Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Japon

L’Empire des sens

aka 愛のコリーダ, Ai no korīda | Japon | 1976 | Un film de Nagisa Oshima | Avec Eiko Matsuda, Tatsuya Fuji, Aoi Nakajima, Yasuko Matsui, Meika Seri, Kanae Kobayashi, Taiji Tonoyama, Kyôji Kokonoe, Naomi Shiraishi

Ancienne prostituée, Sada travaille désormais en tant que servante dans une auberge de Tokyo. Portée sur la chose, elle remarque et est remarquée par Kichi, le mari de la patronne, dont le tonus sexuel est réputé parmi les autres servantes. Irrésistiblement attirés l’un par l’autre, ils deviennent amants. La passion qui les consume va les conduire à multiplier les expériences sexuelles. Sada et Kichi finissent par consacrer tout leur temps aux plaisirs de la chair, enfermés quasiment tout le temps dans leur chambre.

L’Empire des sens est entré dans l’histoire du cinéma pour ses qualités intrinsèques et son caractère sulfureux, mais aussi en raison des péripéties entourant sa création, puis sa distribution. Les scènes de sexe ne sont pas simulées et une fois filmées, elles étaient directement expédiées en France pour être développées. Cette œuvre vaudra à Nagisa Oshima un procès au Japon pour obscénité, mais le cinéaste finira par être acquitté.

Le couple se coupe peu à peu du monde pour s’adonner à toutes les joies du sexe et leur horizon se rétrécit aux murs de la chambre. Sada sort uniquement pour trouver de l’argent auprès d’un professeur, l’un de ses anciens clients, et Kichi n’est pas censé sortir.

Faites l’amour, pas la guerre.

S’affranchissant de cette interdiction, il est le témoin d’un défilé de soldats dans la rue, salués par des enfants agitant des drapeaux. Dans cette scène, dont la brièveté est inversement proportionnelle à son importance, la réalité de l’époque fait irruption. L’histoire de ces amants est tirée d’un fait divers qui a fait sensation au Japon en 1936, année de la tentative de coup d’État par certains membres de l’armée. Au même moment où les deux amants sont pris dans la spirale infernale de leurs désirs, le pays est pris dans une spirale militariste et fasciste, qui conduira l’archipel à la catastrophe.

Si Nagisa Oshima met en scène une passion amoureuse poussée à l’extrême, il reste également un cinéaste éminemment politique. Dans ce Japon paternaliste et traditionaliste, L’Empire des sens prend le parti de la femme.

De serveuse, amante de son patron, Sada va petit à petit prendre l’ascendant sur Kichi jusqu’à l’ultime orgasme. L’œuvre du cinéaste japonais est à la fois une attaque contre la vision puritaine du sexe et contre les films pornographiques réalisés pour les hommes. Je n’ai pas dénombré les scènes où le sexe, dans toutes ses formes, est présent dans le film, mais elles sont extrêmement nombreuses. Elles inscrivent le sexe dans leur quotidien, le rendant banal comme il l’est dans la vraie vie. Chaque matin avant d’aller au marché, Kichi fait l’amour à sa femme. Ces scènes forment la matière même du film, qui n’est pourtant en rien pornographique.

Le cœur du film réside toutefois dans cette incroyable histoire de passion poussée à son paroxysme. Le couple fait preuve d’une imagination débordante dans leurs jeux érotiques : nourriture, asphyxie, saphisme... Nagisa Oshima représente la passion amoureuse portée à son incandescence. Au fur et à mesure qu’ils approfondissent l’extase de l’amour physique, le spectre de la mort se rapproche d’eux. L’orgasme est depuis Ambroise Paré comparé à une petite mort en raison des réactions physiques et physiologiques qu’il provoque. Ayant écœuré les autres geishas par leurs continuelles copulations, seule une dame âgée accepte de venir les divertir pour finir par périr d’épectase.

Réalisé en studio, L’Empire des sens est un régal pour les yeux et la version restaurée rend justice au travail de Nagisa Oshima et de son directeur de la photo, Hideo Itō. La caméra reste au plus près des corps et la diversité des angles permet à l’œuvre de n’être jamais figée. Le rouge présent dans tous les kimonos portés par Sada est central à la palette graphique de l’œuvre. Rouge, couleur du sang et de la passion. Couleur d’autant plus logiquement mise en avant que le titre original se traduit en La corrida de l’amour.

Le coffret ultra collector de Carlotta comprend le 4K Ultra HD de L’Empire des sens, le 4K Ultra HD de L’Empire de la passion, le 4K Ulta HD de La Véritable histoire d’Abe Sada, le Blu-ray de L’Empire des sens, de L’Empire de la passion et de La Véritable histoire d’Abe Sada. Il comprend également un livre écrit par Stéphane du Mesnildot. L’Empire des sens est enfin disponible seul dans une édition Blu-ray simple ou 4K Ultra HD.

- Article paru le jeudi 18 juillet 2024

signé Kizushii

Taiwan

Visage

Hors-Asie

Amber Heard

Japon

Satoshi Kon, l’illusionniste

Hong Kong

Angel Terminators

Japon

Mon deuxième frère

Japon

Tel père, tel fils

articles récents

Chine

Jeunesse : Les Tourments

Hong Kong

Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive

Japon

La Harpe de Birmanie

Japon

La Vengeance de la sirène

Japon

Le Pavillon d’or

Chine

Les Feux sauvages