DV Domestic Violence
Le DV du titre n’a rien à voir avec Digital Video, bien que ce soit le format de ce film. En effet, DV est l’acronyme de Domestic Violence, qui est, on l’aura deviné, le sujet du film ainsi qu’un vrai problème au Japon, auquel a décidé de s’attaquer Shun Nakahara. Un réalisateur qui n’est pas vraiment un inconnu, puisque c’est à lui que l’on doit le chapitre final de Tomie (2002), Konsento (2001) ou encore Lie Lie Lie (1997), ainsi que quelques pinku à ses débuts. Il travaille cette fois à partir d’un scénario de Yuuji Nagamori à qui l’on doit, dans un genre très différent, les scénarios de Watermelon et Peau de Mon Epouse, deux films légèrement érotiques de Ryuuichi Honda.
Avec son couple au centre du film et Kenichi Endou en lieu et place de Susumu Terajima, DV m’a fait un peu penser, dans un registre cependant très différent, au superbe Okaeri (Makoto Shinozaki, 1995).
Surtout, je pense, car le duo d’acteurs qui interprète le couple marié dont il est question constitue la charpente du film. Ensuite, on a également à faire un mariage qui bat de l’aile et à un problème de société presque tabou, bien qu’ici le sujet soit plus dramatique. Dans DV le numérique ne permet pas les mêmes superbes séquences qu’Okaeri mais le côté vidéo ajoute au réalisme.
Couple marié depuis trois années, Yasuko (Yuka Hanabusa) et Shougo (Kenichi Endou) ont tout des conjoints ordinaires. Sauf que Yasuko continue de travailler et que Shougo supporte de plus en plus mal cette situation. Il commence à mettre des bâtons dans les roues de Yasuko pour l’obliger à rester au foyer. Peu à peu il devient de plus en plus agressif et exigeant, allant jusqu’à inscrire les jours où il lui fera l’amour sur un calendrier mural, qui décrit également toutes les tâches jounalières de Yasuko. Jusqu’au jour où il en vient à la frapper. C’est le début d’un engrenage de violences physiques chaque jour plus insupportables.
Yasuko, femme initialement active, va tenter assez tôt de chercher de l’aide mais, en dépit des conseils d’une femme qui a vécu sa situation, elle tarde à prendre des mesures plus radicales pour s’éloigner de Shougo. Mais plus que l’incapacité de Yasuko à échapper à son mari (au début par amour, ensuite par peur), le film tend à montrer la lâcheté de la société japonaise dans son ensemble. Dans un pays ou le ciment social reste fort et la criminalité faible, c’est le foyer qui est un lieu de violence. Incapables de relâcher la pression socialement, nombre de japonais tournent leur rancœur, colère ou simplement désarrois vers leurs proches. D’où un nombre de cas non négligeable de parricides, matricides, violences conjugales, infanticides depuis plusieurs années au Japon.
La scène la plus forte du film est certainement celle où Yasuko et Shougo sont dans un karaoké. Après avoir violemment heurté le crâne de Yasuko avec le micro, Shougo s’en va un moment aux toilettes, donnant l’opportunité à Yasuko, le visage en sang, de demander à un employé d’appeler la police. Mais ce dernier refuse arguant du fait qu’il ne peut prendre une telle décision sans l’accord des autres clients, en l’occurence Shougo. Yasuko fuit et se réfugie dans un Kouban (commissariat de proximité), où le policier refuse de prendre son témoignage ou même de l’aider (il va jusqu’à la culpabiliser) lui disant « ce qui à trait au foyer, se règle au sein du foyer ». Le film est d’autre part très critique envers les services sociaux qui sont incapables de faire quoi que ce soit, obligeant Yasuko à trouver elle-même une solution à son problème.
Shougo, superbement interprété par un Kenichi Endou impeccable qui passe du mari adorable à l’époux violent, désire posséder Yasuko comme on possède un objet, ou plus exactement un chien voire un esclave. Son côté puéril et son égoïsme (le film montre souvent des mères de famille avec un enfant, comme pour mettre l’accent sur l’absence d’enfant au sein du couple Yasuko/Shougo, Shougo se voulant l’enfant dont la mère s’occuperait exclusivement) lui font détruire tout ce qui est extérieur à sa relation avec Yasuko. Après avoir eu raison du travail de cette dernière, il ira jusqu’à détruire toute les photos d’eux deux, à l’exception d’une seule.
DV offre donc une vision très pessimiste d’un problème souvent occulté, sous prétexte qu’il fait partie de la sphère privée, dans un pays où c’est seulement récemment que la loi a été changée pour que la violence domestique soit reconnue comme un acte criminel. Il tente également d’en décrypter les mécanismes avec la gradation des violences, d’abord morales puis physiques, fait mieux comprendre comment Yasuko se fait prendre dans un piège en forme de spirale infernale.
Les scènes de violence sont souvent à la limite du supportable par leur réalisme mais malheureusement la conclusion quelque peu morale, qui illustre cependant bien la difficulté d’un combat pour que les droits des victimes de violences domestiques soient enfin reconnus, et qui tend carrément vers la « happy end » ne sonne pas très juste et nous laisse sur une (toute) petite déception.
DV est disponible en DVD japonais, sans sous-titres.






