Femmes nouvelles
Le cinéma chinois ayant été de ceux dont la transition vers le parlant a pris le plus de temps, Femmes nouvelles, sorti en 1935, offre la particularité d’utiliser aussi bien des intertitres que la sonorisation.
Femme célibataire, Wei Ming subvient à ses besoins en travaillant comme professeur de chant dans une école. Elle est également journaliste et écrivain, et grâce à l’un de ses amis qui travaille dans une maison d’édition, son livre va être publié. Son avenir semble désormais être plus radieux. En refusant les avances d’un riche banquier siégeant au conseil d’administration de son école, cette ravissante et élégante jeune femme ne se doute pas des malheurs qui vont l’assaillir.
Film à thèse, Femmes nouvelles n’échappe pas à une lourdeur dramatique typique de ces années-là. Quand les malheurs tombent sur la pauvre Wei Ming, interprétée par Ruan Lingyu, ils sont nombreux et de plus en plus grands. Film sur les femmes, parmi les hommes présents à l’écran, seul un échappe à la caricature : l’ami qui l’aide à publier son ouvrage. Vile engeance, les autres sont des représentants du pouvoir, de l’argent et de la presse.
La divine, Ruan Lingyu, éclaire le film de sa présence et à près de 80 ans de distance, son aura se comprend. Sans la connaitre, le spectateur saura dès les premières images qu’elle est la star du film. Parmi des acteurs au jeu très expressif - héritage du cinéma muet - elle arrive à afficher un certain naturel. Au-delà de son jeu, l’actrice chinoise a marqué les esprits et l’histoire du cinéma chinois par son tragique destin. Femmes nouvelles, inspiré du suicide de l’actrice Ai Xia, est l’un de ses derniers film avants qu’elle ne fasse de même, à la suite d’une campagne de calomnie menée par la presse.
Mais si Ruan Lingyu capte l’essentiel de la « lumière » du film, ce n’est que pour mieux mettre en relief sa collègue de travail. Habillée de façon très simple – à la différence des belles robes chinoises de Wei Ming - elle apparaît beaucoup moins fréquemment à l’écran. Elle est présentée comme sa bonne amie et en professeur dévoué à ses élèves, jamais dans sa vie privée. Elle n’accompagne pas d’homme le soir dans des cabarets... Si l’on en croit cette fiction de gauche elle serait l’exemple à suivre, une sorte de voie moyenne si elle est également comparée à l’autre amie de Wei Ming, qui comme le veut la tradition est totalement assujettie à son mari. Une femme plus libérée, mais point trop n’en faut.
La spécialiste du cinéma chinois qui a présenté le film au Festival des 3 Continents a rappelé le destin similaire du principal personnage de Femmes Nouvelles et de celui de Lust Caution d’Ang Lee. La comparaison peut aller au-delà puisque l’actrice, Wei Tang, qui l’interprétait a ensuite été empêchée de travailler car le film contenait des scènes de nue trop évocatrices. Comme quoi le moralisme de gauche est toujours bien vivace. Et ce n’est pas forcément une question de culture : le parti communiste français n’est pas spécialement connu pour sa doctrine libérale sur ces sujets.
Femmes nouvelles a été présenté au Festival des 3 Continents dans le cadre de la thématique De Pékin à Hong Kong : les cinémas chinois et leurs histoires (1930-1950).



