Dogville
Cannes 2003 par Lester D. Shapp - Ma palme d’or
Brillant : il n’y a pas grand-chose d’autre à dire sur le nouvel opus livré par le danois filmant, Lars von Trier. Et pourtant, le jury du Festival de Cannes n’a pas daigné l’honorer d’un prix, alors qu’à mon avis (je le dis d’autant plus sincèrement que j’ai vu les films de la compétition, et que doubler Palme d’or et prix de la réalisation, c’est vraiment clairement signifier qu’on ne veut rien donner à Lars von Trier : peut-être les Américains du jury n’ont-ils pas apprécié le propos), il méritait ne serait-ce qu’un prix de la mise en scène.
Deuxième film se déroulant aux Etats-Unis de von Trier, qui casse à la fois les règles du cinéma et du sucre sur le dos des Américains, Dogville est basé sur un scénario très simple, vieux comme le monde (la cruauté des hommes et le désir de vengeance). On y trouve pourtant une dimension si universelle que l’on se sent emporté, transporté, tour à tour ému, attendri, horrifié. Ces sentiments sont portés par le jeu des acteurs, magnifié par l’absence de décor, souvent remplacé par les sons qu’il aurait dû produire en interaction avec les personnages (porte qui grince, gravier qui crisse). Considérant qu’il constitue souvent un élément perturbateur empêchant le spectateur de se concentrer sur l’histoire et le jeu des acteurs, von Trier a décidé de le faire quasiment disparaître. Et c’est une vraie réussite, qui fait de Dogville un objet filmique à part, ni film classique, ni pièce de théâtre filmée, à la croisée de ces deux chemins ou en avance sur les deux arts, sauf à considérer quelques expériences dans les années 60 et 70.
Délivré des contingences des lieux, filmant uniquement en studio, Lars von Trier s’est attaché à ses acteurs, qu’il filme magnifiquement. Nicole Kidman y est une fois de plus lumineuse (et on la reconnaît mieux que dans The Hours), et l’ensemble des acteurs est plus que convaincant.
Certes on pourra avoir quelques difficultés à entrer dans l’univers que nous propose le réalisateur danois, habitués que nous sommes à ce que les films nous livrent un univers terminé. Là, il faut faire preuve d’imagination pour recréer les éléments manquants. Ou parvenir à se contenter de ce que l’on nous donne. Et c’est déjà tellement...
Dogville est sorti sur les écrans français le 21 mai 2003.


