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Japon

Door II Tokyo Diary

aka Door 2 - Doa 2 | Japon - 1990 | Un film de Banmei (Tomoaki) Takahashi | Avec Chikako Aoyama, Jô Yamanaka, Shingo Kazami, Chiharu Iwamoto, Minori Terada, Ren Ôsugi, Tooru Minegishi, Shirou Shimomoto, Tatsuo Yamada, Keiko Takahashi

Who’s that knocking at my door ?...

Ai est call-girl. Une call-girl à 20 000 Yen de l’heure. Si son travail comporte une bonne dose de risques, elle s’y sent libre et s’amuse des situations qui peuvent paraître dangereuses... Ai aime jouer. Ichirô et Yuuko, ses deux meilleurs amis, ne connaissent pas son secret et cette situation l’amuse... Ai rencontre de nombreux clients, parfois violents, parfois très doux, mais souvent déjantés... Parmi ces clients, Monsieur Mamiya, un étrange et envoûtant artiste qui va peu à peu l’initier aux plaisirs SM. Ai va devenir son jouet sexuel, son objet à fétichismes... malgré tout, son attirance pour l’homme ne cesse de croître et elle lui dit "je t’aime". Un beau jour, Ai reçoit une lettre d’invitation envoyée par Mamiya...

Deux ans après Door premier du nom, Banmei Takahashi (crédité - une fois de plus - ici, Tomoaki Takahashi) nous accouche de Door II Tokyo Diary. Qui dit "deux" dit suite... et bien pas du tout ! Plutôt une sorte de variante sur le thème, aussi vaste soit-il, des portes... hmmmmm... évidemment, vu comme ça, les suites peuvent pleuvoir pendant longtemps. Exit donc toute référence au premier opus réalisé deux ans plus tôt (si l’on excepte deux quasi-caméos de Shirou Shimomoto et Keiko Takahashi), et tandis que Door avait bénéficié d’une sortie en salles, cette pseudo suite se retrouve quant à elle cantonnée au marché de la vidéo...

...pas évident, sachant qu’il s’agit du même réalisateur, de se sortir de l’esprit la "première porte" qui mettait en scène de manière plutôt habile les travers de la société nippone, en utilisant le fantastique et l’intrusion d’un élément perturbateur au sein d’un cosy cocon familial comme métaphore. Pas facile et pourtant... pourtant Door II s’en éloigne - disons plutôt qu’il saute droit à l’opposé - dès les premières images... enfin, tout du moins c’est ce que l’on peut croire. La cellule familiale laisse ici place à une jeune femme seule, dont les activités professionnelles l’empêche d’avoir une vie "comme celle de tout le Monde". Outsider à deux cent pour cent, rebelle dans l’âme, Ai est une sorte de représentante de la Femme moderne qui fait tâche au sein d’une société où fonder un foyer avant trente ans est une obligation sous-entendue... Ai est l’incarnation du tabou. Vous l’aurez très certainement compris ; ici, point de fantastique (encore que, le traitement de certaines séquences pourrait parfois le laisser croire...), mais plutôt une sexualité débordante de la première à la dernière image du film...

...pour son soixante-cinquième film ( !), l’extrêmement prolifique Banmei Takahashi (Takahashi prolifique = euphémisme) choisit donc l’univers rose des films érotiques nippons (un univers qu’il connaît sur le bout... des doigts -voir ses nombreux Pinku tels Shôjo Jôfu, Nihon no Gômon ou encore Muchi to Shibari) pour faire passer un ou deux messages à caractère... social. Ai vit dans une société où l’apparence prime ; ses clients ont tous l’air sympathique, mais la plupart d’entre eux se révèlent être des hommes atteints par une sorte d’étrange syndrome qui les force à être humiliés ou à humilier... avant de redevenir aussi doux que des agneaux. Mais ils sont "dans la norme", ou plutôt "acceptés", puisqu’ils sont comme tout le Monde. Ai quant à elle, se complait volontairement dans cette situation qui allie le danger d’une profession où les mauvaises rencontres peuvent être fatales, aux mensonges qu’elle engendre...

...puis Ai rencontre l’homme qui va l’initier ; une initiation à l’amour, mais surtout à la vie. Oh là, un peu présomptueux tout ça ?! non... Mamiya, doux et piquant à la fois, va faire ressortir d’Ai son amour propre en la poussant dans ses retranchements, en la rendant jalouse, follement amoureuse... puis adulte. Ai va devenir une sorte d’ange (pour ses amis - magnifique séquence où Ai masturbe son amie internée en asile psychiatrique, lui rendant ainsi sa féminité -, ses clients...) qui, libérée de ses démons, laissera éclater au grand jour sa vie... sa vie qui d’habitude reste secrète au-delà du pas des portes derrière lesquelles elle s’adonne à son métier. La porte... tout peut se passer derrière une porte, et c’est finalement l’élément commun à Door et Door II ; la porte peut s’ouvrir, se fermer, mais également enfermer, cacher...

La mise en scène de Takahashi s’oriente ici vers l’onirisme, grâce à des éclairages volumétriques, et une utilisation des couleurs judicieuse, nous plongeant dans un sur-esthétisme emprunt d’un véritable lyrisme volontairement appuyé (certains diront marqué fin 80’s... soit) grâce notamment au bleu omniprésent, de l’eau, du ciel, ou des ambiances générales du film... Quant au choix des acteurs, il est tout bonnement excellent ; Chikako Aoyama (Chinpira de Shinji Aoyama) interprète une Ai belle et émouvante, sorte de Femme dans toute ses splendeurs, ses craintes, ses forces, ses aspirations... mais c’est surtout l’étonnant choix de Jô Yamanaka (Ningen no Shômei de Junya Satô) pour le rôle de Mamiya, qui explose littéralement à l’écran... transcendé, le musicien/acteur s’offre ici une magnifique interprétation.

Dans la forme assez éloigné du premier Door ce Tokyo Diary, film à double lecture, pointe du doigt cette société d’apparences, tout en se focalisant sur une magnifique histoire d’Amour où le désir se transforme en besoin... un beau film étrange et envoûtant, entre rêve et réalité fantasmée.

En VHS (NTSC), chez Tokuma Japan Entertainment au Japon.
Article initialement paru le 7 juin 2004, mis à jour à la sortie de Door 1 & 2 en Blu-ray chez Carlotta Films.

- Article paru le mercredi 22 mai 2024

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