Cho Eun-sook
Si Plastic Tree a marqué cette cinquième édition du festival de Deauville, ce n’est pas tant par ses qualités - car il en a, notamment grâce au jeu de Cho Eun-sook - que par l’ "aboutissement" qu’il représente : il s’agit en effet du premier film coréen tourné avec 100% de financements étrangers - qui plus est, en l’occurence, français ! C’est l’actrice principale de Plastic Tree qui s’est déplacée sur les planches pour présenter cette "première" culturelle ; si on a pu regretter un moment la disparition de sa magnifique crinière noire, ça n’a pas gâché notre rencontre, rassurez-vous !
SdA : Plastic Tree fait un peu penser à du Kim Ki-Duk version ado, dans son approche très violente des relations humaines et amoureuses. Est-ce que, selon-vous, c’est un trait représentatif du cinéma coréen ?
Cho Eun-sook : Cette violence relationnelle n’est pas du tout une tendance représentative du cinéma coréen. Les œuvres coréennes qui ont été présentées jusqu’à maintenant dans les festivals, comme les films de Kim Ki-Duk ou Hong Sang-soo, sont considérées en Corée comme des films d’auteurs, et sont par conséquent plus spécifiquement destinées à des médias bien précis. En général cependant, on a beaucoup de films très commerciaux, qui ne sont pas forcément présentés lors de festivals. C’est pourquoi les films de Kim Ki-Duk et Hong Sang-Soo ne peuvent être considérés comme représentatifs du cinéma coréen ; il ne faut pas les comparer avec la production courante.
Certes, mais ceux-ci sont-ils à votre sens fondamentalement coréens, le signe d’une expression culturelle caractéristique ?
Oui, ces films sont caractéristiques du cinéma coréen. Dans l’absolu toutefois, et au niveau du cinéma asiatique ou même mondial, ils représentent un style à part. Ces deux réalisateurs veulent retranscrire la situation de la femme en Corée - très réprimée, oppressée...
Ce qui est frappant dans Plastic Tree justement, c’est cette vision tellement noire qui nous est livrée de l’homme coréen - par Sue notamment, mais également par Byongho (ce soi-disant ami d’enfance) et les autres coursiers, au sein même de la société où travaille Wonyoung : il n’y a pas de personnage masculin positif dans Plastic Tree, ils sont tous terriblement brutaux.
C’est plus compliqué que cela en ce qui concerne le personnage de Sue, puisqu’il ne faut pas oublier qu’enfant, il a été élevé comme une fille par une mère un peu dérangée. C’est quelqu’un qui n’a pas pu grandir en découvrant qui il était, et n’a donc pu qu’accumuler des frustrations. Mais il est vrai que je regrette de ne pas avoir réussi à croiser dans cette histoire un seul personnage masculin positif ! [rires] Et puis il faut ajouter que c’est le fait que nous regardions cette histoire de notre point de vue, et non du point de vue de l’un des personnages, qui la rend si dure. C’est cette lecture extérieure qui rend les choses si violentes !
De toute façon, l’objectif de Plastic Tree n’est pas de montrer le côté positif ou négatif d’une histoire. Si, par exemple, je suis toute une journée avec ma caméra quelqu’un que je ne connais pas, mon jugement sur cette personne sera très certainement différent à la fin de la journée, de ma première impression à son égard 8 heures auparavant ! J’aurais découvert quelque chose en cette personne. C’est dans cet esprit qu’il faut regarder ce film.
Le fait que Wonyoung se libère au cours du film, grâce au contact de Byongho - sans que pour autant l’on puisse affirmer que ce soit un évènement positif ou négatif - est-ce que c’est quelque chose en quoi vous vous reconnaissez, ou est-ce un vrai travail de composition ?
J’ai beaucoup travaillé sur ce film pour exprimer tout un tas de choses que je ne parvenais pas à dire il y a deux ans encore, que je n’arrivais pas à montrer aussi librement. Evidemment, ma propre expérience depuis cette époque m’a beaucoup servie.
Vous avez commencé votre carrière dans un film de Hong Sang-Soo (Le jour où le cochon est tombé dans le puits, NDLR), un cinéaste indépendant. On vous retrouve aujourd’hui, une fois de plus, dans un film d’auteur ; entre temps cependant, vous avez tourné des films plus accessibles, plus commerciaux, destinés à un public plus large. Dans laquelle des deux approches vous sentez-vous le plus à l’aise ? Est-ce que vous n’arriviez pas à vous exprimer dans ces films commerciaux ? Et est-ce que du coup, Plastic Tree représente une libération pour vous en tant qu’actrice, une voie dans laquelle vous aimeriez poursuivre plus avant ?
Ce n’est pas parce qu’un film est "commercial" qu’il est mauvais, ni qu’un film est "d’auteur" qu’il est bon !!
Dans l’avenir toutefois, j’aimerais me diriger vers des films de la veine de ceux que réalise Kim Ki-Duk, ou de Plastic Tree. Au départ, mon désir était de tourner dans le plus de films possible pour me retrouver moi-même, en jouant différents personnages ; mais maintenant, le film d’auteur m’attire plus, c’est vrai.
Avez-vous une actrice "modèle", quelqu’un dont le parcours vous fait rêver ?
Je dois avouer que depuis toute petite je suis très inspirée par ces gens qui vivent en se battant pour une cause humanitaire... Et c’est vrai que de fait, Audrey Hepburn me semble un parfait symbole de la réussite, en tant qu’actrice et bienfaitrice (infatigable ambassadrice de l’UNICEF et du sort des enfants dans le monde notamment, NDLR). L’un de mes projets en cours, du reste, est de réaliser un magazine qui s’intitulera Soulmate et qui parlera des problèmes humanitaires. Je veux travailler pour les autres, partager : c’est mon rêve depuis toujours.
En tout cas, nous tenions à vous remercier pour la qualité de votre interprétation dans ce film.
Merci beaucoup ! Au revoir ! (en français dans le texte)
Interview réalisée à Deauville le 16 mars 2003 par l’équipe de SdA.



