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Corée du Sud

Crazy Lee

aka Dachimawa Lee - 다찌마와 리 : 악인이여 지옥행 급행열차를 타라 ! - Dajjimawa Ri : Aginiyeo Jiokhaeng Geuphaengyeolchareul Tara | Corée du Sud | 2008 | Un film de Ryu Seung-wan | Avec Im Won-hee, Kong Hyo-jin, Park Si-yeon, Hwang Bo-ra, Kim Byeong-ok, Kim Su-hyeon, Ahn Kil-kang, Ryu Seung-beom, Oh Jee-hye

A la fin des années 40 en Corée, sous l’occupation japonaise, Dachimawa Lee, redoutable agent secret gominé, est l’arme ultime de la résistance. Alors que sa coéquipière Yeon-ja tombe sous les lames de l’ennemi nippon, Lee est affublé d’une nouvelle partenaire, la belle Mari, pour tenter de retrouver un Bouddha plaqué or renfermant la liste des agents coréens infiltré à la surface du globe. Une mission qui entraînera nos agents au Japon, en Chine, aux États-Unis et même en Suisse, où se déroule le sommet international de l’espionnage secret...

Après le très sérieux City of Violence, Ryu Seung-wan (Arahan, Crying Fist), fer de lance de l’actionner coréen, délaisse les amitiés condamnées pour la parodie loufoque du cinéma d’espionnage. Au charme très masculin de James Bond et autres OSS, il substitue l’improbabilité d’un agent gaffeur mais pas trop, dont on en viendrait presque, influencés par les voix off et autres cartons du film, à admettre qu’il est magnifique en dépit d’un physique quelque peu ingrat. Équivalent filmique, à première vue, d’une blague lourdingue racontée au porte-voix, Crazy Lee possède tout de même un atout qui lui évite de sombrer dans la comédie musclée de bas étage : le talent d’orateur de son metteur en scène, qui compense le volume du discours par sa richesse, visuelle et de tatanes, et dépense finalement son énergie pour faire preuve d’une subtilité très paradoxale.

Contrairement à bon nombre d’œuvres parodiques, qui singularisent leur héros au milieu de personnages respectueux des canons du genre ciblé pour mieux susciter le rire, Crazy Lee affranchit chacun de ses protagonistes de la moindre retenue. Tout le monde parle fort et surjoue, abuse de couleurs et de mauvais goût. Mais l’intelligence de Ryu Seung-wan est de ne jamais racoler ou sombrer dans le vulgaire – ou si peu, si l’on excepte l’invention du bidet portable et autre séance déjà mythique de pleurs de Lee, inébranlable Im Won-hee, qui noie littéralement de morve un confrère blessé par l’ennemi –, distillant dans la surenchère une cinématographie bien particulière et pleine de charme. Le meilleur exemple en est bien entendu Mari (superbe Park Si-yeon), dont les réactions capillaires sont simplement délicieuses, et parviennent à rester synonymes d’un amour filmique en dépit de répétitions abusives, capables de créer un véritable glamour du ridicule.

Plus que de cinéma d’espionnage, c’est de cinéma au sens large que Ryu Seung-wan se joue ici, usant de décors à double fond avec une théâtralité certaine (le noeud de trahisons du film se défera d’ailleurs sur la scène d’un théâtre), qui confère à Crazy Lee une texture unique. Le soin apporté à l’image et la mise en scène se retrouve dans la marque de fabrique du réalisateur, à savoir les combats, qui rappellent que, quoiqu’il filme, Ryu Seung-wan ne prend jamais sa caméra à la légère. Et lorsque, de façon inattendue, il rend hommage à The Blade de Tsui Hark dans un intermède amnésique fabuleux, il brille par son aptitude à filmer les combats, de près comme de loin, en mouvement latéral et en plongées verticales, et distille ce qu’il faut de décadrages similaires à son modèle pour briller, de maîtrise autant que de générosité.

Car dans ce film prétexte, conduit à deux cent à l’heure, Ryu Seung-wan fait preuve d’une générosité, concise et travaillée, qui fait souvent défaut au cinéma de divertissement. Il découpe sa narration en peu de scènes, lieux d’échange de quelques bon mots et autres pirouettes, verbales et physiques, optimisant chaque idée sans jamais l’étirer au-delà du nécessaire. Il en résulte une alchimie, improbable et imparable, du comique troupier et de l’action asiatique, dans laquelle Crazy Lee singe, parodie et copie même, avec une insolence impossible à ignorer puisque chaque protagoniste s’en fait volontairement un vecteur braillard, pour s’affirmer comme un OVNI des plus agréables, absurde et virtuose.

Le DVD édité par Wild Side, qui sera disponible le 2 octobre prochain, est irréprochable du point de vue technique.
Si l’on peut s’interroger par contre quant à la présence de l’hôtesse de charme Katsumi, qui vient compléter de son enthousiasme et de sa nudité les suppléments plus explicitement pertinents du film (making of, bloopers, etc.), il paraît évident que la présence de cette ambassadrice renforce les chances de faire de cette sortie improbable un succès. Que personne ne s’en offusque donc, si ça permet à Wild Side de nous proposer de tels titres !
Remerciements à Benjamin Gaessler et Wild Side.

- Article paru le jeudi 17 septembre 2009

signé Akatomy

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