Dossier Lara Croft
Je me suis déjà attaqué à des tâches difficiles. Après tout, n’ai-je pas déjà disserté sur le statut de chef-d’œuvre de Showgirls, ou encore tenté de réhabiliter, un par un, les films de Renny Harlin ? Tenez, j’ai aussi dit du bien de Razor Blade Smile et de Los Sin Nombre, et je le vis plutôt bien. Mais aujourd’hui c’est différent.
Showgirls est un film particulier certes, mais Verhoeven est un génie ; j’adore Eileen Daly, Ramsey Campbell est un dieu... Renny ? Vous le méprisez peut-être, moi j’apprécie chacune de ses réalisations. Simon West par contre, je ne suis pas fan. Les ailes de l’enfer fait même partie avec Spoune, de ces films que j’abhorre par-dessus tout. Il en va de même pour Jan de Bont qui, en dehors de Speed et de son travail en tant que chef opérateur, n’a jamais réellement gagné mon respect. Hantise aurait pu être beaucoup mieux mais n’est pas si minable que ça, mais Speed 2 est parfaitement risible et Twister carrément pénible.
Pourtant, aujourd’hui, je vais prendre la défense d’un film de chacun de ces deux réalisateurs. Deux films d’une série, certainement parmi les plus injustement décriées, critiquées et humiliées de tous les temps. Aujourd’hui, je veux venger les deux épisodes des aventures de Lara Croft.
Ca calme, non ?
Round 1 : Lara Croft : Tomb Raider
Commençons par le commencement, par ce point délicat sur lequel bon nombre de personnes bloquent d’entrée de jeu : Lara elle-même - ou plutôt son interprète, Angelina Jolie. Soit, la demoiselle est capable du meilleur (Girl, Interrupted de James Mangold, l’excellent téléfilm Gia de Michael Cristofer, le sympathique Hackers de Iain Softley) comme du pire (le pathétique Playing God de Andy Wilson, le très mou du bout Gone in Sixty Seconds de Dominic Sena). Ceci étant, moi j’ai toujours trouvé que la fille de John Voight quoiqu’on en dise, était plutôt jolie bien que régulièrement vulgaire, et qui plus est capable de temps en temps de véritables interprétations. Et je trouve aussi qu’Angelina fait une superbe Lara, en dépit d’une poitrine, supposée "inadéquate", qui a fait hurler de nombreux fans de son incarnation en polygones...
"I’ll make it real simple, I’m a 36-C. In the game, she’s a double-D. In the movie, she’s a D. We split the difference... [the movie Croft] is much more athletic, and she has smaller breasts, but she’s still Lara Croft, so there." - Angelina Jolie
Pour tout vous dire, le charme d’Angelina n’est pas là mais dans une nonchalance provocante, générale, avant tout basée sur son regard, ses expressions faciales et une certaine conscience de son corps et de ses déplacements, très "balancés" (et puis double-D ou pas, là n’est pas la question : Tom Cruise ne fait-il pas un excellent Lestat ?). La garde-robe empruntée à l’une des premières icônes virtuelles de notre temps fait le reste, et termine d’exploiter comme il se doit la présence de l’actrice à l’écran. D’autant que celle-ci vous ne pourrez pas dire le contraire, est très physique et se débrouille plutôt bien dans les nombreuses scènes d’action du film, toutes moins crédibles les unes que les autres. Attendez, j’en vois qui réagissent, persuadés que je viens d’apporter de l’eau à leur moulin. Mais depuis quand un film d’aventures teinté de fantastique se doit-il d’être crédible ? Pourquoi ne pas se satisfaire d’une cohérence relative uniquement au degré de fantaisie retenu, pour un film dont l’objectif n’est pas documentaire mais uniquement divertissement ? Et puis Lara dans les jeux vidéo, ne fait-elle pas face à bon nombre de mécanismes improbables tout en flinguant du T-Rex avec des armes de poing de poche ? Bon.
La sombre histoire de trahison paternelle post-mortem, mise en scène dans le premier Tomb Raider, a tout d’une caricature du film d’aventures à la Indiana Jones. Il est vrai que, comme le signalait Goldman à propos du scénario du Soldat Ryan, bon nombre d’invraisemblances auraient pu être aisément évitées - notamment au niveau des délais étonnants imposés à notre héroïne pour mener à bien une mission tellement "one shot" qu’elle n’est possible qu’une fois tous les 5000 ans. Néanmoins en acceptant de se lancer tête baissée dans une course si rapide, Simon West assume le divertissement à la limite du cartoon. La scène d’ouverture du film, qui nous montre Lara aux prises avec un robot d’entraînement surprogrammé, verse en ce sens.
Moi cette scène, bien que too much, je l’aime vraiment. En regardant le film une seconde fois, j’ai de plus pu confirmer que, en plus d’être vraiment dynamique, elle est plutôt bien réalisée et montée, sans aucun abus de style ni de découpage. Un trait commun à bon nombre de scènes du film d’ailleurs, qui en font en dépit de son rythme, une œuvre au caractère "old school" résolument bienvenu. Tout comme l’absence d’une quelconque référence à l’action revisitée et surtout relookée par les frères Wachowski. Alors bien sûr, on pourra s’étonner de voir Lara faire du saut à l’élastique dans le hall de son manoir - mais si vous aviez autant de place et étiez un(e) grand(e) athlète, ne feriez-vous pas de même ? Et puis ce fameux gunfight à l’élastique, bien qu’un peu brouillon comparé à l’introduction, est parfaitement jouissif, non ?
Je pourrais continuer de la sorte avec toutes les scènes du film, mais je crois que vous voyez où je veux en venir, subjectif que je suis. Néanmoins je voudrais vous poser une question : les défauts innombrables de The Rock en font-ils pour autant un film insupportable à regarder ? Michael Bay ne réussit-il pas (même si ça me fait mal de l’avouer), dans ce monument bourrin, à palier ses erreurs techniques à la force du plaisir pur et dur ? En tant que tel, Angelina Jolie ne constitue-t-elle pas un bien meilleur vecteur de ce plaisir que Nicholas "Put down the rabbit" Cage ? Vous voyez bien que - même en admettant que vous trouviez le film techniquement léger - vous êtes injustes !!!
Non vraiment, même si son scénario est très rapide, son méchant pas vraiment méchant et si tout ça fleure régulièrement l’emprunt, ce premier Tomb Raider est efficace, dépaysant, charmant, bourrin et malgré tout presque désuet... Quoiqu’en disent ses détracteurs et même Angelina Jolie - qui estime ne pas avoir pu faire de son personnage ce qu’elle souhaitait - cette aventure pour le moins fantaisiste fait le pont avec des films d’un autre temps. Les Indiana Jones certes, mais aussi d’autres plaisirs eighties comme Le mystère de la pyramide... Un mélange de blockbuster, d’aventures, d’obscurantisme et d’un certain glamour, certes mixé sur fond de musique de djeunes, mais tout de même à l’ancienne.
Le paradoxe bien entendu, c’est que c’est Lara - icône résolument moderne puisque numérique, devenue une superbe héroïne en chair et en os grâce à Angelina Jolie - qui nous sert de passeur pour ce délicieux retour en arrière. Peut-être est-ce là la raison du rejet, global et incompréhensible, de cet excellent divertissement ?
Round 2 : Lara Croft - Tomb Raider : The Cradle of Life
Deux ans et un redoutable acharnement critique plus tard, Angelina Lara Jolie revient sur nos écrans, désireuse d’essuyer l’échec d’un premier opus qui, s’il est rentré dans ses sous, est très loin d’avoir fait l’unanimité. Le résultat ? Vous le connaissez certainement d’ores et déjà tous. Une tôle phénoménale au Box-Office US, et une campagne publicitaire française dantesque qui n’a d’égale que la propension de la presse à massacrer le film de Jan de Bont. Une fois de plus je m’insurge ; ce second opus est à mes yeux un peu moins bon que le premier, mais demeure un très bon film d’aventures, agréable et dépaysant. Et Angelina plus que jamais, est physique, présente, superbe (une petite entrée en prison au Kazakhstan, toute de fourrure blanche vêtue par exemple ?). Allez n’en jetez plus, je vais me fâcher.
Après un premier opus orienté Illuminati / maîtrise de l’espace/temps, ce second épisode des aventures de Lara fait quelque peu monter les enchères avec sa quête de la boîte de Pandore. Celle-ci en effet, contient la clef de l’un des plus grands mystères de l’humanité : ses origines. Rien que ça.
C’est un hasard en réalité si Lara se lance dans cette histoire ; un tremblement de terre en effet, fait ressortir au large des côtes grecques le temple d’Alexandre le Grand. Un globe mystérieux y attire l’attention de l’aventurière, mais elle se le fait dérober par... Simon Yam et Terence Yin ! Une petite intervention du MI-6 plus tard, Miss Croft déduit de leurs explications que quiconque lui a dérobé le globe compte s’en servir pour localiser la boîte de Pandore. Si celle-ci a servi à créer la Vie telle qu’on la connaît, il ne reste plus à l’intérieur que son antithèse : la Mort. Un virus pour le moins définitif convoité par un dénommé Jonathan Reiss, ancien Prix Nobel sans idéaux ni scrupules, spécialisé dans la conception d’armes bactériologiques. Pour l’instant cependant, le globe est entre les mains des Triades, un milieu que seul Terry Sheridan, ancien amant de Lara, traître au gouvernement britannique désormais mercenaire, peut l’aider à atteindre...
A chaque épisode ses qualités et ses défauts ; ainsi si le premier opus est plutôt bien réalisé et monté, sa trame possède quelques lacunes, son lot de déplacements géographiques inexpliqués et ses nombreux raccourcis de personnalité : il en ressort un film fun et rapide, des personnages simples et uniquement vecteurs d’action(s) - mais tout de même efficaces. Le second opus quant à lui, pèche régulièrement au cours du montage, abuse de quelques transitions ralenties un peu laides, mais gagne en lisibilité globale. Lara s’étoffe de sentiments ; ses choix sont un nouveau vecteur d’action justement, parfaitement absent du film de West. Les nombreux déplacements bien que toujours aussi rapprochés dans le temps, sont cette fois clairement explicités, justifiés - peut-être trop ? C’est effectivement là que je ferais une critique à ce Cradle of Life : un certain manque de fantaisie - dans le sens fantastique du terme. D’un autre côté, cela permet au dernier quart du film d’être d’autant plus surprenant ; ce dernier voyage pour le coup intégralement fantastique est très réussi, et s’y résument toutes les qualités de divertissement décomplexé du film.
N’allez pas croire que le film m’ait déplu pour autant, loin s’en faut. Même ce coup de poing polémique dans la tête du requin qui finalement à mes yeux, est parfaitement fidèle à l’esprit du jeu d’origine... Angelina Jolie s’en sort encore mieux dans le rôle de Lara puisque celui-ci est plus riche, multiplie les tenues et les attitudes : ici, Lara n’est pas que "chagasse". Elle est tour à tour fragile, belle, agressive, impériale (Kazakhstan toujours...). Les scènes d’action manquent d’originalité il est vrai (il y a tout de même quelques très belles choses au milieu de l’influence MI:2), mais s’enchaînent suffisamment bien pour que l’on n’ait pas le temps de leur reprocher quoique ce soit de fondamentalement gênant puisqu’elles nous divertissent. Simon Yam et Terence Yin font des guest-stars sympathiques, Gerard Butler est un compagnon plus qu’acceptable pour notre héroïne et les paysages comme toujours, sont exceptionnels. Tenez, il y a même une girafe gigantesque, magnifique, qui traverse l’écran dans la dernière partie du film, avis aux amateurs.
Si on fait le compte au final, cet épisode possède ses défauts techniques certes, mais il parvient à divertir, à faire voyager, à effrayer, à surprendre et bien sûr à charmer le spectateur. Comprenez bien que, dans ce cas comme dans celui du premier film, il n’est aucunement question de crier au chef-d’œuvre. Ce diptyque de Lara Croft cependant, remplit haut la main le contrat de plaisir qu’il se fixe sans prétention, aussi je ne comprends pas - et ne comprendrais jamais, n’oubliez pas que j’ai apprécié La Sirène rouge ! - l’acharnement dont il fait l’objet. Quand on voit ce que les spectateurs sont capables d’entraîner au sommet du box-office, à l’image d’aventures automobiles léthargiques, entre Marseille et Paris... A bon entendeur... VIVA LARA !
Le premier opus est disponible en DVD dans toutes les zones du globe, dans une édition à l’image et au son superbes ; accompagnés d’une floppée de suppléments certes promotionnels, mais montrant au moins le travail physique d’Angelina Jolie au cours de la production.
Lara Croft Tomb Raider le Berceau de la Vie est sorti sur les écrans français le 20 août 2003.













