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Corée du Sud

Don’t Cry, Mommy

aka 돈 크라이 마미 | Corée du Sud | 2012 | Un film de Kim Yong-han | Avec Yoo Sun, Nam Bo-ra, Dong-Ho, Yu Oh-seong, Choi Da-Cheol

Le premier film de Kim Yong-han, punition bien méritée à destination du spectateur tordu que je suis, s’ouvre sur la prononciation du divorce de Yoo-lim (Yoo Sun - Black House). Une nouvelle vie qui commence, un appartement à meubler, un projet professionnel à mener à bien... et pour sa fille Eun-ah (Nam bo-Ra), une nouvelle école, une nouvelle copine, et un coup de foudre – pour le mauvais garçon. Alors que sa mère s’efforce d’aller de l’avant et rencontrer quelqu’un, Eun-ah voit sa tentative de déclarer sa femme détournée par l’élu de son cœur, qui a convié ses potes à la fête. Les trois garçons violent Eun-ah, filment le tout avec un téléphone portable. Yoo-lim retrouve sa fille à l’hôpital, s’empresse de porter plainte au commissariat où l’inspecteur de service (Yu Oh-seong, Champion, Friend, Attack the Gas Station) la met en garde sur l’issue probable de toute procédure à l’encontre des coupables, d’ores et déjà identifiés et mineurs... Yoo-lim ne lâche rien, refuse tout arrangement avec les parents, et Kim Yong-han nous entraîne dans le cul de sac dévastateur d’un méprisant et lacunaire système judiciaire, broyant aussi bien la jeune victime que sa mère en cours de route...

Soit, je ne l’ai pas volé. Trop heureux de cumuler les films d’exploitation en provenance des quatre coins du monde, j’ai assimilé Don’t Cry, Mommy – dont le titre pourtant, recèle en lui-même un malaise évident – à l’un d’entre eux. Certainement à cause du pitch trompeur qui accompagne le film un peu partout sur la toile : viol, suicide, vengeance ; en réalité un synopsis qui omet de se parer du ton employé par Kim yong-han... Je sais qu’il n’y a dans les trois mots listés ci-dessus aucune matière à sourire – une telle énonciation me laisserait presque circonspect face à mes propres propensions cinématographiques – mais d’ordinaire le rape revenge se regarde depuis le confort, ambigu et trompeur, de la savoureuse brutalité de la loi du talion. Sauf que dans le cas présent, c’est moi qui essuie le revers de la juste réciprocité. J’ai souvent trouvé ça divertissant ? Et bien pas cette fois.

Fort de deux actrices excellentes – la jeune Nam Bo-Ra a d’ailleurs été nominée à un prix d’interprétation – Kim Yong-han délaisse tout opportunisme, tout explicitation de la chair pour mettre l’accent sur l’émotion de l’extinction irrémédiable d’une adolescente enlisée dans un abus détestable. Une heure durant, le réalisateur regarde sa jeune protagoniste souffrir, être humiliée, tenter de reprendre le dessus, pour être meurtrie plus encore... jusqu’à ne plus en pouvoir. En face d’elle, des criminels dépourvus d’humanités, des parents inconséquents prêts à incriminer mère et fille, des policiers impuissants et des lois en faillite... Le tableau dressé par Kim Yong-han – renforcé en conclusion par des statistiques qui font froid dans le dos –, d’ailleurs pas exclusivement coréen, est tellement sombre qu’on en viendrait presque à l’accuser de trop en faire, si l’on ne savait pas combien la réalité dépasse, toujours, la fiction - si sordide soit-elle.

L’intelligence de Don’t Cry, Mommy – celle-là même qui achève d’en faire un film si douloureux – tient dans sa façon d’éviter de faire de la vengeance meurtrière un jeu de rôle cathartique, façon Death Sentence. Confrontée à son désir de violence, Yoo-lim ne devient pas une autre, un bras armé cinégénique, mais s’éteint progressivement elle aussi. Elle fait face à la réalité de l’acte meurtrier, à la difficulté de frapper quelqu’un à l’arme blanche, à la résilience de la violence gratuite. Lors d’une exécution en plusieurs temps (autant ne pas spoiler le peu que le synopsis laisse à découvrir), Kim Yong-han ne regarde pas la victime mais son bourreau, Yoo-lim tout autant marquée. Il ne change pas de plan, ne quitte pas le visage de Yoo-lim entre deux « coups », laisse au contraire la durée, le poids, la difficulté de l’assassinat des mains de quelqu’un qui lutte contre sa nature, s’affirmer comme autant de réalités supplémentaires. Il devient alors évident que tuer, même dans la vengeance, dans une certaine justice, c’est se condamner aussi. Et que personne, dans le microcosme présenté dans Don’t Cry, Mommy, ne survivra réellement à l’effacement d’Eun-ha. Une bien cruelle dénonciation, dont il n’est pas aisé de livrer une appréciation classique : je crois bien que Don’t Cry, Mommy est un bon film, mais il est difficile d’imaginer prendre du plaisir à le revoir.

Don’t Cry, Mommy est disponible en DVD en Corée, avec sous-titres anglais.

- Article paru le jeudi 30 janvier 2014

signé Akatomy

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