Darkness
Non maman, laisse ma lampe de chevet allumée sinon l’obscurité va encore me bouffer mes crayons de couleur...
Une gentille petite famille américaine emménage dans une maison bien tranquille située dans la province espagnole... Bon, en fait comme le film commence avec des flashbacks un peu obscurs signalant des actes sanglants commis sur des enfants, je vais donc réviser cette première phrase...
Une famille américaine instable, avec un père souffrant du syndrome de Huntington (une maladie dégénérative neurologique pouvant mener à la démence) emménage dans une maison un peu trop isolée, située en province espagnole ; une maison pas sympa où l’obscurité est encore plus dangereuse que les émanations mystiques du café Velours Noir.
Après le succès critique de La Secte sans nom (Los Sin Nombre), nombreux étaient ceux qui attendaient le nouveau travail du catalan Jaume Balaguero. Celui-ci co-signe un scénario qu’il réalise pour la société de production Fantastic Factory avec des moyens très respectables, tourné en anglais et avec un casting comprenant une belle tête d’affiche internationale qu’est la montante Anna Paquin (X-men, La 25ème heure, Storytelling...). La Fantastic Factory tenait ici son titre le plus prometteur. L’aura qui a fini par entourer le film, lui a même permis de faire l’ouverture du festival fantastique de Sitges en 2002. Personnellement mon impatience n’était pas si grande, La Secte sans nom m’ayant tout de même laissé un peu froid.
Malgré tout comment ne pas se laisser toucher par un travail jouant sur la peur du noir, de l’obscurité et par extension sur l’influence de nos sens et de notre imagination sur nos sensations primitives : sécurité, malaise, confiance, frayeur, lumière, obscurité... action, on tourne quand même.
Quel degré de frayeur et à quel rythme ?
La production cinématographique espagnole a pris depuis quelques temps le choix intéressant d’infiltrer une dose de fantastique dans ce que j’appellerais "les blessures de la réalité" : un accident, la maladie, la dépression, la perte d’un proche ou d’un amour. Dans cette veine on peut citer en vrac : Abre Los Ojos (SF plus que fantastique, je vous l’accorde), Nos Miran, El Arte de Morir, El Dia de la Bestia (sisi), Fausto 5.0 et j’en passe. Dans une bonne soirée qui se respecte, passer d’un genre musical à un autre demande un bon DJ, pour qu’il puisse pouvoir mixer tranquillement deux rythmes différents sans que personne ne soit choqué. La plus ou moins grande réussite des films que j’ai cités tient donc de la même manière au choix du ton adopté au départ et à la façon dont s’introduit le mélange des genres. La principale faiblesse de Darkness réside dans un choix de rythme un peu déconcertant.
En effet le film commence avec une introduction qui met mal à l’aise, puis le métrage va se calmer pendant un bon moment. Pendant ce temps le réalisateur va installer le malaise qui règne dans cette famille et tenter de le lier progressivement au mystère de la maison. Durant ce procédé Balaguero nous secoue de ci de là, par sursauts, sans trop vraiment se mouiller, la formule est classique et fonctionne dans la plupart des cas. Ici je pense que la sauce tarde un peu à prendre. D’une part certains thèmes se perdent ou sont écartés dans la narration, et d’autre part on ressent une accélération brutale des événement en approchant de la fin du film. Si le mélange est un peu difficultueux (si c’est un mot ;) ), reste à savoir où est-ce que l’on nous mène, vers quel degré de fantastique et si celui-ci est réussi.
De ce coté-ci il y a, à mon sens, deux choix de réalisation qui nuisent aux aspirations du film. ( !!! Attention Petits Spoilers !!!) En premier lieu, Jaume a choisi de présenter non seulement des surprises hors-champs mais aussi des éléments que seuls nous pouvons voir ET qui n’ont pas d’interaction directe avec les personnages !!! Ce procédé fait trembler une ou deux fois puis on s’habitue à ce que "des spectres" soient là sans qu’il ne se passe rien d’autre... Si par exemple, Le sixième sens nous touche c’est bien parce que l’un des personnages souffre de visions d’horreur, et le fait qu’il soit le seul à les voir accentue la misère de sa condition, ici il n’y a rien de semblable. En second lieu, si la technique de Jaume est de très bonne facture et que la photo joue habilement avec les zones d’ombre et de lumière, il reste que les principaux moyens qu’il met en oeuvre pour faire peur ne tiennent pas tant à l’obscurité elle-même mais plutôt au montage, au hors-champs et surtout au grand travail de la bande son (tous les effets sont impec’). Bien que les émotions que ces effets provoquent soient réussies on reste cependant un peu hors propos, il n’y a pas assez de jeux de lumière, un comble non ? ( !!! Fin des petits Spoilers !!!) Malgré une sacrée ambition on fait plutôt face à beaucoup de classicisme.
Une fois que l’on a bien cela à l’esprit on peut tout de même apprécier le basculement final des personnages dans le monde de l’horreur nommé obscurité. C’est vrai que c’est court dans l’ensemble... mais diable que c’est bon !!! Les dernières minutes sont ponctuées par une ambiance qui n’a de parallèle que dans les meilleurs moments du cultissime jeu vidéo Silent Hill sur Playstation 1 et 2 ; si seulement on avait pu parvenir un peu plus tôt à une telle intensité - quoiqu’il en soit c’est une attente qui en vaut sérieusement la peine.
Doté d’une image et d’un son vraiment soignés, le film de Balaguero, est porté par des acteurs convaincants (seul le père malade laisse parfois à désirer). Le travail assez classique effectué sur l’ambiance vous fournira à coups sûrs son lot de sursauts. Si le scénario flotte un peu trop longtemps entre les genres avant de se lancer pleinement à l’eau, il réussira tout de même à vous prendre dans une ambiance finale remarquable qui fait vivement frétiller les neurones. La Secte sans nom ne m’avait pas convaincu, Darkness me donne au moins une raison de surveiller les prochains travaux de ce petit nouveau qui n’en est, après tout qu’à son second long métrage (enfin je ne compte pas le fait qu’il a aussi réalisé OT : la pelicula, la version portée au cinéma de la Star Academy espagnole... comme quoi tous ces travaux flirtent un peu avec l’horreur et je sais de quoi je parle, je l’ai vu !).
Disponible en double DVD espagnol zone 2 depuis le 26/08/03, ainsi qu’en DVD japonais depuis le 26/09/03.




