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Hors-Asie

Franklyn

aka Dark World | UK / France | 2008 | Un film de Gerald McMorrow | Avec Eva Green, Ryan Phillippe, Sam Riley, Richard Coyle, Sam Douglas, James Faulkner, Jay Fuller, Jeanie Gold, Bernard Hill, Georgia Mackenzie, Art Malik

It’s about the people you haven’t met yet...

Il semble faire toujours nuit à Meanwhile City, mégalopole rétro-futuriste dans laquelle l’appartenance à une religion, aussi fantaisiste soit-elle, est obligatoire. Jonathan Preest (Ryan Phillippe), sorte de vigilante masqué qui a choisi de s’affranchir de toute croyance pour échapper à l’asservissement de la foi, est à la recherche de l’Individu, responsable de l’enlèvement d’une petite fille. Vendu par l’un de ses indicateurs, Wormsnakes, il est arrêté par les forces de Tarrant, qui règne en despote sur cette foule d’adorateurs aux obédiences improbables, de la sainte manucure au mode d’emploi d’une machine à laver. Incarcéré, Preest ne peut empêcher l’Individu d’assassiner sa proie. Quatre ans plus tard, lors d’une entrevue avec Tarrant qui lui propose d’échanger sa liberté contre l’assassinat du retors Individu, l’affranchi parvient à s’échapper pour reprendre sa croisade... Pendant ce temps-là à Londres, Milo (Sam Riley) encaisse difficilement l’annulation de son mariage, et reporte son affection sur la silhouette retrouvée d’un amour d’enfance ; Peter Esser (Bernard Hill) parcourt les rues à la recherche de son fils disparu, et la jeune Emilia Bryant (Eva Green) tente d’achever un projet artistique expérimental, prétexte à une tentative de suicide hebdomadaire...

Quiconque se contenterait des premières minutes de Franklyn, pourrait être tenté de dénigrer l’univers mis en scène par Gerald McMorrow, dont l’inspiration visuelle se situe de toute évidence, à la croisée de Dark City et des récits d’Alan Moore. C’est d’ailleurs le travers qui a entaché la promotion du film, les distributeurs français ayant même trouvé judicieux de le rebaptiser Dark World pour mieux entériner l’héritage. Restreindre Franklyn à cette filiation esthétique pourtant, revient à renier l’originalité du dispositif cinématographique au sein de laquelle elle est déployée ; « simple » représentation fantastique de l’errance psychologique de Jonathan Preest, catalyseur involontaire d’une collision, narrative et émotionnelle, à l’ambition plus mesurée et, surtout, très personnelle. Le caractère fantasmagorique de la représentation faisant écho à une force insaisissable – le destin, tout simplement - qui régit, bien malgré eux, les quatre protagonistes de cette histoire.

On pourrait reprocher à McMorrow, à la limite, d’avoir facilité la tâche à ses détracteurs, tant il insiste en premier lieu sur Meanwhile City, donne à fantasmer un film autre que le sien. Pourtant, le spectateur attentif décèlera dans les enchaînements insolents entre « notre » réalité et cette ville au nom évocateur - « Pendant ce temps » -, les rouages du dispositif. Puisque ce sont les représentations liées à chaque personnage qui se disputent la narration, puisque le récit semble être linéaire en dépit de son éclatement, Franklyn est certainement affaire de perception. Alors que la métaphore/caricature de Preest devrait en être la plus évidente expression, c’est en réalité au travers d’Emilia et Milo que la problématique s’explicite. Emilia s’affaire et échoue, à mettre en images le monde telle qu’elle le ressent, tandis que Milo lui, projette dans le monde ce qu’il aimerait y voir. Entre les deux, le parcours de Peter permet de mettre de l’ordre dans les univers de chacun, de faire la part, progressivement, entre le réel et le virtuel, et de comprendre les passés et destins, qui justifient le glissement de protagonistes de Meanwhile City vers Londres. Et, par là même, l’extinction de cette fantaisie inachevée au profit d’une réalité plus simple, mais non moins magique, qui ne nécessitait peut-être pas un tel emballage.

Arguer de cette nécessité reviendrait à confronter l’idée que certains s’étaient faite du film, et ce qu’il est en réalité. Et pour autant que ce débat - dont on peut idéaliser le fait qu’il ait justifié la provocation formelle, dénuée de toute sur-explicitation, de McMorrow dans un soucis de cohérence par delà le film – soit passionnant, il est plus judicieux de se laisser porter par la beauté magnétique d’Eva Green, la grandiloquence du deuil de Ryan Philippe, la naïveté insoupçonnée de la collision finale, pour apprécier le potentiel d’un réalisateur qui signe là une première œuvre singulière, forte et prometteuse.

Franklyn est disponible en DVD et plus, en France comme ailleurs, injustement ignoré de tous.

- Article paru le mercredi 8 septembre 2010

signé Akatomy

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