Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong

Colour Blossoms

Hong Kong | 2004 | Un film de Yon Fan Manshih (Yeung Fan) | Photographie de Christopher Doyle | Musique de Surender Sodhi | Avec Teresa Cheung Siu-Wai (Chiang), Keiko Matsusaka, Sho, Carl Ng, Harisu

« Guérir l’âme au moyen des sens, les sens au moyen de l’âme. » - Lord Henry Wotton de la plume d’Oscar Wilde.

Miss Meili est agent immobilier dans les hauteurs de Hong-Kong. Lors d’une visite, elle fait la connaissance de Mademoiselle Satoko Umeki, qui souhaite s’offrir un appartement pour elle et son jeune, très jeune amant. Cet appartement possédant une vue imprenable lui sied, mais la vente n’aura lieu que si et seulement si Meili parvient à trouver le repreneur idéal pour son vieil appartement. Surprise par cette offre, Meili accède à la demande de cette singulière femme de 50 ans s’exprimant de temps à autre en anglais, et entretenant un gigolo des plus soumis.

« Pouvez-vous m’indiquez où se trouve Prince Terrace ? »

L’esprit vagabond et plein de fantasmes de la jeune Meili n’est pas au bout de ses peines. Déjà lourdement tourmentée par la curieuse demande de Miss Umeki, Meili est de plus en plus attirée par un jeune policier (le matricule 4708), fraîchement muté dans le quartier où justement se situe ce fameux appartement. Enfin Meili pénètre dans ce lieu si mystérieux, qui n’a guère été modifié depuis le début des 70’s. A vrai dire
il n’y a pas l’air d’avoir eu une seule âme qui y vive depuis 30 ans ; pourtant le loyer fut bel et bien réglé mois après mois durant ces trois décennies.

Dès l’instant que Meili foule de ses pieds le tapis d’entrée de l’appartement, elle se sent transportée ; la poussière sur les meubles l’électrise, les couleurs des murs l’envoûtent, la délicatesse des étoffes recouvrant le lit et la chaise de la coiffeuse lui persécute les sens. L’obsession est à son comble lorsqu’elle ressent la présence de Melle Umeki... décidemment le mystère qu’entoure cet être la subjugue. Littéralement prise de passion pour ce lieu, c’est à contrecœur qu’elle voit arriver un groupe de visiteurs dont le leader, un homme assez mûr, est accompagné de sa petite cour de jeunes éphèbes imberbes et efféminés, et de femmes accoutrées de façon, ma foi, très racoleuse, voire putassière. Ce vieux beau, enchanté par les lieux, souhaite signer le bail très rapidement... c’est alors que Meili ment, elle ment par réflexe, par amour propre, par passion. Elle ment dans le seul but, non pas de garder l’appartement au sens physique, mais plutôt pour conserver, pour elle seule, l’atmosphère et l’odeur de ce lieu insolite et chaud qui lui semble hanté d’érotisme.

Excédé d’avoir été victime d’une telle méprise d’amatrice, le vieil homme s’enfuit en pleine esclandre, bientôt suivi de sa suite. Meili se retrouve seule, enfin seule dans l’appartement, dans SON appartement. C’est à ce moment qu’elle sent une présence érotiquement masculine. Un homme est allongé sur le lit. Il porte un pantalon de cuir noir, un t-shirt blanc et tient une caméra 8mm dans la main et il est beau. Beau comme Mars sur son char transportant le soleil, dont émane une chaleur moite, étouffante et attirante par-dessus tout.

Meili croit tout d’abord qu’il s’agit d’un membre de la clique du dernier philanthrope ayant visité les lieux. Mais le silence et l’aspect d’un autre temps que dégage le jeune homme l’intrigue. Il ne répond à aucune de ses questions. Il se borne juste à la filmer sous tous les angles, scrupuleusement. D’abord réticente, elle se laisse finalement faire et bientôt, sans s’en rendre compte, ils se retrouvent sur le balcon, elle à parler et lui toujours occuper à filmer. D’autant plus que la scène se déroule sous les yeux jaloux et envieux du matricule 4708, qui les épie du bas de la rue.

« SM c’est l’amour de la souffrance par la souffrance que l’on inflige à l’autre. » - Melle Umeki.

Restant bizarrement de marbre, bien que son bouillonnement intérieur soit plus que palpable, le policier apprend, suite à quelques recherches, que dans ce lieu coloré s’est passé une tragédie, un crime : une femme a tué son amant lors d’un rapport sexuel, agrémenté d’un jeu SM qui se termina mal.

« Y our apple pie don’t taste too nice. You better wise up Janet Wice. » - Frank N.Furter.

Dernier film en date de Yon Fan, Colour Blossoms est le film le plus coloré de ces dernières années, et jamais auparavant n’avait on assisté à autant d’ambiguïtés des sentiments amoureux, de confusions des sens, d’enivrantes odeurs sexuées. Fort du succès critique et du plébiscite des spectateurs de Peony Pavilion, Yon Fan s’est littéralement lâché pour ce nouvel opus de sa recherche pour la passion pure et surtout ses travers, ou plutôt les épreuves que l’on doit surmonter pour y accéder.

« Vas-y fouette-moi, ça me fait du bien quand tu me fais mal !! » - Luis Rego.

Bien entendu le premier rôle de ces Colours reste sans conteste le sexe, le sexe à outrance, celui dans lequel on se perd, se noie, se laisse porter, s’abandonne dans le sens le plus complet du terme. La Sexualité, l’hétérosexualité, l’homosexualité, la bisexualité, tout se mêle et se fond en un chez Yon Fan, et au milieu coule la rivière du désir et de ce fait de la vie, d’une certaine vie. Le melting de toutes les sexualités taboues, interdites ou condamnées par certains livres religieux fascisants, qui ont jalonnées la vie de Satoko Umeki, est indissociable de la volonté qu’elle possède de faire subir une soumission jouissive à tous ses partenaires. Mais en grattant la fine couche de femme indépendante qu’elle arbore et qu’elle croit représenter de par son paraître (Patrick Bateman où te caches-tu ??), on s’aperçoit rapidement que ce n’est pour elle que le moyen de se soumettre à ses dits partenaires, et ainsi de revivre une passion oubliée et morte depuis longtemps.

Mais alors si le sexe a des vertus réparatrices pour Satoko Umeki, quels sont ses effets sur les autres protagonistes ? Pour Meili, le sexe est nécessaire, d’autant plus que son fétichisme est un frein et paradoxalement un déclencheur de pulsions chez elle. Frigide par son manque de paroles, Meili est pourtant débordante de caprices sexuelles. L’ambivalence de son caractère est à son comble lorsqu’elle se convainc qu’elle doit choisir entre le matricule 4708, Kim le doux cadreur et Satoko la femme fatale et désirable. La frêle personnalité de Meili vacille et la pauvre n’est plus à même de se rendre compte que le choix a toujours été une évidence : le mystère attire le mystère, la mélancolie aimante la tristesse, l’homme aime l’homme, la femme aime la femme, et ça c’est merveilleux.

Au gré du générique de fin, la réflexion bat son plein. Car finalement tout ceci, ces événements tragiques, ces décisions impulsives et donc irréfléchies ne seraient-ils pas arrivés et prises dans le seul but d’aimer et d’être aimé(e) ? Je vous parlais plus haut de vertus libératrices, de rédemption par le sexe ( ??!!), mais peut-être simplement que tous les protagonistes du film de Yon Fan désirent. Satoko Umeki désire revivre ce qu’elle pense avoir été l’amour de sa vie. L’officier de police mettra tout en œuvre pour posséder le formidable corps de Meili. Kim, sorte d’homme objet, souhaite enfin pouvoir sortir de l’ancienne emprise destructrice de Satoko et de la nouvelle de Meili. Car en fait tout ces personnages qui se tournent autour (d’eux-mêmes) ne recherchent finalement qu’une chose : le désir d’appartenir (étymologiquement très proche du mot appartement) à quelqu’un et de s’abandonner pour de bon, quitte à en mourir. Après tout ne dit-on pas mourir d’amour pour quelqu’un.

Qu’ajouter de plus... ah oui, Colour Blossoms ne serait picturalement parfait s’il ne comptait pas dans son casting trois femmes incroyablement magnifiques. Somptueuse Keiko Matsusaka (parfois écrit Matsuzaka). Depuis la création de Sancho, on ne vous la présente plus. Sachez juste que l’étendue de son talent est quasi palpable dans Kamata Koshinkyoku et Katakuri no Kufuku. Teresa Cheung qui donnerait l’envie à n’importe qui de vendre son âme au diable, détient une beauté naturelle à couper le souffle. Et la jeune Harisu (Ha Ri Su pour certains), qui incarne la jeunesse de Satoko Umeki, est l’Erotisme, certes un brin putassier, dont nos yeux aiment à se régaler, à chacune de ses apparitions. La belle fut mise à contribution dans le film coréen Yellow Hair 2 de Kim Yu-Min (2001).

Colour Blossoms est un plaisir pour les yeux, le cœur, les oreilles, et provoque ou provoquera une joie montante pour quiconque en sera témoin. Merci Monsieur Yon Fan.

Colour Blossoms est sorti en salles à Hong-Kong fin novembre, et sortira si tout va bien en DVD le 27 décembre de cette année.

La bande originale du film est elle disponible dans une édition spéciale (digipack), accompagnée de cinq postcards à la gloire de chacun des acteurs. Le disque composé de 8 morceaux est tout simplement incontournable. Mention toute spéciale au morceau intitulé Sakura Rains. A posséder et adorer au plus vite ; la musique du compositeur indien Surender Sodhi est absolument exceptionnelle et parfaitement exploitée dans la plupart des scènes, notamment les scènes de relations chaudes, moites et dénudées.

Site officiel : http://www.yonfan.com

- Article paru le mercredi 8 décembre 2004

signé Takeuchi

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