Ditto
Le film de Gregory Hoblit, Fréquence Interdite (Frequency, avec Dennis Quaid et Jim Caviezel), a-t-il été écrit avant ce film coréen ou pas ? Difficile de savoir lequel s’est inspiré de l’autre, ou s’il s’agit tout simplement d’une coïncidence, étant donné que les deux sont sortis la même année. Toujours est-il que les deux films partagent le même point de départ, à peu de nuances près...
So-Eun est étudiante en deuxième année à l’université. Aujourd’hui, alors que Seon-Mi, sa meilleure amie, vient de rentrer à l’hôpital avec la jambe cassée suite à un accident de vélo, elle est heureuse - et pour cause : l’élu de son cœur est revenu de l’armée. Comme c’est souvent le cas avec un amour "unidirectionnel", So-Eun vit sur un nuage, se nourrissant de l’interprétation de chacun des gestes de l’objet de son affection, de ses regards, de ses paroles. Un jour, perturbée par la présence du jeune homme, elle embarque sans le faire exprès une radio amateur qui servait d’alibi à sa contemplation amoureuse.
Un soir d’éclipse, la radio allumée reçoit une communication d’un dénommé Ji-In, étudiant dans le même lycée qui déclare préférer communiquer par les ondes plutôt que sur "chat". Amusée, So-Eun décide d’accepter la proposition de son correspondant : le rendez-vous est donné le lendemain à 14h00, au pied de la tour de l’horloge de l’université. Chacun de leur côté, So-Eun et Ji-In attendent - elle sous un soleil accablant, lui sous la pluie. Leur "incompatibilité temporelle" va dés lors se révéler au grand jour : elle vit en 1979 alors que lui vit an l’an 2000. Tout d’abord sceptiques tous les deux, ils vont devoir se rendre à l’évidence, d’autant plus que leurs radios respectives fonctionnent même débranchées...
Séparés par 21 ans, So-Eun et Ji-In vont partager leurs soucis amoureux tout en en développant un nouveau. Mais peut-il vraiment y avoir une solution à leur(s) problème(s) ?
Je vous l’accorde, sorti des préceptes du film, Ditto n’a plus rien à voir avec le polar fantastique de Hoblit, mais avouez que le parallèle est plus que surprenant...
Mais passons. Car Ditto n’est pas vraiment un film fantastique à proprement parler, mais plutôt un drame qui se sert du fantastique comme d’un élément de narration. En ce sens, il est tout de même plus proche de Il Mare, avec lequel il partage aussi beaucoup de points communs - le talent en moins.
Effectivement, il faut bien avouer, que passée une heure de film, Ditto devient long et presque ennuyeux. Au départ, on s’accroche aussi bien à So-Eun qu’à Ji-In, et surtout à leurs histoires. So-Eun est une fille plutôt enjouée, limité puérile, là où Ji-In (que vous reconnaitrez sans problèmes comme étant le peintre décoloré de Attack on the Gas Station) est un garçon très taciturne, insolent et même carrément méchant dans chacune de ses paroles envers Hyeon-Ji, sa supposée petite amie - quant à elle en passe de virer alcoolique en contrecoup de ses déceptions amoureuses incessantes. Les échanges des deux protagonistes se font cependant sur le registre inverse : So-Eun, incrédule, devient très vite agressive, persuadée que Ji-In n’est qu’un mauvais farceur ; alors que ce dernier est aimable, appréciant la conversation avec cette "nouvelle recrue", n’accordant que peu d’importance au fait qu’elle lui paraisse si étrange...
Chose intéressante, l’un des moments les plus pertinents du film (et pourtant l’un des moins explicitement importants) intervient lorsque Ji-In utilise ses livres d’histoires pour convaincre So-Eun de la réalité de leur situation improbable.
En 1979, le peuple coréen se soulève contre son gouvernement. Les émeutes étudiantes contre la dictature en place sont nombreuses et violentes. Le 26 octobre, Kim Chae-Kyu, le chef du parti Démocratique-Républicain en place, est assassiné par le directeur de la KCIA (Korean Central Intelligence Agency, faction d’intimidation utilisée par le parti contre les dissidents). Les coréens se prennent alors à rêver d’unification. C’est pourquoi la première question soulevée par So-Eun est bien sûr de savoir si, en l’an 2000, les deux Corées sont réunifiées. Ji-In lui répond que non, Kim Il-Sung a beau être mort, rien n’a changé.
C’est l’un des seuls moments où Ditto s’inscrit dans un contexte social palpable et significatif.
Une fois la première heure du film écoulée, le réalisateur s’attarde sur les errances des personnages, jusqu’à atteindre la révélation cruciale de l’histoire (que l’on a tous devinée depuis un bon moment déjà). A peine cette contrainte narrative dépassée, malheureusement, Kim Jeong-Gweon ne peut s’empêcher de retourner le couteau de la déception dans une plaie qui ne se refermera pas, concluant le film sur une touche de pessimisme relativement malvenue. Dans le cas de Ditto, là où les sentiments d’un peuple semblent bien assimilés et restitués, ceux de l’être humain demeurent mal saisis, à mon avis, aussi bien par l’équipe du film que par ses protagonistes. Du coup, on doute un peu de l’authenticité de l’ensemble...
Ditto est disponible en DVD chez... Spectrum (comment ça, vous aviez deviné ?). La copie laisse pour une fois un peu à désirer : les contrastes sont hésitants, les arrière-plans fourmillent souvent... Ce n’est pas catastrophique, mais on est loin de la qualité d’un Tell Me Something...
Mais l’éditeur se rattrape au niveau des suppléments : making of, clip,... tout y est, jusqu’à la bande-originale du film en intégralité - ce qui est assez rare pour être signalé, d’autant que celle-ci est vraiment jolie. Le film est sous-titré en anglais (imparfait), les suppléments non.


