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Hong Kong

Fist of Fury

aka Chen Mo Mun | Hong Kong | 1972 | Un film de Lo Wei | Produit par Raymond Chow | Avec Bruce Lee, Miao Ker Hsiu, Maria Yi , Lo Wei

Un cri et une musique des plus mortelle nous accueillent : la légende est en route et en DVD.

Suite à ses deux succès précédents (Big Boss et Way of The Dragon) Raymond Chow cherche un nouveau sujet. Il déterre alors une vieille histoire datant des années trentes, rapportant la mort mystérieuse d’un maître en arts martiaux : Fok Yun-Kap.

Mais d’abord petit rappel historique. A l’époque, Shangaï était divisée en plusieurs parcelles ou plutôt concessions ; elles-mêmes dirigées par les grandes puissances d’alors. Durant ces jours noirs, les chinois étaient plus que malmenés et les scènes d’humiliations en public étaient courantes. L’école Chen Mo Mun restait l’un des rares bastions de refuge et de résistance envers l’occupant étranger. La mort du vieux maître Fok Yun-Kap fit de lui l’un des derniers véritable héros patriotique ayant existé. C’est cette histoire qui inspira ce film qui dans son titre porte le nom de l’école : Chen Mo Mun.

Sur ces entrefaits passons au film... pardon, à ce chef-d’œuvre unique dans les filmographies de Bruce Lee et de Lo Wei.

Chen (nom que porte Bruce Lee dans tous ses films) revient à Shangaï et plus particulièrement dans son ancienne école d’arts martiaux. Quelle n’est pas sa surprise d’arriver en plein milieu des obsèques de son maître (le portrait de celui-ci étant le portrait du véritable Fok Yun-Kap). Chen refuse de croire que son maître a été terrassé par une jaunisse. Aussi quand un chinois au service de l’envahisseur nippon, ainsi que deux japonais (coiffés à la playmobil nuque longue), font irruption en pleine cérémonie, le sang de Chen ne fait qu’un tour. Et il faut tout le pouvoir de persuasion des autres élèves pour le calmer. Mais c’est trop tard, le doute s’est installé et Chen va mener son enquête. Réprimandé, Chen se voit contraint de quitter la ville quand il apprend la terrible vérité : la mort si mystérieuse et impensable - pour Chen - n’est autre qu’un infâme meurtre fomenté - assez grossièrement il faut avouer - par le maître de l’école de karaté voisine. Chen laisse dès cet instant éclater sa fury et écrase tout le monde d’un coup de fist. Deux arts, mais aussi deux cultures vont s’affronter dans un fracas et une fureur encore audible de nos jours.

Troisième film de Bruce Lee, après les deux précités au début de l’article, Fist of Fury reste sans nul doute son film le plus abouti et le mieux interprété. La déchirante scène d’ouverture dans le cimetière suffit à nous inventer tout un passé du personnage qu’incarne Bruce Lee. Et c’est surtout la première fois que l’on voit Lee pleurer et s’apitoyer sur son sort. Il est à ce moment précis très proche de nous. J’entends par là qu’il est devenu vulnérable. Oubliés la fierté et l’orgueil (il perd connaissance pour la première fois sur un grand écran) ; c’est un homme. Imaginons ce qui devait se passer dans l’esprit des spectateurs ; il ne pouvait régner dans la salle que la plus grande décontenance. Humilié, traumatisé et prostré, Bruce Lee redevient vite légendaire et ce dès le générique.

Pourtant, pendant quinze longues minutes, le film ne part toujours pas. Et dès lors on se demande si on est bien dans un film de kung-fu. Ne serait-ce pas l’une des forces du film ? (Mal ?)heureusement, Bruce Lee latte une cinquantaine de japonais bien primaires. Enfin le gémissement, suivi du miaulement et des cris inimitables tant attendus. Des coups de nunchaku (terme populaire) dans les crânes et tibias nippons pour se débarrasser des subalternes encombrants et c’est au tour du maître du dojo. Notons au passage que ce dernier devait certainement avoir un lien de parenté avec Elvis Presley en fin de carrière et qu’il fut très vite défait en combat singulier : faudrait voir à arrêter la bière peut-être. Bref sa décision est prise et la fureur se change en vengeance aveugle.

L’une des puissances du film réside aussi dans la dénonciation - certes primaire - du calvaire enduré par la population chinoise. La racisme anti-chinois est omniprésent, ainsi que les humiliations : assimilation chinois/chien. La séquence la plus représentative de cet état de fait est celle du strip-tease. Nous sommes au QG des japonais et le fête bat son plein. Wu, le chinois vendu, s’aperçoit que malgré toute la loyauté envers ses employeurs japonais, il ne reste qu’un vulgaire animal bon qu’à distraire : il doit ramper pour sortir de la pièce. N’étant pas à une humiliation près, il s’exécute.

Ce qu’il y a aussi d’incroyable dans ce film, c’est qu’il est complet. Ce n’est pas un simple film de kung-fu. Y’a tout dedans. Tout est mêlé habilement : romance, vengeance, destin, héroïsme, mystère. Mais aussi honneur, loyauté. En fait je pense tout simplement que ce fut la naissance d’un genre à part entière. Jamais auparavant on avait connu une telle fougue chez un acteur, une telle volonté d’aller au bout : Bruce Lee va même jusqu’à se déguiser. D’abord en vieux vendeur de journaux puis en technicien des télécoms. Sous les traits de ce dernier il assiste d’ailleurs à un exhibition digne de cette superbe émission qu’était : L’homme le plus fort du Monde. Au programme des clous plantés à la main, enroulage d’une tige d’acier autour du bras et tordage de barre métallique. Et en plus l’homme en question est russe (la nationalité turque étant plus fortement envisageable).

Quant à la scène finale, le terme anthologie fut créé pour celle-ci. Après avoir massacré bon nombre de karatéka, Bruce Lee affronte, dans un duel directement inspiré de Sergio Leone, le "Chuck Norris" du film, qui se retrouve avec plusieurs pommes d’Adam. Puis c’est au tour du maléfique Suzuki de goûter au sel de la vengeance. Levant les yeux au ciel on imagine que sa colère s’est enfin apaisée. Bien au contraire, de retour à Chen Mo Mun, il ne peut que contempler le carnage : tous ses condisciples ont été assassinés. Il vient pourtant de commettre plusieurs meurtres lui-même. C’est un criminel lui aussi. Et pourtant on ne peut s’empêcher d’être de son côté : c’est fantastique !!! Bruce Lee se voit obliger de se livrer aux autorités (japonaises) et se dirige une nouvelle fois sans sourciller vers sa destinée morbide.

Les paroles de la chanson finale se font entendre :

"Who says the days of Chivalry are no more?
Who says self-sacrifice is out-dated?
Here stands a true hero."

Un final hallucinant et une légende vivante en marche.

DVD Media Asia remasterisé et de très haute qualité : une image quelque peu tachée mais des couleurs tellement belles.

Coffret DVD Media Asia avec une tonne de suppléments intéressants (chose peu répandue) ou l’on apprend que c’est la première fois qu’un nunchaku (seung jee kwan) apparaît dans un film ; que c’est la première apparition de Jackie Chan au cinéma ; et que la voix du russe est celle de Lee. Petites infos sur la genèse du film et ses suites :
- Fist of Fury 2 un film taïwanais (pas vu).
- New Fist of Fury avec Jackie Chan et réalisé par Lo Wei (pas vu).
- Fist of Fury 1991 de Chiau Sing-Chi qui reste la meilleur suite/adaptation et un authentique chef d’œuvre.
- Fist of Fury en série TV avec Donnie Yen (qu’est-ce que cela peut bien donner ?).
- Fist of Legend de Gordon Chan avec Jet Li (surestimé et ennuyeux à souhait).

Mais aussi une biographie de Bruce Lee, ainsi que sa filmographie. Un petit cours de Jeet Kun-Do (art martial conçu par Bruce Lee lui-même). Bandes-annonces de tous ses films : The Big Boss, The Way of the Dragon, Fist of Fury, Enter The Dragon, et Game of Death.

Et alors le cadeau des cadeaux un mini nunchaku offert dans le coffret (voir photo ci-dessus).

- Article paru le vendredi 9 novembre 2001

signé Takeuchi

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