouseux. Il y a même un chasseur professionnel, dépêché pour résoudre un sérieux problème, dont le chien semble parler le russe. Comme dirait Tom DiCillo : make it weird… Oui, j’oubliais, Sameri a donc un problème de taille : un sanglier mutant, dont l’origine restera une hypothèse, pas content et qui du coup décime tranquillement ses habitants, les emboutissant comme un poids-lourd embrasserait un malheureux piéton. Sauf qu’un camion ne grignote pas les restes.
Chaw, c’est évident, marche dans les pas de The Host. Contrairement au chef-d’œuvre hybride de Bong Joon-ho, toutefois, qui mélange pathétique et sérieux avec une puissance virtuose, pour asseoir le spectateur au milieu d’un paquet de chaises, la mutation de Chaw est unique et constante. Ses différents protagonistes, simplement stupides, ne sont pas réellement approfondis, et n’ont d’autre but que de peupler le métrage de leurs maladresses attachantes. Alors que la créature de The Host, grotesque, échappe au ridicule grâce aux contrastes créés par la mise en scène puissante de Bong Joon-ho, celle de Chaw n’est qu’un gros sanglier numérique à l’échelle variable, selon les besoins de ses interventions meurtrières, en phase avec la restreinte pince-sans-rire du métrage. Faire plus aurait été inutile : il suffit à l’omnivore d’être un peu moins con que l’homme.
Shin Jeong-won adapte cette logique à l’ensemble du film. En dehors d’une erratique scène de rampage dans la salle municipale, sa mise en scène ne brille ni ne déplait, d’une constance étonnante, à la limite du syndical. Il n’essaye ni de terrifier, ni de dégoûter ou même émouvoir dans un quelconque excès, simplement de rabaisser ses protagonistes plus qu’imparfaits. Il achèverait même de les rendre antipathiques lorsque, craignant l’héritage du sanglier tueur, ceux-ci s’en prennent à ses mignons petits marcassins. C’est mal.
N’empêche que, avec sa flopée de bons-à-rien, son enthousiasme mesuré, et sa façon de pallier à ses lacunes avec pléthore de digressions gratuites, Chaw est d’autant plus agréable à suivre qu’il n’a d’autre prétention, finalement, que de ne jamais exceller – tout au plus distraire et satisfaire. Ce qu’il fait avec aisance, et une certaine fainéantise, content de briller, un peu, aux côtés de The Host, plutôt que d’échouer à lui faire de l’ombre.
Chaw est disponible notamment, sous-titré anglais, en DVD en Corée et en Angleterre (pas cher), et je crois même avoir lu quelque part qu’il devrait débarquer en vidéo dans l’hexagone dans les mois à venir.



