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Japon

Close Your Eyes and Hold Me

aka Me wo tojite daite | Japon | 1996 | Un film de Itsumichi Isomura | Avec Kumiko Takeda, Kazuya Takahashi, Natsue Yoshimura, Kunihiko Ida, Shinobu Satô

Amane, salaryman tout ce qu’il y a de plus banal, doute que l’affection forcenée que lui porte la charmante Juri le rapproche du bonheur. Ses certitudes basculent un peu plus le jour où il renverse une femme magnifique. Obnubilé par son aura, qu’il confirme non seulement singulière mais aussi suicidaire lors de ses visites dévouées à l’hôpital, Amane retrouve la victime dans un club transsexuel. L’objet de son affection, Hanabusa, envoûtant un public épars à l’aide d’un micro, est « elle aussi » un homme. Pourtant l’émotion d’Amane ne faiblit pas, et il se laisse entraîner à la découverte du troisième sexe, fasciné par cet homme tour à tour masculin et féminin qui lui fait chavirer les sens. Blessée par Amane, qu’elle convoitait et qui la délaisse, Juri décide de rencontrer Hanabusa. Et tombe, elle aussi, dans les mailles de sa versatilité sexuelle...

Les paysages urbains, intérieurs et différents contextes reflètent, par le biais du cadre, l’état d’esprit, la perception d’Amane : la symétrie froide et dépeuplée de ses bureaux et de l’hôpital, tout en horizontal, la chaleur tamisée de tout ce qui touche à Hanabusa, peuplée d’obliques et autres instables et glissants, la neutralité de Juri, personnage sans véritable empreinte, humaine ou sexuelle... Partant de peu de matière narrative, Itsumichi Isomura construit visuellement son film sur un jeu d’ambiances, créant un univers presque fantastique, dont on devine qu’il est limitrophe, dans son caractère tabou, à la réalité sociale japonaise.

Pivot de cette réalité alternative, l’entité Hanabusa, ni homme ni femme et pourtant entièrement – exclusivement ? - sexuée, est incarnée par la superbe Kumiko Takeda. Le choix d’Isomura, de recourir à une actrice si explicitement féminine pour incarner une sexualité pas réellement intermédiaire mais plutôt somme, s’il pourra paraître malhonnête aux amateurs de véritables décalages érotiques, permet de semer un trouble authentique chez un plus grand nombre de spectateurs. Car l’exploitation corporelle de Kumiko Takeda est inhabituelle, contradictoire, alors que visuellement, en instantané, le rapport des corps d’Amane et Hanabusa ne choque pas. En dépit du caractère éminemment visuel du film – qui reste toutefois très softClose Your Eyes and Hold Me joue ainsi son érotisme sur le terrain le plus pertinent qui soit : celui de l’imagination, lieu de tous les possibles, et – qui sait – des fantasmes de cinéphiles. Où l’explicite est utilisé pour mettre en valeur l’implicite : ici, la superbe poitrine de Hanabusa, complément d’une masculinité que l’on imagine, paradoxalement, tout aussi débordante.

Close Your Eyes and Hold Me est donc une réussite certaine en ce qu’il parvient à concilier exploitation et érotisme alternatif, satisfait les attentes d’une audience mainstream tout en la prenant, si j’ose dire, à revers. Et globalement, dans son attention du cadre et son goût des corps féminins, Isomura – à l’époque sur le point de passer au cinéma grand public avec Rena Tanaka pour les besoins de l’excellent Give It All – livre un film intéressant, remplit son cahier des charges rose.

Pourtant le film se prend régulièrement à son propre piège ; l’ambiance feutrée qui entoure Hanabusa touche parfois de près au téléfilm de bas étage, et le mystère prolongé au-delà du raisonnable sur sa véritable nature amène Close Your Eyes and Hold Me à tourner quelque peu à vide, pour se conclure sur une conclusion en forme d’ouverture, libre ou non-sensique, au choix. Pour qui cherche à retrouver, fort généreuse, la magnifique protagoniste de Zero Woman 3 en tout cas, et se sent à même d’être titillé par des évocations taboues, contre nature et légèrement oniriques, Close Your Eyes and Hold Me reste une expérience très satisfaisante.

Close Your Eyes and Hold Me est disponible en DVD zone 1, et donc sous-titré anglais, chez Asia Pulp. La copie est au format mais non anamorphique, et bénéficie d’une image correcte dans ce contexte imparfait.

- Article paru le samedi 7 février 2009

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