Crows Zero II
Suzuran n’est plus que débris et désolation. Ses graffitis jonchent un paysage saturé de contestation, pourtant le lycée des corbeaux paraît exsangue, dénué de vie. Comme si chaque élève était dans l’attente de l’étape suivante, cette unification improbable de toutes les factions en présence, de la main de son roi victorieux, Genji Takaya. Mais le chef du GPS – Genji’s Perfect Succession – est perdu dans une obsession autrement plus personnelle : venir enfin à bout de la seule personne qui lui résiste encore, l’auto-suffisant Rinda-Man. Chacune de ses tentatives se solde par une cinglante défaite, et Suzuran, au désespoir de Serizawa qui semble, impassible, terré dans le même attentisme, fait du surplace. C’est alors que Kawanishi, ancien élève de Suzuran enfermé depuis deux ans en maison de correction pour le meurtre du leader du lycée de Hosen, retrouve sa liberté. Sitôt poursuivi par les élèves de Hosen, il se réfugie sur ses terres et Genji, impulsif et insolent, justifie son titre avec les poings sur l’un des lieutenants de cette institution adverse. Un geste irréfléchi qui va mettre fin à deux ans de trêve, et placer de nouveau Suzuran sur le chemin de la guerre, face aux troupes redoutables de Hosen, menées par Narumi Taiga...
Crows Zero II reprend le parcours de Genji, à peu de choses près, exactement où son prédécesseur l’avait laissé. On retrouve, dans les premières minutes de cette seconde préquelle au manga de Horishi Takahashi, bon nombre d’éléments déjà présents dans la première. Pourtant, si le générique résonne toujours de l’hymne des Street Beats, I Wanna Change, une fois de plus joué en live devant le désintérêt nonchalant de Genji, les choses ne sont plus pareilles. Le montage, accéléré et anticipé, qui accompagnait la voix de Oki, laisse la place à une série de flashbacks contant le crime de Kawanishi. L’élan exo-énergétique de Genji, et de Crows Zero tout entier, s’est inversé ; on ne regarde plus vers l’avenir mais on se retourne sur le passé, et l’impulsion de vie des échanges de coups des bandes de Suzuran est ternie d’une nouvelle donnée : l’arme blanche, vecteur d’une mort bien réelle, conséquence absente de la violence du premier film. Les contres plongées qui donnaient à apprécier les proclamations taguées sur les hauteurs architecturales de Suzuran, laissent ici place à des mises au points plus fugaces, sur un aboutissement qui fait désormais figure d’handicap : la signature du GPS marque ainsi de rouge la victoire inachevée de Genji Takayama.
Cette chape qui pèse sur le début de Crows Zero II, contamine la plus grande partie du métrage. Les rixes sont moins nombreuses mais plus brutales et sanglantes, l’hésitation l’emporte sur l’impulsion, et, si Miike ne s’est jamais intéressé, même très brièvement, à autant de personnages, le film résonne de l’éclatement de l’entité Suzuran, dont Genji finalement, dans ses motivations égoïstes et égocentriques, est entièrement responsable. Les hommes tombent, les personnalités se définissent pour mieux s’effacer, le lycée des corbeaux brûle et face à lui, la menace protéiforme de Hosen paraît presque plus humaine. Ainsi Narumi Taiga, sorte de loubard hidalgo, ne perd jamais de vue le respect de la vie et déteste donc la lâcheté de l’arme blanche, tandis que Ryo, jeune chevelu perdu dans son amour du ravage physique, incarne un précieux déséquilibre, menace limitrophe de toute cette brutalité juvénile.
Pendant plus d’une heure et demie, Takashi Miike puise l’inertie nécessaire au dantesque affrontement final dans une certaine retenue. Les gimmicks sonores – la gestion du volume des chansons en background - du premier opus sont repris pour accompagner les dialogues comme les silences, qui conduisent les élèves de Suzuran a donner à Genji la force qui lui manquait : le soutien d’une amitié sans concession, à même de justifier le partage des coups et blessures à venir. Pendant l’interminable et virtuose affrontement qui clôture le film, ascension physique, humaine et sociale d’un Genji désormais membre d’un groupe et non simple despote, où l’estime et l’admiration l’emportent sur une vengeance destructrice, tous les protagonistes de Crows Zero II trouvent matière à s’affirmer, grandir, prendre confiance et aller de l’avant ; le groupe se dessine alors comme somme consentante d’individualités. Et tous retrouvent au bout du chemin, le sourire absent du début du film, qui trônait sur leurs visages au cours de leur première aventure.
Sans qu’ils s’en rendent compte, les lycéens arrivent au même moment au terme de leurs parcours scolaires, et héritent de diplômes, véritables feuilles blanches qui viennent aérer les murs saturés de leur établissement, et à partir desquelles repartir de zéro. Certes, on pourra s’étonner d’une telle ponctuation, puisque les cours comme les professeurs, répondent aux abonnés absents de l’édifice Crows Zero II. Mais cette école comme toutes les autres, étant celle de la vie, Genji, Serizawa et les leurs l’ont, finalement, très largement méritée.
Crows Zero II sortira le 4 novembre prochain en DVD chez Wild Side (et aussi en Blu Ray, mais uniquement packagé avec le premier opus). Saluons une édition techniquement irréprochable, qui offre à l’éditeur une première : celle de réussir à nous offrir un titre simultanément ou presque, à sa sortie vidéo au Japon. En guise de suppléments, un making of de presque une demi-heure, montage de séquences de tournage très sympathique, et une flopée de trailers enthousiasmants : les forthcoming Dead Snow, Bronson, Tyson et autre Paintball.
Remerciements à Benjamin Gaessler et Wild Side.





