Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Inde | Festival des 3 Continents 2006

Délivrance

aka Sadgati | Inde | 1981 | Un film de Satyajit Ray | Avec Om Puri, Smita Patil, Mohan Agase, Richa Misra, Gita Siddarth, Bhaiyalal Hedau

Un intouchable doit demander au brahmane de son village de passer chez lui pour déterminer une date pour le mariage de sa fille. Avant de lui donner sa bénédiction, le brahmane exige du père, à peine remis d’une longue fièvre, d’exécuter pour lui un certain nombre de tâches. Le ventre vide, l’homme s’attelle à couper du bois. Sous la chaleur, il finit par s’écrouler, mort d’épuisement...

C’était un projet que les frères Jalladeau, Directeurs du Festival des 3 Continents, caressaient depuis plusieurs années : réunir tous les films du réalisateur indien Satyajit Ray. C’aura été chose faite cette année, puisque l’intégrale de ses films et documentaires a été projetée sur les écrans nantais au cours de cette 28ème édition du festival. Une grille bien chargée nous a empêchés de couvrir cette intégrale, qui aurait nécessité un visionnage exclusif. N’ayant jamais vu de film de Ray, j’ai tout de même décidé d’aller voir Délivrance.

Le cinéma de Ray est à l’opposé du cinéma de Bollywood qu’affectionnent tant ses compatriotes ; ce dernier est en effet un cinéma optimiste en dépit de ses excès certains, tout entier basé sur le rythme de la vie, sur la force de la musique et du mouvement, tandis que le cinéma de Ray, tel qu’exposé dans Délivrance du moins, est un cinéma du réel, quasi factuel, documentaire. Délivrance dépeint ainsi ce que l’on pourrait appeler un fait-divers, s’il ne résumait pas avec une exhaustivité étonnante dans son économie de moyens narratifs, le problème des castes indiennes, et n’apparaissait donc pas si réfléchi d’un point de vue cinématographique. Réduisant l’exposition au strict minimun, Ray dépeint cette journée - la dernière - d’un homme qui se plie aux désirs injustifiés d’un autre, déclaré supérieur par la loi, et qui, involontairement, l’entraînera à sa mort embarrassante. Car au-delà du traitement de l’intouchable par le brahmane et sa femme - un couple dual, qui constate l’injustice du sort de l’intouchable sans pour autant oser se salir les mains en lui venant en aide -, c’est le fardeau que représente son cadavre qui intéresse Ray. Les villageois ne veulent pas le déplacer car ils aimeraient que justice soit faite, le brahmane ne peut le faire lui-même car il n’a pas le droit de toucher le corps.

En l’espace d’une cinquantaine de minutes, Ray expose les difficultés vécues par les intouchables et leurs familles, dans la vie et au-delà, rejetés par une société qui, pourtant, profite d’eux, constate l’injustice mais ne souhaite y remédier. Délivrance est une œuvre dune grande sobriété - et c’est de là que vient sa force, choquante pour un spectateur occidental - qui se conclut sur le brahmane qui, plutôt que d’enterrer le corps, le déplace sans le toucher jusque dans une fosse commune, au milieu de restes animaux, là où il ne gênera plus personne. La notion de gêne est essentielle à Délivrance ; c’est sans doute de là que vient son titre, car même s’il est méprisé jusque dans sa disparition, le père de famille trouve dans la mort, d’une certaine façon, une liberté qui lui était inaccessible de son vivant.

Délivrance a été diffusé au cours de la 28ème édition du Festival des 3 Continents (Nantes), dans le cadre de l’intégrale Satyajit Ray.

- Article paru le mercredi 6 décembre 2006

signé Akatomy

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