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Japon

Contes cruels de la jeunesse

aka 青春残酷物語, Seishun zankoku monogatari | Japon | 1960 | Un film de Nagisa Oshima | Avec Yūsuke Kawazu, Miyuki Kuwano, Yoshiko Kuga, Fumio Watanabe, Shinji Tanaka

La ballade sauvage.

Makoto est prise en stop par un homme d’âge moyen, qui aurait souhaité ne pas en rester seulement là. Elle est tirée de ce mauvais pas par un étudiant, Kiyoshi, qui frappe l’automobiliste et lui extorque de l’argent. Makoto tombe amoureuse du jeune homme et ce dernier trouve un moyen facile de gagner de l’argent en réitérant l’opération. Kiyoshi y trouve aussi un exutoire à sa violence et en Makoto, une jeune femme soumise. Veuf, son père les laisse vivre ensemble en dépit des avertissements de la sœur ainée.

Second film de Nagisa Oshima, Contes cruels de la jeunesse dépeint une jeunesse désenchantée, sans repère, et sans but qui bascule dans une errance criminelle.

La dérive de Makoto et Kiyoshi se veut une condamnation cinglante de toute une société et une attaque en règle contre les générations précédentes. Celles de leurs pères et de la sœur aînée de Makoto ont échoué dans leurs projets de changement de la société. Le père de Makoto est présenté comme un homme veule. Lors d’une de ses rares apparitions à l’écran, il évoque l’échec du rétablissement de la démocratie au Japon après la Seconde Guerre mondial. « Qu’avons nous à lui offrir ? » ajoute-t-il à propos de Makoto en reconnaissant sa défaite.

Mais Makoto et Kiyoshi ne se retrouvent pas non plus dans les militants de gauche, à l’instar du camarade de chambrée du second. Périphérique à l’intrigue, mais renforçant sa dimension politique, le cinéaste intègre des prises de vue réelles de la manifestation de 1960 contre l’accord de sécurité américano-japonais (ANPO) et des manifestations d’étudiants coréens contre le gouvernement du président de la République de Corée, Syngman Rhee.

La violence semble être le seul moyen d’expression de Kiyoshi, aussi bien dans sa relation avec Makoto, qu’avec sa belle-mère avec laquelle il couche pour de l’argent. Sexualité et argent sont intimement liés : le second est le moteur des relations humaines. Kiyoshi, qui vit dans un milieu où se côtoient yakuza et étudiants, utilise Motoko comme un objet sexuel et comme un moyen facile de gagner de l’argent. Nagisa Oshima montre une relation d’amour qui fait mal, désamorçant ainsi toute velléité de romantisme. Le cinéaste livre une vision nihiliste des relations humaines.

Si le malaise de la jeunesse japonaise à la jonction des années 50 et 60 appartient désormais à l’histoire, la mise en scène imaginée par le cinéaste pour l’exprimer n’a pas été émoussée par le passage du temps. L’énergie transgressive du film continue de jaillir de l’écran, aussi percutante qu’au premier jour.

La version restaurée fait honneur à la vision d’Oshima, secondé par le directeur de la photo, Takashi Kawamata. Ce dernier photographiera plusieurs films d’Oshima après avoir travaillé comme assistant à la caméra sur les derniers films de Yasujirô Ozu : changement de génération et de style.

La beauté de la pellicule est un plaisir pour les yeux – la qualité visuelle des films japonais de cette époque est d’ailleurs impressionnante qu’elle que soit le budget – mais surtout elle permet d’apprécier pleinement l’esthétisme audacieux créé par le cinéaste pour exprimer ses thèmes.

En utilisant des couleurs vives, des très gros plans sur des parties de visages ou de corps assommés de soleil, le cinéaste japonais nous fait ressentir le désir cru de cette jeunesse.

Les cavalcades à moto de Makoto et Kiyoshi, dont l’une s’achève dans l’océan, filmée en faisant trembler légèrement la caméra - lieu commun filmique aujourd’hui, mais technique rare à l’époque - communique cette énergie non canalisée.

Contes cruel de la jeunesse est disponible en DVD et en Blu-Ray grâce Carlotta Films. Remerciements à l’éditeur.

- Article paru le lundi 4 octobre 2021

signé Kizushii

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