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David et Madame Hansen

France | 2012 | Un film d’Alexandre Astier | Avec Isabelle Adjani, Alexandre Astier, Julie-Anne Roth, Victor Chambon

C’est à un ami de longue date que je dois mes premiers épisodes de Kaamelott, au détour de son canapé, dans les années 2000, alors que le programme court connaissait ses heures de gloire sur M6. Et sans avoir accroché au point de suivre la série à l’époque, je dois bien avouer qu’il s’agissait déjà d’une des très rares créations françaises de ces dix/quinze dernières années ayant réussi à me faire marrer ; ça sentait le truc inhabituel, d’autant que le responsable de ce machin, un certain Alexandre Astier, occupait un nombre tout aussi inhabituel de postes dans le générique de fin, mais je n’avais pas creusé plus loin que ça.

Ce n’est qu’en 2011, suite à quelques conversations transatlantiques virtuelles avec ce même ami, que la série est revenue sur le devant de ma scène et que j’ai pris l’initiative de (re)plonger dans les frasques du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde, en reprenant cette fois depuis le début. Bien m’en a pris puisque Kaamelott s’est avérée être une perle télévisuelle et ce, à bien des niveaux.

À partir du format court humoristique, dont l’objectif principal, ne l’oublions pas, est de capter un maximum de téléspectateurs à une heure de très grande audience afin de valoriser au mieux les écrans publicitaires qui l’entourent, le dit Alexandre Astier a su construire très habilement une œuvre cohérente, attachante et profonde, riche de personnages qui le sont tout autant. Et la remarquable évolution de la série au fil des six saisons en est l’une des preuves les plus flagrantes.

À l’issue du dernier épisode de Kaamelott, le bonhomme a su avec intelligence ne pas se précipiter sur le format long-métrage pourtant planifié. Sans abandonner l’univers arthurien qui est le sien et qu’il continue de développer sur d’autres supports (bandes dessinées, recueil de nouvelles à paraître...) en attendant de mettre en route la trilogie cinématographique, il a préféré marquer une rupture via une première œuvre sur grand écran plus modeste, sans doute moins complexe à gérer au sens entrepreneurial du terme, mais tout aussi personnelle et singulière.

Suite à un traumatisme, Madame Hansen souffre d’amnésie partielle ; elle est soignée dans une clinique haut de gamme, en Suisse. Un nouvel ergothérapeute français, David, va devoir l’emmener acheter des chaussures dans le cadre de sa thérapie. S’en suit un voyage qui entraînera chacun des passagers du van Mercedes vers une révélation fondamentale qui leur est propre...

Pour qu’un sujet vous accroche l’esprit aussi longtemps, il doit être fort. Parler au corps, à l’âme, aux viscères. Alexandre Astier a déclaré que le visionnage d’un documentaire allemand, Une journée disparue dans le sac à main, avait semé en lui les deux figures principales du récit, mais qu’il y avait également une part d’intime à la source du film. Pour être contemporain à l’auteur, je m’avance à deviner cette part liée à la paternité tant son impact est fort ; si les clés de l’intrigue se trouvent dans le climax du film, par ailleurs d’une redoutable efficacité, les clés de l’écriture s’y trouvent sans doute également, qu’elle soit humaine (tenter d’imaginer l’impact psychologique d’un traumatisme tel que celui de Madame Hansen) ou cinématographique (fantasmer, en tant que scénariste, réalisateur et spectateur, de voir portée à l’écran une telle scène).

Kaamelott l’a démontré, Alexandre Astier est un putain d’auteur qui ne laisse rien au hasard dans son écriture. Tout comme dans la série télévisée, les détails semés au détour d’un dialogue, d’un regard, d’un non-dit, sont autant d’indices subtils que l’on retrouve dans David et Madame Hansen et qui laissent penser qu’il existe davantage de liens entre les quatre protagonistes que ce qui est explicitement énoncé. L’épreuve affrontée par le héros du film n’en serait alors que plus colossale...

En parcourant les médias, mais également en sortant de la projection, j’ai pu lire/entendre de façon récurrente des reproches sur une prétendue longueur/lenteur du film. Or s’il est un aspect parfaitement réussi dans David et Madame Hansen, c’est bien le rythme ; presque une évidence venant d’un musicien. D’ailleurs, ce souci du mouvement n’est-il pas discrètement annoncé dès le pré générique, à travers le logo en forme de métronome de la société de production Regular, cofondée par le principal intéressé ?

Mais peut-être avons-nous aujourd’hui perdu la notion de dynamique, à l’heure où la musique a tendance à verser dans un excès de compression, ne laissant plus la place dans le spectre sonore au moindre pet de mouche. De même, peut-être avons-nous perdu le goût pour les histoires et les personnages qui se construisent en profondeur, préférant les raccourcis scénaristiques d’une belle proportion des séries actuellement en vigueur.

David et Madame Hansen ne présente donc pas de longueurs/lenteurs, mais des variations de mouvement ; toute la nuance est là. De l’importance des silences sur une portée. Et cette nuance est d’autant plus justifiée par l’intrigue et son contexte – la recherche du traumatisme à l’origine de la pathologie de Madame Hansen, les méandres de la mémoire – qui s’accordent parfaitement avec ce type de structure narrative. De plus, il apparaît clair que la soi-disant lente construction sert à la mise en place du climax du film, or détacher cette scène de sa préparation est une évidente faute d’appréciation chez le spectateur, car il aurait été impossible d’arriver à une telle intensité sans ce développement préalable des personnages.

Si les avis, qu’ils soient positifs ou négatifs, tombent toutefois d’accord sur la qualité de jeu des acteurs, Astier/Adjani en tête, il me semble nécessaire de souligner les seconds rôles Julie-Anne Roth et Victor Chambon dont les lignes mélodiques créent un contrepoint subtil, donnant à leurs personnages une profondeur et une réelle évolution psychologique dans le récit, leur évitant ainsi de tomber dans le rôle de simples accords. Par ailleurs, aucun excès dans le dosage du jeu des quatre passagers ne vient desservir l’histoire et remplacer un personnage par l’acteur/actrice qui l’incarne ; preuve d’une mise en scène maîtrisée et entendue avec le casting.

Terminons avec une courte note sur la bande originale, composée elle aussi par Alexandre Astier, toute en justesse et discrétion, qui contribue à l’atmosphère étrange et “post-dramatique” du film. Son thème, entre piano et cordes, est remarquable dès la première écoute. Du coup, il est regrettable de ne pas la trouver dans le commerce...

David et Madame Hansen s’est vu affublé du qualificatif de premier film, avec les qualités et les défauts que cette appellation est censée sous-entendre. Personnellement, j’y vois une histoire simple, profonde, universelle, parfaitement tenue sous les différents aspects d’une entreprise cinématographique. Un travail d’artisan au sens noble du terme, qui a permis à la petite flamme intime de survivre tout au long du processus de création et de toucher juste. Merci Monsieur Astier.

David et Madame Hansen est sorti sur les écrans français le mercredi 29 août 2012.

- Article paru le mardi 4 septembre 2012

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