Dans un jardin qu’on dirait éternel
Les choses de la vie.
Proches de la fin de leurs études, Noriko et sa cousine Michiko décident sur un coup de tête de s’initier à la cérémonie du thé. Elles suivent les cours de maitre Takeda dans une maison traditionnelle à Yokohama. Si Michiko suit le chemin traditionnel de la jeune japonaise, démissionnant de son travail pour devenir femme au foyer et élever ses enfants, Noriko va suivre une trajectoire différente. Résolue à travailler dans l’édition, elle accepte un arubaito dans ce secteur et continue d’étudier fidèlement cette tradition éminemment japonaise. Les années passent et cet apprentissage va permettre à Noriko de graduellement changer son regard sur l’existence.
Centré sur la cérémonie du thé, Dans un Jardin qu’on dirait éternel a tout pour tomber dans l’image d’Épinal de la culture japonaise destinée à un public étranger friand d’exotisme. Le film de Tatsushi Ōmori est au contraire une réussite discrète, qui fait intelligemment résonner une petite musique touchant à l’universel. Le cinéaste utilise cette cérémonie comme prisme à travers lequel il va aborder les changements dans la vie de Noriko, de jeune adulte à la force de l’âge.
Sa philosophie est illustrée par la première leçon reçue par les deux jeunes femmes où elle apprennent à plier la serviette. Cet acte prosaïque est transformé en rituel où l’ensemble des gestes ont leur importance. Leur maitrise passe par leur répétition jusqu’à ce qu’ils deviennent plus instinctifs qu’intellectuels. « A force de pratiquer, les mains finiront par bouger toutes seules » explique maitre Takeda.
Cet art nécessite pratiquement toute une vie pour en maitriser toutes les subtilités. Ce constat s’applique à l’existence elle-même. Transposée dans la vie, la leçon tirée de la cérémonie du thé de l’importance du moindre geste est de porter attention aux moindres instants de l’existence. « Chaque jour est un bon jour » proclame une calligraphie affichée dans le pavillon de thé. Cette cérémonie permet à Noriko de progressivement mieux se connaître et de développer une meilleure perception du monde qui l’entoure.
Cette prise de conscience est intimement liée au rapport au temps. Maitre Takeda initie ses élèves dans une pièce traditionnelle japonaise donnant sur un jardin et semblant hors du temps, à l’écart du rythme trépidant de la vie moderne. Piégé par celui-ci, un drame familial viendra rappeler à Noriko qu’il ne faut jamais perdre de vue l’essentiel.
Le film évoque également les changements induits par le temps qui passe. Si la cérémonie est très codifiée, certains détails changent au gré des saisons que les Japonais vont jusqu’à diviser en 72 micro-saisons et dont certaines sont présentées ici.
Le même événement à une époque de la vie n’est pas perçu forcément de la même manière à une autre. Tatsushi Ōmori l’illustre en faisant référence trois fois à la réaction de Noriko à La Strada de Frederico Fellini : son incompréhension enfant, sa passion pour cette œuvre une fois devenue jeune femme et les larmes qu’elle verse en la regardant en tant que femme plus âgée.
Dans un Jardin qu’on dirait éternel est servi par le jeu juste de ses deux principales interprètes. Haru Kuroki incarne avec conviction Noriko et la regrettée Kirin Kiki, qui irradie d’humanité, trouve un rôle assez similaire à celui de la cuisinière, transmettant son savoir-faire, dans Les Délices de Tokyo.
Dans un jardin qu’on dirait éternel sort sur les écrans français le 26 août grâce à Art House.






