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Thaïlande

Ghost Game

aka Laa Thaa Phii | Thaïlande | 2006 | Un film de Sarawut Wichiensarn | Avec Pachornpol Jantieng, Kittilak Chulakrian, Wacharin Jinamulee, Chanetphaka Korsuwan, Thanyanan Mahapirun, Taweesak Pamornpol

Ghost Game, c’est le nom d’une émission de télé réalité thaï, qui se propose d’emmener onze participants sur les vestiges d’un camp de concentration des khmers rouges. Réputé hanté par les esprits des innombrables victimes qui y ont trouvé la mort dans les années 70, le lieu est truffé de caméras à même de capter une nuit durant l’inquiétude des concurrents, pour lesquels l’enjeu, fortement rémunéré, paraît simple : être le dernier à perdre la boule sous l’assaut silencieux de spectres monolithiques, dont la télédiffusion ne peut restituer que les conséquences hystériques. Un pitch simplet pour un film qui ne l’est pas moins, et qui s’appuie sur son mauvais goût évident pour se voir interdit au Cambodge, et bénéficier ainsi, aux yeux du reste du monde, d’une réputation de film controversé.

Sauf qu’au delà de cette controverse, visiblement justifiée puisqu’il aurait réellement été tourné dans un ancien camp, Ghost Game se traine surtout une réputation de piètre bobine horrifique – et ce tout autant à juste titre. Mettant en scène des acteurs amateurs issus du vivier « téléréel » thaï, le film de Sarawut Wichiensarn est une somme verdâtre d’inconsistances et de platitudes, qui promène un temps sa Ju-on attitude sans jamais susciter la moindre crainte, rendre justice à la cinégénie ambigüe de son unité de lieu, ou discourir sur les ressorts de la télé réalité.

Plutôt que de s’appuyer sur le potentiel structurant d’une émission fictive, Ghost Game n’y trouve qu’un prétexte fort mal exploité. Le film ne s’emploie pas un instant à semer le trouble quant à l’authenticité de la peur, vécue par les protagonistes et retransmise à la télé, puisqu’il affiche d’emblée ses spectres syndicaux à notre attention, et se préoccupe peu de la perception incomplète, aussi bien de l’équipe qui orchestre cette exploitation historique douteuse, que des spectateurs qui suivent sa diffusion en direct. On s’en remet donc à la persécution fantomatique, explicite et terne, de la quasi-douzaine de concurrents anonymes, qui ne sauraient nous toucher en raison d’une absence totale de caractérisation : c’est à peine si on connaît le nom de chacun. Et si le film dessine rapidement les contours d’une héroïne, survivante d’une supposée édition précédente, il omet de profiter de son statut de vétéran pour lui conférer le moindre avantage face aux évènements ; tout autant qu’il survole l’idée d’une concurrente de mêche avec la production.

Ne reste donc de ce jeu de fantômes qu’une apparition féminine récurrente dans les couloirs et cellules du camp khmer, dont on pourrait penser qu’elle synthétise la projection vengeresse d’outrages passés, mais il n’en est rien. A mi-chemin en effet, Ghost Game troque cet antagoniste lassant contre un autre, encore moins effrayant, en la personne du bourreau autrefois en charge du massacre. Ce spectre ridicule et impassible, qui a tôt fait d’éliminer, hors-champ, l’équipe de production du jeu sans que sa diffusion semble en souffrir (le film ne s’intéresse déjà plus à cette dimension de toute façon), invalide de fait définitivement le dispositif de la narration, autant qu’il contredit la rémanence de victimes instantanément oubliées. Il va sans dire que, tournant de la sorte le dos à son histoire et à l’Histoire, Sarawut Wichiensarn rajoute une couche supplémentaire à la maladresse insultante de son propos incohérent.

On aurait aimé s’en remettre alors à la réalisation et à l’esthétique ; malheureusement la première pâtit d’un choix stupide de plus, de passer la seconde à la moulinette d’un filtre vert hideux, omniprésent. Celui-ci ne résulte pas de la démarche peu scrupuleuse d’un éditeur (cf. notre article sur Dark Forest), mais bien d’une post-production aussi absurde que le métrage qu’elle s’est efforcée de détruire. Le générique de fin achèvera de vous en convaincre : on y trouve, enfin et en dépit du bon sens, la présentation de chacun des concurrents de ce jeu sans saveur (si ce n’est l’arrière-goût de son incorrection politique honteuse). Trop tard : on les a déjà tous oubliés de toute façon - comme le film lui-même !

Preuve que les éditeurs ne soignent pas tous leur ligne éditoriale, Ghost Game est disponible en DVD zone 2 UK, sous-titré anglais, chez Showbox.

- Article paru le lundi 18 octobre 2010

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