Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Inde | Festival du film asiatique de Deauville 2008

Four Women

aka Naalu Pennunga | Inde | 2007 | Un film de Adoor Gopalakrishnan | Avec Geethu Mohandas, Nandita Das, Padmapriya, Manju Pillai

Four women est un film indien, mais il ne vient pas de Bollywood. Il représente, de ce point de vue déjà, un petit ovni dans la part de la production de ce prolifique pays qui parvient jusqu’à nous. D’une durée de moins de deux heures, sans chansons ni danses, sans costumes chatoyants et sans Sharuk-Khan gominé, certains pourraient taxer l’oeuvre d’Adoor Gopalakrishnan de « low-key ». Il n’en est rien. Ce qui resplendit dans ce film, ce sont les couleurs de la nature, l’émotion touchante de ces petites saynètes réalistes et surtout, la beauté de ces femmes ordinaires. S’il m’a manqué quelque chose lors de la projection, c’est la présence de J-Me, auquel je me substitue aujourd’hui pour cause de récente paternité. Félicitations à l’heureux papa !

4 femmes, 4 époques différentes, dans le sud verdoyant de l’Inde. L’une prostituée, l’autre vierge, la troisième femme au foyer sans enfant et la dernière, sans mari. Toutes à la recherche de quelque chose, ce manque qui laisse sur leur visage une ombre mélancolique…

Chacune des héroïnes, quelle que soit sa situation, est en effet présentée comme fragilisée par rapport à l’amour, la sexualité ou les usages sociaux. Ce parti pris narratif, qui tient à la sélection du réalisateur des quatre histoires parmi les quatre cents nouvelles de Thakazhi Sivasankara Pillai, rend les femmes plus vulnérables et infiniment plus intéressantes. La prostituée a trouvé l’amour mais pâtît de la non-officialisation de son mariage. La vierge s’est mariée sans amour à un rustre qui l’ignore. La troisième, bien mariée, n’a pas d’enfants et la dernière, débordant d’amour pour ses neveux, désespère de trouver un mari. Amour, sexualité et convenances tourbillonnent autour de ces femmes perdues qui se raccrochent alors au regard d’un frère, d’une mère, à un foyer sécurisant qui ne les a pas préparées à une telle « entrée en société ». Gopalakrishnan joue avec les contrastes, s’amuse à perdre ses héroïnes dans leurs contradictions (l’ancienne prostituée fidèle jusqu’à la prison, la célibataire paradoxalement la plus belle femme du film, la vierge timide désireuse de devenir une femme).

Au-delà du jeu magnifique des actrices du film, qui rend si touchants leurs personnages, c’est la place même des femmes dans la société indienne qui leur donne leur véritable épaisseur, leur dimension dramatique. Si le réalisateur, en préambule à la projection du film, insiste sur l’ancrage des différents segments dans une époque historique différente (couvrant la période pré-indépendance et les trente années suivantes), c’est peut-être pour sensibiliser le spectateur à l’immobilisme total de la situation sociale des femmes. Il est ainsi quasiment impossible de distinguer les changements d’époques, encore moins de mettre une date sur les histoires racontées. Pour souligner de manière objective cette absence de changement, les séquences présentant les rites sociaux (la rencontre forcée des futurs époux, la cérémonie et les repas de fêtes chez les parents) sont filmées d’une manière documentaire, parfois exagérée. Assurée par le jeu subtil des actrices et l’atmosphère particulière du pays et de ses contraintes sociales, l’implication du spectateur en souffre parfois, lorsque les saynètes manquent de consistance. Si c’est l’occasion pour nous occidentaux de découvrir une (infime) partie des traditions du pays, attention à ne pas se laisser sortir du film.

Le réalisateur invite également à la découverte de sa région natale (le Kerala), elle aussi maillon commun aux quatre histoires racontées. Les paysages sont sublimes, filmés en toute simplicité et intégrés au récit de manière naturelle et imperceptible. Le rythme du film suit également le rythme de la nature, celui de l’eau qui recouvre les rizières et coule lentement dans les marais. On vit au rythme de ces gens, la caméra prend son temps et se fait langoureuse lors des plans rapprochés sur les lèvres, les mains et les yeux féminins. C’est tout simplement beau.

Gopalakrishnan nous livre une œuvre à la simplicité maîtrisée ancrée dans le réel, loin du faste de Bollywood. Un hommage à ces femmes du quotidien, à celles qui le deviennent, et aux autres aussi. Four women ? Non. For women…

Four Women a été présenté dans la sélection Panorama de la dixième édition du Festival du film asiatique de Deauville (2008).

- Article paru le lundi 17 mars 2008

signé David Decloux

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