Déménagement
Ren est une jeune fille dont les parents vont divorcer. Son père déménage, et elle doit s’adapter à cette nouvelle vie voulue par les adultes. Sa mère lui impose un règlement, détaillant le partage des corvées domestiques et lui interdisant d’aller voir son père sans l’avertir auparavant. Mêmes dans les endroits de sa vie où ses parents sont absents, comme en classe, sa vie change. Révoltée par une décision qu’elle ne comprend pas, Ren n’est pas prête à laisser sa famille exploser.
Déménagement est un superbe film sur l’énergie de l’enfance. Les enfants semblent posséder une vitalité inépuisable : en mouvement toute la journée, ils ne semblent jamais devoir s’arrêter jusqu’au moment où à peine avez-vous le dos tourné, les voilà endormis. Tout donner est pour eux tout sauf une expression vide de sens.
Shinji Sômai met scène l’énergie de Ren, mise au service du sauvetage de sa famille. Si ses parents ont jeté l’éponge, Ren n’entend pas baisser les bras et veut sauver sa famille. Elle reproche ainsi à son père de n’avoir pas assez fait d’efforts pour sauver son mariage alors qu’elle avait prise sur elle lors de leurs disputes.
L’inversion de rôle entre parents et enfants, Ren et ses parents, est montrée par Shinji Sômai dès l’ouverture de son film : la jeune fille, trônant en bout de table, reproche à son père de ne pas savoir correctement manger son poisson. Sa mère a son nez dans son assiette. Le monde de Ren est sens dessus dessous et ultime tentative enfantine de remettre les choses à l’endroit, la jeune fille fait le poirier dans sa chambre !
Sômai filme du point de vue de Ren : les raisons de la séparation de son père et sa mère restent pour l’essentiel dans le flou. Il montre comment elle apprend à grandir plus rapidement qu’elle ne le devrait pour se réconcilier avec ses parents, comment elle interroge avec clairvoyance le monde des adultes qui l’entoure. Sa mise en scène, dont le plan séquence est la pierre angulaire, capte toute l’énergie dont fait preuve la jeune fille. Comme l’explique Akatomy dans sa critique de The friends, le cinéaste japonais est « très attaché au passage à l’âge adulte, à la transformation et la renaissance ».
Déménagement est traversé de moments de grâce pendant lesquels aucune parole n’est échangée. Sômai filme l’émotion pure. Je pense en particulier à la scène où Ren donne à son père la girafe en peluche de sa petite enfance et du temps heureux où la famille était unie.
De cette époque dorée, la jeune fille se remémore avec joie un séjour familial sur les rives du lac Biwa et elle espère en y retournant raviver la flamme. Jusque là fortement ancré dans le réalisme, le film va basculer dans une dimension plus fantastique. Devant l’échec de ses efforts, Ren fuit sa mère, la foule venue admirer la fête du feu et le vieil homme l’ayant accueillie, pour se perdre de nuit dans la forêt. Comme si elle devait se perdre afin de mieux se retrouver. Sômai nous offre d’ailleurs une image poétique de Ren faisant littéralement la paix avec elle-même.
Déménagement est sorti sur les écrans français le 25 octobre grâce à Survivance.





