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Japon

First Love, le dernier Yakuza

aka First Love – 初恋 - Hatsukoi | Japon - UK | 2019 | Un film de Takashi Miike | Avec Masataka Kubota, Nao Ōmori, Shōta Sometani, Sakurako Konishi, Becky, Jun Murakami, Sansei Shiomi, Seiyō Uchino

Leo (Masataka Kubota) est un jeune boxeur prometteur, qui s’écroule pourtant sur le ring sous le coup d’une frappe mollassonne. Le verdict de la blouse blanche est bien terne : Leo a une tumeur au cerveau, très certainement responsable de la perte de connaissance, qui ne lui laisse que peu de temps à vivre, le plus loin possible de tout impact à la tête... Monica (Sakurako Konishi) est une jeune toxico hantée par le spectre d’un père abusif, qui l’a confiée à un dealer créancier pour que celui-ci se rembourse en vendant son corps. Leur rencontre, fruit d’un direct altruiste de la part de Leo, sera le nœud qui brisera la fluidité du plan de Kase (Shōta Sometani), yakuza las de rester dans le rang, désireux de délester son clan d’une livraison de drogue pour partager les bénéfices avec son complice Otomo (Nao Ōmori), flic corrompu. Leo et Monica commencent tous deux First Love par terre – l’un KO, l’autre défoncée – et devront puiser dans l’imbroglio de violence généré par leur rencontre inopinée, l’envie de vivre debout.

Il y a quelque chose de Sabu dans ce Miike classique et rafraichissant, au croisement des exubérances mafieuses qui l’ont rendu célèbre et de ses réalisations plus retenues, sensibles et pop. Dans ce mouvement d’ensemble aux trousses de Monica et Leo, finalement très doux pour qui a goûté les plaisirs d’Ichi the Killer, Gozu et autres extrémismes à la Izo, les collisions humaines entre nos jeunes adultes en cavale, les yakuza, la mafia chinoise, une veuve violemment éplorée (fantastique Becky) et un manchot vengeur sont bien le lieu d’une violence très cartoonesque, mais c’est là la texture de First Love et non son sujet. Cette violence, essentiellement comique et nourrie à la méthamphétamine à même les plaies ouvertes, rappelle certes le surréalisme des Dead or Alive, tour à tour nonchalante, rageuse et grand-guignolesque, mais elle ne prend jamais le pas sur les protagonistes eux-même, sur leur difficulté à vivre – désarrois, douleurs et angoisses compris.

Leo, qui n’a rien d’autre que la boxe et s’en veut de n’avoir pas vécu ; Monica, bardée de terreurs et d’hallucinations qu’elle devra apprendre à teinter d’humour ; le chef des yakuza, exaspéré de vivre le crépuscule de l’honneur et de la juste mesure... Miike prend certes son pied à filmer une Becky en roue libre, qui tend son doigt fraichement plongé dans son intimité à son ravisseur pour mieux le piétiner ensuite, autant qu’un Shōta Sometani cabotin, blasé de semer tant de cadavres sur sa route ; mais il se concentre surtout sur des humanités non exacerbées, crédibles, en contrepied de la violence déchainée en vain par une partie des protagonistes.

Miike reste bien sûr Miike, ainsi que l’attestent le rythme de l’ouverture du film et l’habileté de la mise en scène à palier un certain manque de moyens et les contraintes des lois de la physique, mais First Love apparaît comme un film presque délicat et optimiste, avec une mesure qui ne déplairait pas à son boss yakuza. Cet optimisme n’est en effet jamais niais ou aveugle, promesse d’entrain, amour et générosité en dépit du bon sens, des historicités et des réalités personnelles - mais une simple négation de tout nihilisme, une belle acceptation de l’aube comme alternative ouverte, et sans cesse renouvelée, au crépuscule.

First Love, le dernier Yakuza est sorti sur les écrans le mercredi 1er janvier 2020. Mon premier Miike, en salles, avec l’un de mes enfants !

- Article paru le vendredi 10 janvier 2020

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