Eros : The Hand
Un film et demi de Wong Kar Wai en quelques mois sur les écrans après quatre ans d’abstinence, les fans du Hong Kongais sont ravis. Autre motif de réjouissance, la présence de Gong Li au sommet de l’affiche dont le rôle dans 2046 avait des airs de résurrection pour la star chinoise. The Hand est le film le plus sombre et le plus érotique de Wong Kar Wai depuis Les Anges Déchus.
A l’origine du projet, Michelangelo Antonioni souhaitait réunir plusieurs réalisateurs autour du thème du désir amoureux. Le spectateur français devra d’abord subir un premier moyen-métrage sans intérêt du réalisateur italien et un second un peu plus divertissant de Steven Soderbergh. Déceptions, on a connu ces derniers plus inspirés.
Cette section d’Eros a été réalisée lors de l’interruption du tournage de 2046 au moment de l’épidémie de SRAS en Asie au cours de l’année 2003. D’où l’idée de centrer ce film sur la notion de contact, du toucher.
Après le Baroque de 2046, Wong Kar Wai a adopté un style plus épuré, avec quelques traces de ralenti tout au plus. En accord avec la tonalité sombre du récit, la photographie de Christopher Doyle ne laisse parfois émerger que les visages des personnages que viennent éclairer les lampes de chevet et les appliques murales.
Apprenti tailleur, Zhang se voit confier la confection des robes de Mademoiselle Hua. Lors de sa première visite, la courtisane jouée par Gong Li lui donnera une leçon qu’il n’oubliera jamais : comment peux-tu coudre des robes si tu n’as jamais touché une femme ? Et Mlle Hua de le déniaiser car les éclats des ébats de la courtisane avec son amant n’ont pas le jeune homme laissé de marbre... Zhang lui vouera dès lors un amour et un dévouement inconditionnels.
Le thème de prédilection de Wong Kar Wai - l’amour impossible - est une nouvelle fois présent. Cependant, par rapport à ses derniers films où la sensualité dominait l’écran, tandis que l’érotisme était cantonné hors champs, celui-ci fait un retour marqué devant la caméra.
On connaît le goût de Wong Kar Wai pour les robes de ses héroïnes, ses gros plans sur leurs pieds, mais jamais son cinéma n’a été aussi explicitement fétichiste. Zhang projette son amour pour la courtisane sur les robes qu’il fabrique pour elle, qu’il ajuste sur elle. Contact entre la chair et le tissus, entre les chairs, mais pas de liaison amoureuse, du moins si on l’entend comme une relation à double sens.
Après Maggie Cheung et Zhang Ziyi, Wong Kar Wai offre encore une fois un superbe écrin à une actrice chinoise. Gong Li, redécouverte dans 2046, se montre à la hauteur pour jouer cette courtisane au destin tragique.
Eros est sorti sur les écrans français le 6 juillet 2005, et est par ailleurs déjà disponible en DVD HK, sous-titré anglais.




