Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Japon

Gendai Ninkyô-shi

aka Gendaininkyôshi - Gendaininkyoushi | Japon - 1973 | Un film de Teruo Ishii | Avec Ken Takakura, Meiko Kaji, Eiji Gô, Noboru Andô, Mikio Narita, Isao Natsuyagi, Eiko Nakamura, Asao Koike, Asao Uchida, Ryûtarô Tatsumi, Kenji Imai, Shôtarô Hayashi, Kunie Tanaka, Toshiaki Minami, Takuji Aoki, Mineko Maruhira, Aiko Mimasu, Masataka Naruse, Masaharu Arikawa, Takashi Noguchi, Takuzou Kawatani, Kanbi Fujiyama, Eizou Kitamura

Nul yakuza n’échappe à son destin...

Ryôichi Shimatani, patron d’un Sushigin à Ginza, mène une vie paisible dans la capitale nippone. Mais tout n’a pas toujours été ainsi... ex-cadre du Matsuda-gumi, Shimatani avait devant lui un avenir flamboyant au sein de son clan... à la mort de sa mère, il abandonne ses velléités d’en devenir le nouveau chef, et se retire du milieu de la pègre nippone tandis qu’Hatsuharu, l’un des fils du fondateur du clan, prend la relève...
Les années passent. Kurita, membre éminent du Nagai-gumi d’Osaka, se rend à Tôkyô pour faire une proposition aux chefs de la capitale japonaise ; c’est Isao Sekiguchi, chef du Sekiguchi-gumi, qui organise la rencontre entre les différents clans. Kurita, dans son désir d’éviter les conflits, propose de s’associer... mais le Matsuda-gumi ne l’entend pas de cette oreille, et pense qu’il s’agit d’une ruse menée contre lui pour que le Sekiguchi-gumi s’octroie un territoire lui appartenant, et que le Nagai-gumi s’implante à Tôkyô... Le Sekiguchi-gumi considère ce refus comme un affront, et provoque le Matsuda-gumi qui se retrouve dans une situation délicate.
Kurita se rend finalement compte qu’il ne fût que le pantin d’un plan machiavélique, et tente d’arranger les choses en allant demander à Yuasa, un politicien, de mettre fin à ce conflit qui risque fort de déraper dans la violence... la tâche n’est pas aisée, car Yuasa est corrompu jusqu’à la moelle. Malgré tout, et grâce aux innombrables efforts de Kurita, l’antagonisme entre les clans semble s’estomper... mais à peine, Kurita a-t-il le dos tourné, qu’il est assassiné. Shimatani reçoit alors un télégramme, dans lequel il apprend que les clans Nagai et Sekiguchi se réunissent chez Yuasa...

...sûr que ce résumé quelque peu alambiqué n’est pas d’une simplicité extrême - et estimez-vous heureux que je vous ai épargné les détails ! Gendaininkyoushi est un vrai film de yakuza dans la plus pure tradition des 70’s... Une intrigue assez typique - la sempiternelle guerre entre les clans qui se battent pour un même territoire -, mais également un vrai héros, un homme un vrai, un dur, un tatoué au grand coeur dont les principes fondamentaux sont l’honneur et la loyauté.
Le yakuza eiga, Genre à part entière au pays du soleil levant, eut sa grande heure de gloire entre la fin des années soixante et la première moitié des années soixante-dix... Le yakuza héroïque, icône tout droit sortie de l’imaginaire des scénaristes de cette époque - attention, je parle du yakuza dans sa forme "moderne" -, image d’Epinal tendant à faire passer le côté "code d’honneur exacerbé" de ces hommes pour de la chevalerie pure et dure, qui sera mise à mal avec l’arrivée de films tel Jingi Naki Tatakai de Fukasaku, le combat étant devenu "sans code d’honneur"... Un coup asséné à un Genre aujourd’hui transformé à jamais, tel le prouvent les nihilistes et sans - aucune - concession Shin Kanashiki Hitman et Onibi de Rokuro Mochizuki dans lesquels la gloire, l’honneur et l’esprit chevaleresque ont bel et bien totalement disparu (le précurseur en la matière étant sans aucun doute le noirissime Jingi no Hakaba de... Fukasaku !)...

Avec Gendaininkyoushi, le grand Teruo Ishii, quatre-vingt-quatre films à son actif réalisés entre 1957 et 2001, réalisateur éclectique à qui l’on doit la cultissime série des Abashiri Bangaichi ou des réjouissances du type Oxen Split Torturing (Tokugawa Irezumishi Seme Jigoku), se comporte en honnête réalisateur-maison pour la Tôei... Ok, l’image du yakuza véhiculée par les films des grands studios nippons durant la période précitée peut paraître fleur bleue, et légèrement tendancieuse... Je ne vous dirai pas le contraire, mais je dois bien avouer que sous son aspect de yakuza eiga "familial", ce Gendaininkyoushi se révèle bien plus pernicieux vis-à-vis du monde de la pègre qu’il n’y paraît au premier abord... Disons que Teruo Ishii pose ici les bases de ce que deviendra le cinéma de yakuza dans les décennies à venir : une poignée d’irréductibles face à un système totalement corrompu, intimement lié à un monde politique vérolé lui aussi. Bref, les derniers héros d’un monde qui en sera bientôt dépourvu...

Pas la peine d’épiloguer sur une dizaine de paragraphes ; Gendaininkyoushi possède la forme classique des yakuza eiga made in Tôei de cette première moitié des 70’s. Les traîtres, les gentils bernés par les méchants, les rapports au pouvoir analysés dans les moindres détails, l’esprit chevaleresque porté à son paroxysme, l’amour, l’amitié, la loyauté... tous les ingrédients sont là pour faire de ce film une ode à l’homo japonicus* dans toute sa splendeur... Et il faut dire que le héros est ici interprété par nul autre que Ken Takakura, l’acteur nippon par excellence, qui campe donc un Shimatani tout en retenue, jusqu’au final où il se transforme en un élément incontrôlable et violent, prêt à tout pour venger les siens. Si à ses côtés l’on retrouve avec un plaisir non dissimulé les plus grands noms du cinéma japonais d’alors, de Noboru Andô (Bakuto Gaijin Butai) à Isao Natsuyagi (Yasei no Shômei), en passant par les excellents Mikio Narita (Tantei Monogatari) et Kunie Tanaka (Rôningai), c’est sans aucun doute la présence de l’immense Meiko Kaji qui peut le plus surprendre dans un personnage à des années lumières de Yuki (Shurayukihime) ou Sasori (Kemonobeya). Katsuko, jeune journaliste qui s’intéresse à l’histoire de Shimatani, va peu à peu succomber au charme du beau ténébreux... Kaji, radieuse puis grave, y est magnifique...

Malgré son statut de film de studio - entendez par là "commercial" - Gendaininkyoushi, relativement typique de toute une époque, possède un lyrisme indéniable sublime et désespéré, dont le final d’une violence inouïe nous montre un Homme qui a choisi de défendre ses idéaux au détriment du grand Amour, en authentique dernier samurai...

* expression empruntée à Muriel Jolivet (Homo Japonicus, publié aux éditions Philippe Picquier).

En VHS (NTSC), chez Tôei Video au Japon.

- Article paru le mercredi 12 mai 2004

signé Kuro

Japon

Seoul

Japon

Le Chemin des lucioles

Japon

Inochi

Hong Kong

Nightmares in Precinct 7

Japon

Electric Dragon 80 000 V

Japon

Le Cimetière de la Morale

articles récents

Chine

Jeunesse : Les Tourments

Hong Kong

Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive

Japon

La Harpe de Birmanie

Japon

La Vengeance de la sirène

Japon

Le Pavillon d’or

Chine

Les Feux sauvages