Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong | Etrange Festival 2001 | Category III

Daughter of Darkness + There is a Secret in my Soup

Hong Kong | 1993 | Un film de Kai Ming Lai | Avec Lily Chung, Ka-Kui Ho, Money Lo, Hugo Ng, Anthony Wong // aka La Martyre de Kowloon | Hong Kong | 2001 | Un film de Yeung Chi Gin | Avec Michael Wong, Ng Doi Yung, Gabriel Harrison, Timothy Zao, Chan Chiu Chiu, Angela Tong

Au cours de la seconde édition de la nuit Shocking Asia - très justement nommée nuit Shocking Asia II - organisée par l’Etrange Festival, le meilleur n’a pas hésité un seul instant a côtoyer le pire, au grand regret des spectateurs déjà déçus de ne pas avoir vu la première réalisation de Takashi Ishii. Aux côtés du plutôt bon Naked Blood et du Pinku Eiga improvisé de la Nikkatsu (tout de même scénarisé par Ishii avec une certaine Nami pour héroïne - voir tous les articles concernant le mangaka-réalisateur japonais) diffusé en troisième partie de soirée, les heureux noctambules que nous sommes, accompagnés de cinq cent autres kakous, ont pu goûter à un échantillon - tout de même représentatif - de cette catégorie bien à part (mais pas pour autant en marge) du cinéma hongkongais : la Catégorie III (Cat III pour les intimes). Au programme, donc, la diffusion exceptionnelle en copie neuve de Daughter of Darkness, classique du genre, et le récent There’s a Secret in My Soup, rebaptisé La Martyre de Kowloon pour l’occasion.

Daughter of Darkness, premier film d’une série logiquement généalogique, raconte la triste histoire de Wei, jeune femme abusée par son père et traitée comme une moins que rien par le reste de sa famille, qui finit par péter une durite et massacrer aussi bien ses parents que ses détestables frères et sœurs.
Exposé de la sorte, on pourrait s’attendre à un film bien glauque, avec un certain matériau d’exploitation, mais sérieux tout de même. Cependant, les meilleurs Cat III ont ce talent douteux qui consiste à savoir faire passer le spectateur par une gamme de sentiments relativement contradictoires au long de leur narration opportuniste. Et pour ce faire, rien de tel qu’employer Anthny Wong, maître absolu de l’amoral sans limites, véritable porte flambeau du non-respect perpétuel de toutes les valeurs de nos sociétés, acteur prostitué aux mille facettes toutes plus sales les unes que les autres, admirable autant que détestable dans son insolence affichée.

Ici, Anthony tient le rôle du chef de police chargé de l’enquête autour du massacre de la famille de Wei. La première moitié du film se concentre d’ailleurs beaucoup plus sur ses pitreries déplacées que sur la "tragédie" elle-même, et c’est aussi bien pour nous. Il faut le voir poser avec les cadavres pour les photos des journalistes, ou prétexter un sens matériel de la déduction pour tâter les poitrines de la mère et de la sœur de Wei fraîchement décédées ! Sa reconstitution du crime ferait pâlir n’importe quel profiler en activité de jalousie, et sa perversion innée n’a d’égale que sa capacité à rendre toute scène sérieuse dans laquelle il apparaît beaucoup plus légère... Bref, niveau mauvais goût, Anthony Wong sait en donner aux spectateurs pour leur argent. Une fois cette mise en bouche achevée, le film change très nettement de ton pour présenter le calvaire de Wei - non sans avoir fait un détour bien appuyé sur le softcore de mise dans toute réalisation d’exploitation qui se respecte. Et, comme avec le mauvais goût, les hongkongais savent y faire pour mettre en scène tortures, viols et abus moraux de tous types, et Daughter of Darkness sombre dans l’horreur la plus totale avant de terminer sur l’exécution de Wei.

D’une certaine façon, le Cat III sous cette forme est un peu le substrat le plus pur du film d’exploitation. Là où ça devient tout de même un peu génant, c’est que l’on retrouve dans Daughter of Darkness une démarche proche de celle employée dans la série des Ilsa : on part plus ou moins d’un fait divers, on en profite pour montrer au spectateur du cul, de la violence et de la vulgarité protéiforme (en gros, ce qu’il est venu voir, soyons francs) et on glisse de temps en temps une remarque censée dénoncer l’horreur de la réalité. En ce sens, la série des Ilsa, bien qu’essentielle pour la compréhension du cinéma d’exploitation, est véritablement condamnable : ses conclusions plus ou moins bien pensantes, qui prennent toujours la forme de la mise à mort "méritée" de Dyanne Thorne, interviennent comme dernière séquence des films, un peu comme un post-scriptum censé libérer réalisateurs et producteurs de leurs obligations morales. Et Daughter of Darkness fonctionne à peu près de la même façon : en arrière plan, on pourrait prétendre retrouver une critique du système légal chinois, de la place de la femme dans la société, de l’abus de pouvoir de la police et de l’absurdité du respect abusif de Parti. Mais tout ça sonne bien faux, et plus opportuniste encore que l’éprouvante scène de fornication du film...

Avec tout ces éléments, on pourrait aisément renier Daughter of Darkness, le considérer comme un film véritablement irresponsable. Mais son côté technique irréprochable et la démarche expliquée ci-dessus, même non-crédible, font passer la pilule avec une certaine aisance, et le film s’apprécie donc, de façon coupable mais tout de même jouissive, pour ce qu’il est vraiment. Ce qui est loin d’être le cas de There’s a Secret in My Soup, qui a des prétentions bien différentes...

Là, il n’y a plus aucune excuse derrière l’opportunité saisie (le meurtre d’une prostituée par ses employeurs), plus aucun discours - même hypocrite, pour prétendre justifier le plaisir malsain du réalisateur et du scénariste de ce film abusé qui profite de cinq minutes de présence à l’écran de Michael SDU Wong (doublé !) pour attirer le chaland. Au début du film, la police débarque dans un appartement sordide et trouve, dans une poupée Hello Kitty géante (pixelisée à l’écran pendant tout le film pour des raisons de droits !), un crâne humain. Dans la cuisine, quelques organes internes traînent aussi. La police arrête un certain nombre de suspects, et la reconstitution commence...

Pas la peine de vous résumer l’intrigue du film : après un certain nombre de scènes "chaudes" plus que gratuites (la première s’étend sur trois chansons et montre une jeune femme se caresser alors qu’elle se fait enduire d’huile à moteur, se fait aspirer les tétons, masturber avec un godemiché improvisé à l’aide d’une perceuse et d’une espèce de boudin !!!...), le film se concentre sur la série d’outrages subis par la malheureuse héroïne du film.
Le problème de There’s a Secret in My Soup, en plus du fait d’être affreusement réalisé et monté, c’est son côté racoleur inexcusable : ici, aucune concession n’est faite à la morale bien-pensante (dont nous ne faisons pourtant pas partie outre-mesure), tout le monde semble prendre son pied à mettre ce fait divers (qui a eu lieu à peine quelques mois plus tôt dans la réalité) en images, sans aucun message prétexté. La présence de Michael Wong en flic dépité de faire partie de la race humaine, ne fait que renforcer notre sentiment de dégoût pour cet objet immonde. Mais le pire est sans doute la mosaïque sur la poupée phare du film, qui réduit au final l’humanité du personnage de la prostituée à néant...
A noter que le film Human Pork Chop, sorti à peu près en même temps, traîte du même fait divers : sans commentaires...

Pour résumer, il vaut mieux jouer la carte du gratuit assumé, quitte à choquer le spectateur, que profiter de la misère du monde pour passer ses propres fantasmes, sans aucune "finesse", sans manipulation, en prétendant faire un film grave... L’essentiel, dans le cinéma d’exploitation, ayant toujours été la franchise, vertu capable de faire passer les pires atrocités aux yeux des amateurs...
A SdA, on a fait notre choix, et ce que l’on retiendra de cette soirée, c’est la possibilité d’avoir vu Anthony Wong ramper au ras des égouts sur grand écran ! C’est toujours ça de pris...

Les deux films sont disponibles en DVD et VCD à Hong Kong...

- Article paru le dimanche 2 septembre 2001

signé Akatomy

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