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Japon | Animation

Ghost in the Shell 2 : Innocence

aka Innocence - イノセンス | Japon | 2004 | Un film de Mamoru Oshii | Avec les voix de Akio Ōtsuka, Atsuko Tanaka, Kōichi Yamadera, Tamio Ōki, Yutaka Nakano

Batou, cyborg au service de la section 9, cellule anti-terroriste gouvernementale, peine à se remettre de la disparation du Major Kusanagi, diluée dans la « matrice », persuadé que la conscience de celle-ci veille sur lui tel un ange gardien. Avec l’aide de son partenaire Togusa, il enquête sur une série de meurtres commis par des gynoïdes – androïdes d’apparence féminine – à vocation sexuelle, désireux de comprendre comment des machines se sont retrouvées capables de s’affranchir de leur programmation, inhibitrice de toute violence perpétrée sur les humains. Quelqu’un leur aurait-il insufflé une âme ?

Dès ses premières image, Innocence croule sous une profusion de détails : paysages urbains rétro-futuristes, perçus directement ou dans la surface réfléchissante d’une rue baignée par la pluie, d’un sol ou d’une carrosserie de voiture, anatomie éclatée de robot ou cyborg, amoncellement d’interfaces se disputent notre attention avec un flot d’informations vocales, sur telle ou telle scène de crime ou situation. Son action sans cesse perturbée par d’impénétrables dialogues, Innocence nous perd dans une analyse impossible, de détails que l’on ne saurait assimiler. Le diable est dans ces détails, et pourtant comme nous le rappelle Batou au détour d’une incursion de Milton dans les innombrables citations et métaphores qui parsèment les dialogues du film, nous ne sommes pas le diable.

C’est le Major Kusanagi, objet d’Innocence jusque dans son absence, qui livre l’une des clefs potentielles d’une œuvre plus personnelle encore que le premier Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. Les détails, perçus dans le reflet d’un miroir, interface parmi d’autres dans un film qui s’amuse à les décliner à l’infini – homme/machine bien entendu, mais aussi futur/passé, réel/virtuel, informations/représentations – ne sont pas faits pour être scrutés mais entraperçus. Puisqu’au travers de la science, le corps, décortiqué jusqu’à la programmation de l’ADN, n’est autre qu’une machine, l’humanité se définit désormais dans une impression. Cette trace fugitive d’humanité que recherchent les capteurs de Batou, incapable de faire le tri entre hommes et robots, lui-même tellement modifié qu’il ne sait plus ce qu’il est. L’innocence qui donne son titre au film, du fait d’une connaissance empirique, n’est plus possible pour l’être vivant, homme ou machine, désormais apanage de l’inanimé et l’inconscient – les poupées – ou du désincarné – le divin, dont l’abstraction Kusanagi, réincarnée le temps d’un final fulgurant à la réalité indécise, est une évocation. A moins que cette innocence survive chez l’animal, incarné comme toujours par le basset du réalisateur, qui se contente d’être sans savoir, ou prétendre savoir.

Puisque la différentiation entre les hommes et les robots est impossible, puisque l’âme ne peut se percevoir à l’œil nu et que nos yeux nous trahissent sans cesse – en tant que spectateur aussi, étant donné que les protagonistes se parlent sans utiliser leurs lèvres, que leur présence n’est souvent qu’illusion holographique ou simulacre figuratif -, Batou s’est affranchi de ce regard, de l’interface naturel entre la perception et l’analyse, au profit de capteurs électroniques. C’est ce qui lui permet de survivre dans le dédale mis en scène par Oshii, dans la boucle virtuelle d’un ennemi manipulateur, de ne pas se perdre dans les détails. Ses capteurs, de simples disques opaques, sont presque les seules surfaces mates du film, dans lesquelles il n’y a rien à regarder ou percevoir, par opposition avec le détail mimétique des yeux d’une poupée qui clôture Innocence.

On sait que Mamoru Oshii ne réalise pas ses films pour qu’ils soient compris, que lui-même ne donne pas forcément de sens à ses images ou qu’il œuvre exclusivement dans l’intime, laissant à chacun le loisir de comprendre ce qui lui convient, ce qui construit à ses yeux la beauté des images et de leur mise en scène. J’aime à croire que ce regard vierge qui définit Batou constitue le cœur d’Innocence, lieu de la rencontre entre le réalisateur et le spectateur, terrain de possibles dans lequel Oshii nous invite à nous projeter, puisque lui-même s’est projeté, à la limite de la saturation, partout ailleurs. Cette projection, ce regard indéfini, nous permet de ressentir Innocence, de l’apprécier de façon plus ou moins consciente à défaut de le comprendre, de le regarder et le reconnaître alors que l’on est incapable de le voir pleinement. Une compréhension de toute façon fortuite, voire même dommageable, puisqu’elle marquerait, au bout du compte, l’abolition de notre propre innocence.

Innocence est disponible, sur différents supports optiques, un peu partout dans le monde.

- Article paru le lundi 23 avril 2012

signé Akatomy

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