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Japon

Focus

Japon | 1997 | Un film de Satoshi Isaka | Avec Tadanobu Asano, Akira Shirai, Keiko Unno

Il y a beaucoup de films qui, au cours des trentes dernières années, se sont penchés sur les effets pervers d’une télévision en quête de sensations nouvelles et toujours plus fortes, plus authentiques : La mort en direct, Running Man, mais ausi Videodrome, et, plus récemment, C’est arrivé près de chez vous et Natural Born Killers. Parmi les titres de cette liste loin d’être exhaustive, ce sont les deux derniers qui nous intéressent ici particulièrement, car Focus emprunte le postulat de réalisation du premier pour traiter son sujet à la manière du second.

Focus, vous l’aurez compris, prend l’aspect d’un documentaire : l’intégralité du film (71 minutes en tout et pour tout) est vécue (et non pas vue) au travers de l’œil de la caméra de l’équipe de Iwai (Akira Hirai), présentateur/réalisateur d’une émission télé que l’on devine aisément être un reality show. L’objet de leur attention ? Kanemura (Tadanobu Asano), un jeune homme timide et dérangé qui passe son temps à intercepter tous les types de communications possibles : ses récepteurs captent aussi bien les téléphones portables que les téléphones de voiture, les communications des pompiers et de la police, et même des "mouchards" placés chez sa voisine d’en face.
Le film démare donc sur la première interview filmée de Kanemura, au cours de laquelle la stratégie de Iwai commence déjà à se dessiner : sentant l’inconfort et l’inexpérience du jeune homme, il va mettre en oeuvre toute sa mauvaise foi pour faire d’une pierre deux coups... En gros, il va profiter de l’obsession maladive de Kanemura pour satisfaire sa propre curiosité, sans limites, et pénétrer l’intimité des gens pour l’offrir aux téléspectateurs. Seulement, alors que le groupe tourne dans la voiture de Kanemura, équipée elle aussi d’un récepteur, Iwai surprend une conversation autour d’une clé cachée dans une cabine téléphonique de Shinjuku, ouvrant un coffre dans la consigne de l’aéroport dans lequel il y aurait... un pistolet. Iwai ne pouvait pas rêver mieux, et il va se servir de Kanemura pour le pousser à offrir plus de sensationnel pour son reportage - coûte que coûte...

Si l’histoire de Focus n’est pas foncièrement originale, son approche froide et la multiplication des niveaux de lecture en font un film pertinent, manipulateur et dérangeant, de bien meilleure qualité que les films qui lui ont sans doute servi de modèles.
Focus démonte la construction d’un reality show de façon telle à faire douter de la pertinence de leur dénomination ; car ce que l’on voit à l’écran est très loin d’être authentique. La séquence la plus intéressante en ce sens est sans doute celle où Iwai fait rejouer trois fois la scène de la découverte de l’arme à feu par un Kanemura excédé, allant jusqu’à lui demander de tenir l’arme. Ce que Iwai essaye de faire, en fait, c’est de pousser le sujet de son reportage à la faute en direct, pour montrer que ses déviances, à première vue sans danger pour la population, peuvent aisément l’amener à franchir un point de non-retour. La vérité, c’est qu’Iwai projette ses propres fantasmes dans les troubles de Kanemura, pour lui faire jouer un rôle que lui-même ne peut pas se permettre de tenir.

Le film bascule quand l’ambition d’Iwai prend réellement forme, et que Kanemura, poussé à bout, utilise l’arme à feu sur un groupe de voyous. A partir de là, Kanemura va s’efforcer de créer une nouvelle réalité pour Iwai et son équipe, afin de les dissuader de diffuser ce qui a été filmé...
Dés lors, le film devient plus brutal, plus vicieux, et la mise en abîme impressionnante : grâce aux récepteurs de Kanemura, on peut suivre l’évolution de l’enquête de la police tout en restant dans le cadre du "reportage", pendant que Asano pousse Iwai et Yoko, son assistante (Keiko Unno), à devenir les acteurs de leur propre inculpation, réalité transformée au sein d’une réalité construite de toute pièce.

Tout au long de ce périple, le caméraman demeure absent du cadre de l’image, impartial, et, au final, jamais véritablement impliqué. Et pour cause : lors du dénouement final, quand Yoko demande au caméraman s’il a "eu tout ça", c’est au spectateur qu’elle s’adresse, confortablement assis devant son téléviseur, désireux de se construire des illusions de réalité répondant à ses fantasmes inavoués.

Le film est disponible en DVD zone 2 japonais, copie 4:3 d’origine de très bonne qualité, avec des sous-titrages en anglais véritable (important) et une bande son 2.0 efficace et propre.
Pour ceux qui ne voudraient pas dépenser trop d’argent (ça fait du bien, des fois), Focus existe aussi en VCD HK, sous-titré anglais.

- Article paru le lundi 8 octobre 2001

signé Akatomy

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