Duelist
En Corée pendant l’ère Chosun, un complot visant à mettre à bas le pouvoir en place, met en circulation de la fausse monnaie dans le pays. Deux enquêteurs, une jeune femme, Namsoon (Ha Ji-won), et son mentor Ahn (Ahn Sung-ki) sont chargés d’identifier les auteurs du complot. Se dresse alors en travers de leur chemin un jeune homme mystérieux, Sad Eyes (Gang Dong-won), habile épéiste. S’engage ainsi un jeu de cache-cache entre tous ces protagonistes.
A partir de cette histoire, tirée d’une bande dessinée coréenne, et adaptée en feuilleton télévisé, Lee Myung-se nous sert un film magnifique. Le réalisateur tel un cuisinier virtuose, nous élabore un festin à partir de recettes certes très simples, mais esthétiques et savamment présentées. La réalisation est soignée et variée. Les effets sont utilisés avec parcimonie et empruntés aussi bien à la comédie (certaines séquences relèvent du « slapstick »), qu’au film d’action, ou au thriller. Mais jamais ceux-ci n’échappent à la maîtrise de Lee Myung-se, ni ne viennent déborder ou entraver la narration, ceci grâce à un montage efficace. Conjointement utilisé avec les effets visuels, la musique occupe aussi une place prépondérante dans ce film. Là encore, tous les styles y passent, classique, Tango, Hard Rock. Se rajoute ainsi à la palette des styles cinématographiques abordés, la comédie musicale. Le rythme du film, par ses variations, nous laisse pleinement le temps de goûter toutes les combinaisons de saveurs qui nous sont proposées. Ces combinaisons, ou bien la recette elle-même, n’occultent jamais le goût original des ingrédients.
A citer particulièrement le jeu de chacun des acteurs. Ahn Sung-ki (« Ahn » tout simplement dans le film) est tout bonnement parfait dans son rôle. Il n’a aucun mal à jongler avec les émotions de son personnage, à être comique sans tomber dans le bouffon, ni à assurer dans les scènes d’action. Je me répète mais cet homme là, a une sacrée présence à l’écran ! Et en plus, il a la classe. Venons-en aux deux rôles principaux, Ha Ji-won (Namsoon), et Gang Dong-won (Sad Eyes). Certains reprocheront à Ha Ji-won son jeu et les mimiques de son personnage de garçon manqué, qui reprennent celles de Park Jung-Hun dans Nowhere to hide (Sur la trace du serpent) du même réalisateur. Mais force est de constater que lorsque l’on rencontre en chair et en os Ha Ji-won, on est loin d’imaginer que c’est la même personne qui interprète Namsoon, et effectue toutes ces scènes d’actions et de combats ! Autant dire qu’elle ne s’est pas ménagée à la tâche afin d’incarner ce personnage, pour notre plus grand plaisir. Quant à Gang Dong-won, il est juste dans ce rôle d’épéiste froid et mystérieux, qui s’humanisera au cours du film. Néanmoins, si vous n’êtes pas de la gent féminine (coréenne en particulier), il se pourrait que vous lui trouviez un certain goût d’endive quand même. Et après tout à chacun son palais !
Et ces deux personnages sont le cœur du festin, car il s’agit bien sûr d’une histoire d’amour. Amour que ces deux là refoulent car en contradiction avec la mission qui leur est assignée, et qui transpire dans chaque confrontation entre Namsoon et Sad Eyes sans pouvoir s’affirmer réellement et ainsi soulager les deux personnages. Et là le spectateur est au cœur de la magie de ce film. Lee Myung-Se n’a de cesse de nous émerveiller en réalisant des séquences originales, poétiques, atteignant parfois l’onirisme, pour illustrer cette relation, et soulignant le côté brut et la violence de l’amour qui se construit. Après la poire et le fromage, un dessert d’une grande originalité qui ne manquera pas d’énerver certains peines à jouir de ce pays. Il faut rester jusqu’au bout pour savourer ce joyau culinaire, cinématographique qui évite le goût du frelaté clipesque et branchouille. Un seul reproche, on pourrait peut-être reprocher la linéarité du récit. Peut-être ?
Néanmoins on ne peut que déplorer la pseudo-nécessité pour la distribution en France de mettre les pieds dans le plat final afin de soi-disant faciliter la digestion. Mais cette gageure ne saurait nous ravir le plaisir et la possibilité de nous repaître de ce que le cinéma coréen a de meilleur a nous offrir en ce moment et dans tous les genres possibles, (a surveiller le merveilleux, le génial, le sensible, l’éducatif Marathon de Chung Yoon-Chul, incroyable j’en reviens toujours pas !). Pour conclure, la Corée mérite bien quatre étoiles au guide mondial des saveurs cinématographiques, et Lee Myung-se a sa place parmi les fins réalisateurs du moment.
Lire aussi l’interview de Lee Myung-se et Ha Ji-won.
A voir sur grand écran bien sûr, en évitant de se baffrer de pop-corn. Un peu de patience que diable, le 17 mai, c’est pas loin, ne gâchez pas inutilement vos papilles. Surtout rincez-vous la bouche si vous avez été voir Wu-Ji.




