Elephant
Cannes 2003 par Lester D. Shapp - La (vraie) Palme d’or
Attention SPOILERS !
Ca fait du bien de voir Gus Van Sant revenir à un cinéma moins commercial. Si A la recherche de Forrester était un film intéressant, on attendait cependant un peu plus du réalisateur de Mala Noche, Drugstore Cowboy ou My Own Private Idaho. On ne peut être déçu cette fois-ci. Le constat est amer et effrayant, la réalisation étonnante (parfaite, selon le jury).
Tout en reprenant un sujet traité sur le mode du documentaire par Michael Moore l’année dernière, Gus Van Sant s’est éloigné du propos tenu par le documentariste. En effet, à la différence de Moore, Van Sant ne cherche pas d’explication. En tout cas, il n’en fournit pas. Il nous livre les faits, bruts et sans enrobage. On y suit des étudiants ordinaires, des lycéens et lycéennes américains qui se cherchent, comme tous les lycéens du monde, vont en cours, font de la photo, conduisent pour remplacer au volant leur père saoul, ont des amis, des petites amies, mangent à la cantine, sont d’une pudeur maladive, aident le bibliothécaire, et meurent au cours du massacre perpétré par des jeunes tout aussi ordinaires qu’eux, mais qui sont fans de jeux vidéo, jouent (mal) la Lettre à Elise ou l’écoutent en critiquant. Ils n’ont pas de drapeaux nazis tendus sur les murs de leur chambre, n’appartiennent pas à un mouvement d’extrême droite. Ce sont juste des Américains (presque) comme les autres, qui profitent du droit qu’a tout habitant des Etats-Unis de posséder une arme, et l’étendent à celui de l’utiliser pour exprimer leur mal-être d’adolescent.
Filmé sous plusieurs angles qui permettent de voir les situations plusieurs fois, de différents points de vue, Elephant se termine en caméra quasiment subjective, et nous fait vivre le massacre final sans grands effets, un peu comme si nous nous trouvions, à notre tour, devant l’écran de notre télé, à jouer à un jeu vidéo de type Doom. Une scène d’anthologie, à laquelle le décor se prête particulièrement bien.
A voir absolument, sous peine d’avoir manqué l’un des films les plus marquants de l’année. En attendant (qui sait ?) la sortie de Gerry, autre film minimaliste de Van Sant, qui raconte l’histoire de deux hommes perdus dans le désert, dont la sortie n’est pas encore prévue.
Elephant devrait sortir sur les écrans français le 29 octobre 2003.


