Company
Oberoi
Au cours de ces dernières années, plusieurs polars ont été distribués sur nos écrans en provenance de
l’hémisphère sud, qui s’inspiraient de films occidentaux pour traiter d’histoires locales, et se sont fait remarquer par leur véritable savoir faire.
Le film sud-africain Hijack Stories a ouvert la voie,
puis plus récemment ce fut au tour du brésilien "post scorcesien" La Cité de Dieu. L’indien Company de Ram
Gopal Varma mériterait lui aussi amplement de trouver un distributeur sur le territoire hexagonal, après sa projection lors de la rétrospective "Vous avez dit
Bollywood ?". Ram Gopal Varma arrive à transcender l’étiquette Bollywood : son film est tout simplement bon, pas besoin d’excuses ethnographiques.
Chandu et sa bande de malfrats à la petite semaine se voient offrir par une des familles de la mafia de Bombay, dont le "business" est en pleine expansion, de s’associer à eux. Une association qui permettra à Chandu d’atteindre les échelons les plus élevés de l’organisation de Mallick "bhaï", avant de s’apercevoir qu’il n’est pas aussi "dur" qu’il le faudrait...
Par rapport à la précédente incursion de ce réalisateur dans le polar, avec le noir et réaliste Satya,Company est un projet plus ambitieux sur le plan thématique. Cette évolution peut se comparer à celle entre Les affranchis et Casino, sans bien sûr mettre tous ces films sur un même pied d’égalité. Company se veut à fois un film sur la mafia, mais également sur le capitalisme actuel. Finalement, l’outil le plus puissant est le téléphone et non pas le revolver. Dans une scène clé du film, en seul coup de fil Chandu est témoin de la trahison d’un de ses proches, puis de son exécution dont il vient de donner le feu vert.
Si dans la mafia telle que décrite dans Le Parrain,
l’organisation de Marlon Brando est calquée sur celle des légions romaines avec ses soldats, capi et capo di tutti capi, dans Company - le nom attribué à la famille de Mallick par les journaux - celle de cette bande est calquée sur les multinationales. Chandu supervise les activités en inde et Mallick, les opérations à l’international.
Le polar de Hong Kong est également une des références du film. Ce n’est sans doute pas un hasard si Mallick et Chandu s’y réfugient pour fuir la police.
Ram Gopal Varma passe également à la vitesse supérieure du point de vue technique. La qualité de la photographie est notamment excellente. On pourra cependant regretter un peu trop d’esbroufe dans le style qui abuse de jump-cut et d’angles de caméra tordus.
Le réalisateur montre sa maîtrise lors de certains tournants importants du film, la scène d’ouverture notamment. En une séquence de quelques minutes, il résume certaines phases de l’intrigue, grâce à un montage vif et une voix off. Une pratique qui a l’avantage de lui permettre d’illustrer son l’histoire, sans en ralentir le rythme.
Au service de son scénario, Ram Gopal Varma a fait appel à de bons acteurs. Ajay Devgan, le chef de Chandu livre une belle prestation tout en retenue. Quant à Manisha Koirala, malgré son rôle qui la cantonne le plus souvent en arrière plan, elle tire cependant son épingle du jeu, en jouant sur les détails. Vivek Oberoi, la découverte du film et la nouvelle coqueluche des indiennes (sa petite étincelle dans l’oeil semble faire des merveilles), n’hésite pas à donner de sa personne. Transformation physique pour effacer son apparence de beau gosse, mais également lors des scènes d’actions. La prochaine fois, il faudra cependant qu’il délaisse son look de marlou lorsqu’il atteint les sommets de l’organisation...
Passage obligé pour un film Bollywood classique, les scènes chantées sont quasiment absentes du film. On ne ne doit leur présence qu’à la volonté des producteurs. Le réalisateur les a neutralisées en les plaçant au générique et lors d’une scène de boîte de nuit. Elles n’interfèrent ainsi en aucune façon avec le développement de l’intrigue. Cependant, le savoir faire musical du cinéma indien n’est pas perdu. Company bénéficie d’une bande originale de grande qualité.
Company est disponible en DVD, notamment en Inde chez Eros, sous-titré en anglais.



