Gloss
« Description d’un monde intérieur coloré par l’illusion et la chimère que perçoit un psychotique. » Voilà comment le propre site du réalisateur Hiroshi Toda décrit Gloss, court-métrage datant de 1985. La phrase est pertinente, et le sujet aussi pour nous lancer dans la rencontre d’un personnage iconoclaste. Toda, la cinquantaine dépassée, est aujourd’hui infirmier en psychiatrie. Oeuvrant dans le milieu hospitalier depuis plusieurs décennies, cela fait plus longtemps encore que l’homme se passionne pour le cinéma. Si son père ne s’était opposé à son entrée à la Toei, il en aurait même certainement fait son travail à temps plein. Toujours est-il qu’aujourd’hui, Hiroshi Toda continue de mener de front deux carrière, partageant son temps entre ses patients et sa caméra. Gloss est un lieu de rencontre entre ces deux activités.
Le court-métrage s’attache en effet aux errances, physiques et psychologiques, d’un personnage anonyme interprété par Toda lui-même. Décrit comme psychotique, le « héros » de Gloss en possède en toutes les caractéristiques. Loin de la réalité, il se perd entre désirs et réalités, naviguant entre le tangible - son enfermement physique - et les hallucinations - sa psychose à proprement parler, symbolisée par un tunnel obscure dont Toda ne parvient à s’échapper, et dans lequel les autres, la société, lui échappent, insaisissables. Simple et peu démonstrative, à la lisière de l’expérimental sans pour autant perdre de vue ses velléités narratives, la caméra de Toda se fait l’instrument de cette absence de dissociation de perception, en réunissant le réel et l’imaginaire au sein des images qui constituent Gloss. Le titre lui-même fait référence aux annotations qui servent à mettre en lumière dans un texte d’une autre langue, des nuances et des contextes trop difficiles à reproduire avec une simple traduction. De la même façon que les chimères du protagoniste seraient trop difficiles à retranscrire en mots, les images du réalisateur servent d’érudit pour la compréhension de cette errance.
Bien entendu, le spectateur est le seul à saisir la nature de l’enfermement du héros de Gloss. Celui-ci, persuadé que ce sont les murs de sa cellule et de l’institut où il se trouve qui le retiennent prisonnier, s’acharne à s’enfuir, tentant de fondre sa brosse à dents pour en faire une clef qui lui assurerait la liberté. Mais de toute évidence, ce protagoniste ne saurait être libre puisque, même soustrait à l’enfermement institutionnel, il reste victime de sa propre chaîne : celle, bouclée sur elle même en forme de ruban de Möbius, de sa culpabilité psychotique. Simple et travaillé, Gloss est un portrait fascinant d’un patient par un homme qui cotoie ses semblables au quotidien. Au-delà de sa démarche cinématographique, épurée et attachée à l’essentiel, il apparaît surtout comme une volonté, profondément humaine et respectueuse, de compréhension de l’autre.
Gloss est disponible en DVD par correspondance uniquement, sur le site de Hiroshi Toda (http://www.skeletonfilms.com). Remerciements à Guillaume Tauveron.


