Exilé
Wo habite-t-il ici ?
Après avoir déposé deux bombes dans les cinémas français en début d’année, Election 1 & 2, Johnnie To revient cet été sur les lieux du crime. Au « lourd » de ces deux films précédents succède certes un film plus léger, mais des plus agréables. Vraie/fausse suite de The Mission, Exilé en reprend les personnages principaux et leurs interprètes dans leur quasi-totalité. Amitiés viriles et gunfights orchestrés par un Johnnie To en forme, les amoureux du cinéma de Hong Kong ne devraient pas sortir déçus de la salle obscure. Le polar hongkongais se délocalise à Macau et il ne s’en porte pas plus mal.
En mal d’argent quelques semaines après la naissance de son fils, Wo s’installe à Macau après plusieurs années d’errance sur les routes. La nouvelle a déjà transpiré jusqu’au sommet du crime organisé et ses amis se retrouvent chez lui. Problème, si certains sont venus pour le protéger, les autres sont là pour l’abattre, allégeance au parrain Fay oblige. Et celui-ci ne porte pas Wo dans son coeur, une de ses balles en étant passée trop près. La solution à ce dilemme : réaliser un coup ou un contrat pour ramasser le maximum d’oseille en un minimum de temps.
Exilé se place sous le signe du western et sous le patronage de deux de ses plus grands hérauts, Sergio Leone et Sam Peckinpah. Parrains que To et son film méritent bien. La filiation avec Leone est la plus évidente, les hommes aimant jouer sur la tension même si elle est poussée à un point paroxysmique chez l’italien. Le film s’ouvre sur un hommage à Il était une fois dans l’ouest et se clot sur un hommage à La Horde Sauvage. Entre les deux, nos héros auront vu leur monture mourir sous eux et la diligence transportant les caisses d’or être attaquée par des bandits de grand chemin. Je ne vous parlerais pas du reste, il faut bien ménager un peu de suspense.
Johnnie To n’est jamais aussi bon que quand il raconte l’histoire d’une bande, peut être parce que le « système Johnnie To » fonctionne de la même façon. De film en film, on retrouve la même équipe de fines gâchettes devant et derrière la caméra. Résultat, je dois encore répéter combien Simon Yam est bon. Ici, dans le rôle d’un boss de la mafia, qui exsude de suffisance. Les nombreux fans français d’Anthony Wong ne seront pas non plus déçus. Il est parfait dans son rôle de gangster ombrageux, écartelé entre son amitié pour Wo et sa fidélité envers son patron.
Le réalisateur hongkongais se démarque également par son goût du jeu et des défis techniques. Après un contrat qui a mal tourné, Wo et Fay, tous les deux blessés, vont débarquer successivement dans une clinique clandestine. Les deux camps sont alors seulement séparés par des cloisons de tissus, ce qui nous est montré par un plan large de toute beauté. Ensuite l’enfer des armes pourra se déchaîner. Comment rendre intelligibles de telles scènes dans un endroit exigu, tel est le défi technique relevé par To sur ce film. Au charcutage des plans, nouvelle norme mondiale qui donne envie de fermer les yeux, il préfère adopter des plans plus long, le rythme et le cadrage faisant toute la différence. Calme puis explosion dans les scènes d’actions, mais également alternance entre ces dernières et les « guerriers » au repos. La relation entre les personnages se créée par des petits riens, qui font le sel de la vie.
Exilé sortira sur les les écrans français le 11 juillet 2007, et est déjà disponible en DVD HK sous-titré anglais.



