Devdas
Après le succès d’estime de Lagaan en 2002, et l’hommage rendu à la star du millenium, Amitabh Bachchan, au récent festival de Deauville, le cinéma indien populaire refait de nouveau parler de lui en France, et c’est tant mieux. Si l’on s’en tient du point de vue strictement budgétaire, c’est la crème du cinéma de Bollywood qui arrive, avec Devdas, sur nos écrans. Avec 13 millions de dollars de budget, il s’agirait de la production la plus coûteuse issue des studios du sous-continent. Devdas avait été présenté hors-compétition à Cannes l’année dernière. Si le cinéma indien populaire est quasiment invisible en Europe dans les grands circuits de distribution, il arrose pourtant largement le continent asiatique. Une des joies du départ des talibans n’a-t-il pas été pour les Afghans de pouvoir à nouveau visionner ces films indiens ? Et qui dit film indien implique nécessairement musique, sans doute encore plus largement diffusée que les films eux mêmes.
Le thème du film est universel, celui de l’amour impossible. Amoureux depuis l’enfance, Paros et Devdas ne peuvent voir leur souhait d’union se réaliser. Ici, ce n’est pas la rancoeur entre les deux familles qui les sépare, comme dans Roméo et Juliette, mais leurs origines sociales. Alors que Paros s’est mariée à un aristocrate, Devdas va noyer son chagrin dans l’alcool. Au cours de sa déchéance, Devdas va faire succomber à son charme la courtisane Chandramukhi, avec laquelle une relation particulière va s’établir, en raison de leur destin commun.
Si c’est à Roméo et Juliette que nous fait irrésistiblement penser le film, c’est pourtant dans la mythologie indienne que le film vient puiser son inspiration. Influencé par l’histoire d’amour entre Radha et Krishna, Devdas est adapté d’un des plus importants succès d’édition en Inde. Ce roman a déjà fait l’objet de nombreuses transpositions à l’écran, dont la première date de l’époque du cinéma muet.
Prière de laisser votre carapace au vestiaire, c’est dans sa naïveté même que le film touche. Ici pas de doubles intentions, laissez vous mener par ce que vous voyez à l’écran. On peut se moquer de la naïveté des films indiens, mais certains blockbusters américains - je pense aux scènes romantiques du dernier film de Georges L. - n’ont rien à leur envier.
La qualité de la production de Devdas n’a pas non plus à pâlir. L’aspect visuel du film est de premier ordre, la production de grande qualité - avec notamment des décors luxueux de palais, dans lesquels la quasi-totalité des scènes a été filmée. Leur architecture permet des mouvements de caméra très fluides. Une véritable attention a été portée aux luxuriants détails, que met en valeur une très belle photographie, avec un accent mis sur des tons chauds, rouge, ocre...
La longueur me direz vous. Mis à part quelques passages à vide dans la deuxième partie, les trois heures que dure le film s’écoulent agréablement. La manière de regarder un film en France, comme on écoute la messe à l’église, n’est sans doute pas par ailleurs le meilleur moyen de savourer ce type de film. Un des points faibles du film réside dans la prestation de l’acteur interprétant Devdas, Shahrukh Khan, lors des scènes dramatiques dans la dernière partie. En revanche, les deux actrices sont divines. Aishwarya Rai (Paros), ancienne Miss Monde reconvertie dans le cinéma, et Madhuri Dixit (Chandramukhi), une des actrices les plus titrées du cinéma indien, sont pour beaucoup dans la réussite du film - et pas seulement pour leur beauté. La scène où les deux femmes se rencontrent pour la première fois dans les appartements de Chandramukhi est sans conteste un des plus beaux moments du film, de par l’émotion qui s’en dégage. Un peu plus tard, nous retrouverons ces deux apsaras dans le meilleur numéro musical du film, "Dola Re Dola". Une séquence au rythme endiablé, bien mise en relief par le montage et les mouvements de caméra. Sans être un aficionado des musiques de films indiens, la bande originale du film, qui est sans doute plus importante en Asie que le film en lui même, vaut le détour.
D’ailleurs, ll faut que je vous quitte pour aller de ce pas m’acheter la B.O...
Devdas sort sur les écrans français ce mercredi 2 avril. Il est par ailleurs disponible en DVD indien chez Eros Entertainment, en 5.1 sous-titré anglais, avec bon nombre de suppléments (making of, trailers, ...).



