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Japon | Animation

Flag

aka Flag Director’s Edition - Flag - The Movie (Director’s Cut) | Japon | 2006 | Un film de Ryosuke Takahashi et Kazuo Terada | Avec les voix de Rena Tanaka, Unshou Ishizuka, Narumi Hikada, Takashi Nagasako, Yûko Satô, Yu Asakawa, Kenji Nomura, Hiroshi Iwasaki

Alors que sa première mission en tant que photographe de guerre l’amène en Uddiyana, pays du Moyen-Orient frappé de guerre civile, la jeune Saeko Shirasu parvient à capturer une image saisissante, d’un drapeau de l’ONU bricolé brandi par des civils. En transparence de cette volonté de liberté proclamée, le soleil découpe deux silhouettes en prière, tournées vers l’avenir. Une image qui devient symbolique au point que le drapeau incarne tous les espoirs de paix, pilier d’une trêve en attente de signature. Lorsque, quelques jours avant la cérémonie, le drapeau est dérobé, l’ONU crée une force spéciale, chargée de le récupérer coûte que coûte. Saeko, qui porte dans l’affaire l’improbable responsabilité d’avoir donné corps à l’espoir, est mandatée pour accompagner l’unité dans sa mission secrète, et documenter les faits et gestes des femmes et hommes du SDC (Special Development Command). Pendant ce temps, son mentor, Keiichi Akagi, tente de suivre l’évolution des événements, et de comprendre où est passée sa protégée…

Fascinant projet que ce Flag, remontage en forme de long métrage de la série éponyme réalisée par Ryosuke Takahashi et Kazuo Terada en 2006 (13 épisodes de 26 minutes, diffusés à l’origine sur Bandai Channel). Équivalent anime des réalisations à la première personne qui pullulent au cinéma depuis des années, Flag cumule les objectifs – principalement ceux de l’appareil de Saeko et de la caméra de Keiichi, mais aussi les récepteurs de quelques drones, mechas et autres webcam – pour créer non pas une histoire à proprement parler, mais une interface sur une histoire, et quelques humanités ; élan philanthrope sur fond de synthèse de conflits contemporains, entre cultures, ethnies et religions. Ce faisant, Takahashi et Terada ne livrent pas tant un portrait hybride d’une guerre, bien entendu, que de celle qui la regarde.

Et que l’on regarde aussi, régulièrement ; c’est d’ailleurs la fonction première du mentor Akagi, narrateur qui nous permet de donner traits à la voix de Saeko Shirasu, prêtée par l’actrice Rena Tanaka (Give it all, Hatsukoi). Avant de faire intervenir d’autres points de vue, électriques et numériques, Flag parvient à jouer dans la confrontation des objectifs de ses deux protagonistes un dialogue essentiel, puisque le film évite ainsi de sombrer dans le superficiel, de nous affranchir de son héroïne. Au besoin, Saeko se capture elle-même sur pellicule ; quand ce ne sont pas ses interlocuteurs, las de son acharnement, qui retournent son appareil, tel une arme, contre la photographe.

Les séquences de démarrage et d’arrêt, systèmes de fichiers, et autres indicateurs de batterie et focale, rythment et se superposent à un métrage volontairement haché, qui ne triche pas, ou peu, avec une continuité artificielle. C’est d’ailleurs la seule faiblesse, by design, de Flag, qui peut provoquer un certain détachement dans son morcellement. L’alternance entre le front de Saeko et celui, plus informel, de Keiichi, pallie toutefois pour beaucoup à cette lacune. Dans les pérégrinations du cameraman vétéran, on croise notamment un fascinant portrait de religion, divinité incarnée reléguée au rang de « simple » femme. Avec peu de mots, sans critique ni caricature, Takahashi et Terada captent une humanité à la fois simple et complexe, poétique et cynique ; l’efficacité d’un cliché réussi. Ces instants, dans Flag, sont finalement plus intéressants que ceux qui mettent en scène les HAVWC (High Agility Versatile Weapon Carrier), mechas qui effacent régulièrement l’action à l’image, derrière leurs traînées de poudre et explosifs.

Rien de surprenant dès lors, à ce que Flag fasse de cette humanité son véritable sujet, tentant de comprendre l’élan d’une Saeko dénuée de tout opportunisme. Son cliché, fondateur, est à la fois début et fin du chemin ; apogée d’un humanisme que cette héroïne, mue par l’instinct, tente, par ses yeux qui deviennent un temps les nôtres, de transformer en raison. Pour apprendre à capturer les images, certes, mais aussi à les lire, et à y trouver autant les autres que soi-même : non pas regarder, mais voir.

Flag est sorti en DD et Blu-ray chez WE Productions le 16 mars dernier. Copie d’excellente facture, mais l’on pourra regretter l’absence de suppléments.
Remerciements à Julie Fontaine et WE Productions.

- Article paru le jeudi 31 mars 2011

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