Confession of Murder
L’inspecteur Choi Hyeong-goo, chargé d’une enquête sur un serial killer égorgeur de femmes, voit ce dernier lui échapper alors qu’il tente de faire une nouvelle victime. Avant de disparaître, l’assassin en question lui laisse une balafre au coin de la bouche. Quinze ans plus tard, alors que le délai de prescription du dernier crime de ce serial killer expire, Choi est témoin du suicide d’un membre de la famille d’une des victimes. Deux ans passent encore, et un jeune homme, Lee Doo-seok, apparaît, publiant un livre dans lequel il confesse être le tueur en décrivant les crimes, et ce afin de demander pardon aux familles...
Dans ce premier film de fiction, Jeong Byeong-gil a la ferme volonté de bousculer le petit monde du polar coréen survitaminé. Le film est très riche visuellement, et plutôt réussi techniquement - mis à part quelques effets spéciaux plutôt voyants. Mais Confession of Murder souffre particulièrement d’être avant tout une carte de visite trop démonstrative sur le plan visuel, et trop ambitieuse du point de vue scénaristique. Néanmoins, Jeong Byeong-gil a un talent certain. Il fait preuve d’originalité, là où ses confrères auraient plutôt une fâcheuse tendance à s’autoparodier. J’en veux pour exemple la séquence dans laquelle le membre de la famille d’une des victimes se suicide en se jetant dans le vide, pour atterrir de fort belle manière dans le pare-brise d’un bus qui passait justement par là. L’originalité est également présente dans les transitions entre les séquences. Par contre l’un des défauts indéniable du film est bien l’étirement parfois excessif des scènes d’actions. Mais il s’agit d’un péché mignon, tout à fait compréhensible lorsque l’on sait que Jeong Byeong-gil est l’auteur d’un documentaire sur les cascadeurs coréens, intitulé Action Boys, sorti en 2008. De plus, il affiche l’ambition de surenchérir de façon plus qu’outrancière en matière d’action. Voir ainsi la séquence de poursuite en ambulance et bagnoles, entre l’inspecteur Choi, Lee Doo-seok, ses gardes du corps et les membres de familles de victimes qui veulent faire la peau à l’assassin... Une quasi version live de Tex Avery, teintée de Mack Sennett. Du grand n’importe quoi, jouissif à souhait, qui n’est pas sans rappeler les petites perles hongkongaises d’il y a déjà vingt, trente ans. Bref, côté réalisation Jeong Byeong-gil fait une entrée plutôt remarquée, en ce qui concerne l’action en tout cas.
Là où il se prend les pieds dans le tapis, c’est du point de vue narratif et scénaristique. Car, sur ce terrain aussi, l’ambition est affichée, haute et forte. Et là, c’est le drame : on sombre malheureusement dans l’excès contreproductif, qui laisse plus une impression d’indigestion, que la satisfaction d’avoir été correctement substanté. Là encore la volonté de « révolutionner », notamment le film de vengeance, plombe sérieusement l’ensemble. Jeong Byeong-gil est sans doute un grand fan de Chubby Checker, mais il a trop écouté Twist Again pendant l’écriture du scénario. Car Confession of Murder, c’est avant tout le Festival du twist ! A tel point qu’on en a le tournis, les neurones en fusion, et que l’on sombre avant la fin du film dans la plus totale paranoïa. Au point de se demander si ce ne serait pas le beau-frère du cousin du fils du pharmacien de la concierge d’en face qui serait derrière tout ça !! Oui, certes j’exagère mais y’a pas que Jeong Byeong-gil qui a droit à l’outrance, bordel !
Le début du film pêche par une mise en place un peu longue ; quant à sa fin à rallonge, où, comble de tout, le héros et les familles des victimes peuvent s’écrier « Youpi ! Si on passait à autre chose ? »... un grand moment de cinéma ! Le scénario se révèle un grand fourre-tout, où malheureusement les bonnes idées deviennent caricaturales. Le film s’accompagne, en effet, d’une critique des médias - télé, presse écrite, et édition. Jeong Byeong-gil souhaite montrer à quel point ceux-ci manipulent la bêtise de leur auditoire/lectorat. L’idée que Lee Doo-seok, en se présentant comme l’auteur des crimes avec son livre, devienne une idole des jeunes coréennes grâce à son côté beau gosse classe qui prend soin de lui est intéressante. De même pour celle d’un débat télévisé entre Lee Doo-seok et l’inspecteur Choi Hyeong-goo, mais malheureusement les représentants des médias montrés sont tellement caricaturaux, que le propos est totalement désamorcé. Le film aurait sans doute gagné à avoir un ou deux personnages annexes consistants, pour étoffer le tout, rendre réellement intelligent le propos, et la charge plus subtile. Dommage. On appréciera quand mêmes les quelques notes d’humour ou d’ironie qui parsèment le film, surtout les apparitions des écolières.
Par contre, du côté de l’interprétation, Jung Jae-young (No Blood No Tears, Silmido) qui interprète Choi Hyeong-goo, ainsi que Park Si-hoo qui joue Lee Doo-seok, sont plutôt bons. A noter que Jeong Byeong-gil se permet également la facétie de jouer un petit rôle que l’on voit à plusieurs reprises, celui d’un des gardes du corps de Lee Doo-seok. Et il s’en sort également bien.
Confession of Murder se révèle malgré tout un film distrayant. Si seulement la carte du film de genre avait été jouée plus à fond, plutôt que la trop grosse ambition de son réalisateur (ou plutôt l’excès de générosité,serait-on tenté de dire)... On a droit au final à une série B de très belle facture, qui malgré tout enterre de très loin les blockbusters imbuvables - suivez mon regard en direction de The Agent - de réalisateurs déjà en place. C’est une œuvre de jeunesse pour Jeong Byeong-gil qui, bien qu’il s’apparente à un éléphant lâché dans un magasin de porcelaine, a quand même du talent et des idées. Suffisamment pour nous convaincre qu’armé d’un bon scénario et d’un peu plus de maturité, il a de l’avenir au Pays du Matin calme, en ce qui concerne les films d’agités.
Diffusé au cours de la XIXème édition de l’Etrange Festival (Paris, 2013), Confession of Murder est par ailleurs disponible en DVD et Blu-ray sous-titrés anglais en Corée du Sud.
Remerciements à Xavier Fayet.







