Crime of a Beast
Vous qui lisez les pages plus "adultes" (ce qui ne veut pas dire "matures", nous sommes d’accord) de Sancho savez que j’apprécie d’une façon toute particulière les productions Matrix Productions Co. Ltd - à savoir, en gros, l’ensemble des derniers Sophie Ngan et Grace Lam (Crime of a Beast 2, Naked Poison 2, Fox Ghost, etc.). Pourquoi ? Et bien parce que, dans l’ensemble, ces petits budgets réalisés à la va-vite en vidéo numérique, sont empreints d’une sincérité toute particulière en matière d’exploitation. La vision rétroactive de Crime of a Beast me permet aujourd’hui de constater que ça n’a cependant pas toujours été le cas...
Crime of a Beast s’ouvre sur la scène d’un crime sexuel. L’inspecteur Wong (Chan Kwok Pong) et son assistant se pressent dans une tente en pleine nature pour recueillir les indices liés à un viol encore frais. La victime, une certaine Mazy Hui (Natalie Ng) a déjà été transportée à l’hôpital. Retour en arrière...
Mazy, dont la profession "principale" est la psychologie (de supermarché, mais nous y reviendrons) possède une activité secondaire plus culturelle, puisqu’elle écrit aussi des scénarios pour le cinéma. Ainsi se retrouve-t-elle sur le plateau d’un drame romantique sans le sou - qui, totalement hors de son contrôle, évolue rapidement vers l’exploitation sexuelle éhontée. Mazy n’approuve bien entendu pas cette "évolution", et est soutenue dans ce sens par Sin Ho-Fun (Samuel Leung Cheuk-Moon), responsable des lumières sur le plateau et accessoirement tête de turc de l’équipe au grand complet. Etrangement Joe, la star féminine du navet en gestation, propose pourtant à Fun de sortir avec elle un soir. Le jeune homme accepte, mais se fait piéger par l’équipe du film, qui découvre sa propension à filmer les jeunes femmes à leur insu, par le biais d’une caméra intégrée à son sac à dos. Aussi se retrouve-t-il à quatre pattes à faire le chien pour Joe, qui déclare avoir été victime d’une tentative de viol de la part du naïf...
Il n’en faut ensuite pas plus à Fun (qui porte tout de même drôlement mal son nom !) qu’une incompréhension au cours d’un séminaire de Mazy sur les crimes sexuels, pour être persuadé qu’il ne cesse d’être l’objet des railleries de son entourage - et cette fois de la part d’une femme qu’il croyait être son amie ! Qu’à cela ne tienne, Fun va se venger en violant Mazy - devant l’objectif de sa caméra bien entendu...
Autant vous le dire tout de suite, Crime of a Beast n’a pas grand-chose à voir avec les dernières productions Matrix (attendons encore quelques lignes avant de juger si c’est un point positif ou non) ; en dépit du visuel racoleur du DVD, ce n’est même pas Grace Lam qui tient le rôle principal du film mais la charmante Natalie Ng, et d’ailleurs en regardant bien, vous verrez que ce n’est même pas un Cat III mais un simple Cat IIB. J’ai l’air déçu ? Peut-être est-ce parce que Crime of a Beast me rappelle, dans sa démarche le non seulement ridicule mais surtout honteux There is a Secret in my Soup...
En effet, le film de David Lau partage avec la monstruosité de Yeung Chi Gin sa dangereuse hypocrisie ; à savoir qu’il se veut dénonciateur et moralisateur plutôt qu’ouvertement opportuniste - sans pour autant assumer pleinement l’une ou l’autre de ces deux directions. Ainsi, Crime of a Beast essaye de s’appuyer sur une psychologie de base de la violence, fruit d’un environnement néfaste. En gros, les "scénaristes" tentent de nous faire comprendre qu’un violeur potentiel sommeille chez bon nombre d’entre nous ; néanmoins la plupart ne franchiront le pas que si la société les y pousse. Si cette théorie n’est pas complètement fausse à la lecture d’études modernes sur les crimes sexuels, elle est néanmoins ici réduite à sa plus simple expression - qui plus est véhiculée par une psychologue toute particulière. Je citerais pour exemple cette scène au cours de laquelle Mazy convoque sa secrétaire (Grace Lam, donc) à assister à un cours magistral de psychologie dans son bureau. Afin de guérir une patiente victime d’un viol (perpétré par son père), et par conséquent sexuellement "bloquée", Mazy met cette dernière dans une espèce d’hypnose et se met à pratiquer certains attouchements, sous les yeux troublés de la jolie Grace...
A l’image de cette dualité plus que malencontreuse, Crime of a Beast hésite constamment entre l’exploitation et le film grave ; on se souvient de la "Michael Wong attitude" dans There is a Secret in my Soup, dans le but de produire ce même effet de repêchage moral après un trop plein d’opportunisme malsain... Ici comme dans le nanar à la peluche Hello Kitty ! pixélisée, trop de plans de sous-vêtements néanmoins pour qu’on puisse cautionner la démarche - en dépit d’une absence totale à l’écran de peau !
Et oui, c’est bien là l’erreur grossière du film à mes yeux. Loin de moi l’idée d’être bassement provocateur, mais il est très difficile de faire un film réellement profond sur les agressions sexuelles : n’est pas Gaspar Noé qui veut. Aussi lorsque l’on travaille principalement pour des véhicules softcore, vaut-il mieux jouer la carte du Cat III bien vilain, et doubler l’exploitation assumée d’un contexte criminel d’une certaine dose de parodie extrémiste. Pourtant il y a une ou deux bonnes idées d’exploitation justement, dans Crime of a Beast, comme cette idée de la commercialisation des vidéos des viols (puis meurtres) en VCD, de manière presque officielle ( !!!), ou encore cette superbe astuce finale qui permet presque à Fun d’échapper aux forces de l’ordre... Mais celles-ci restent trop rares, et Crime of a Beast, en ne choisissant pas son camp, se contente donc d’être bêtement insultant - comme le prouve une dernière fois le carton qui clôt le film et prône l’amour de son prochain comme remède préventif à la violence.
"Heureusement", les braves gens de chez Matrix semblent depuis avoir très clairement choisi leur camp, comme a pu le prouver le très "riche" et explicite Fox Ghost de Stanley Tong (pas le vrai, hein ne vous inquiétez pas). Mieux vaut être franc en matière d’exploitation, vous ne pensez-pas ? Mais tout ça est certainement le reflet d’une attitude de spectateur, après tout...
Crime of a Beast est disponible en VCD et DVD HK chez Universe. RAS, puisque la copie est numérique à la base !


