Godzilla Final Wars
Round 28 : Godzilla vs. Kitamura (aka Ambitious Japan !)
20XX. Dix monstres gigantesques apparaissent simultanément aux quatre coins du Monde ; Paris, Tôkyô, New-York, Sydney, Shanghai... Nul n’est épargné, et en l’espace de quelques minutes le chaos et l’horreur s’installent sur Terre. La coallition mondiale n’est pas en mesure de perdre du temps en paroles ; toutes les unités de l’Earth Defence Force sont donc deployées quasi-instantanément sur le globe afin de sauver l’humanité. L’EDF a créé une arme ultime pour défendre les intérêts du genre humain ; la Chikyûboueigun, une armee de mutants censée être capable de terrasser l’ennemi le plus innatendu et le plus redoutable... Mais, tandis que la force de frappe mondiale perd peu a peu ses commandos les plus expérimentés, un immense OVNI sorti de nulle part, extermine en un clin d’oeil les dix monstrueuses creatures... Ces sauveurs inespérés sont les X seijin, une race extra-terrestre dont l’évolution depasse de plusieurs millions d’années la nôtre. Ces nouveaux amis de l’humanité proposent au gouvernement mondial de signer un traité de paix entre les deux peuples... Shinichi Ozaki, l’un des guerriers-mutants, et Miyuki Otonashi, une jeune scientifique, sentent que quelque chose se trame derrière ces étranges évènements et décident d’en avoir le coeur net en organisant une rencontre avec les X seijin... Pendant ce temps, à des milliers de kilomètres de là, Godzilla, endormi sous les glaces de l’Antarctique, est réveillé par le brouhaha fait sur Terre...
Final Wars ; sous ce titre on ne peut plus explicite, se cache le vingt-huitième épisode de la mythique saga Godzilla débutée cinquante ans auparavant. Pour fêter dignement le demi-siècle du gros lézard radioactif, la Toho a donc décidé de faire les choses « en grand », et de confier la realisation de cet ultime opus a Ryuhei Kitamura, realisateur hype s’il en est... Qu’on le veuille ou non, il faut bien avouer qu’il existe un « phénomène Kitamura » ; pourtant, à l’exception de la très agréable surprise que constituait son Versus lors sa sortie, je dois dire qu’en ce qui me concerne je suis très loin de penser que l’homme est un genie du 7ème Art, et ce ne sont pas le Lelouchien Azumi et ses acteurs en roue libre, ni le trop long, pompeux et nombriliste Aragami ou encore Alive, qui reste à ce jour pour moi une véritable énigme cinématographique, qui me feront penser le contraire... Alors evidemment, Kitamura aux commandes d’un projet d’une telle ampleur, relativement loin de son univers habituel cela peut faire peur, ou suivant le côté de la barrière où l’on se place, faire baver d’impatience. Bref, Final Wars, ou quand le cinéaste de la pose s’attaque au mythe de la Toho...
Mais par où donc commencer ?!... empétré dans mon agacement face à la manière de filmer de Kitamura, les premières minutes du film me sont quasi-insoutenables, lorsque soudain, je comprends... en une saynette qui montre l’entraînement des mutants, Kitamura explose tous mes repères : Final Wars tient tout autant de l’hommage que de la parodie, voire de la farce ! Pendant plus de deux heures, Kitamura va s’évertuer à détruire tous les codes établis depuis cinquante ans pour recréer un Genre unique et éphemère, de toutes pièces. Cette courte séquence transforme l’entraînement militaire en une chorégraphie a en faire frémir les fans hardcore de Franky goes to Hollywood et Bronsky Beat, musique 80’s à l’appui ! En parlant de la musique, elle tient ici une place importante voire primordiale -oscillant entre bande son de jeu vidéo et dance technoide dâtée- quant au ressenti du film par le spectateur ; composée en partie par Keith Emerson -quand meme !- qui semble ne pas s’être sorti -volontairement ?- des années quatre-vingt, avec une partition quasi-exclusivivement synthétique qui renforce l’aspect quelque peu désuet de certaines parties du film...
Désuet ? Oui ! Le film a beau avoir des allures de superproduction internationale, de nombreux effets spéciaux sont tout simplement et ouvertement cheap... évidemment, ce type d’exercice de style est perilleux car pris au premier degré, Final Wars aurait tout d’un énorme et lamentable nanar friqué...
Fait assez peu commun dans l’univers du Kaijû moderne, Final Wars est drôle. Un humour certes potache et lourdingue, proche d’un certain type de films d’actions américains des années quatre-vingt/quatre-vingt-dix (Predator, Commando, Dark Angel...) avec quelques répliques bien placées ci et là, justement le plus souvent par le gaijin de service, interprete par Don « The Predator » Frye, un joli bebe bien connu des amateurs de K-1, Pride, UFC et autres réjouissances pour jeunes filles en fleur. Casting heteroclyte, puisque le héros, Shinichi Ozaki, est campé par Masahiro Matsuoka, batteur du groupe Tokio, qui est tout simplement excellent, quant a la jeune et jolie scientifique très brillante, c’est la charmante Rei Kikukawa (Gun Crazy 2 - Uragiri no Banka) qui lui prête ses traits, et dans le rôle d’Anna, sa grande soeur journaliste, on retrouve la belle Maki Mizuno, régulière du petit écran matinal nippon.
...nous sommes d’accord, plus de deux heures pour un Kaijû eiga c’est assez long par rapport aux classiques du genre ; sachant qu’en plus, Kitamura est certainement l’un des réalisateurs qui gère le moins bien le rythme de ses films, on est en droit de s’inquiéter. Et bien, il s’en sort relativement bien avec les séquences de non action, et évite de nous gaver de ses sempiternels travellings circulaires ; ici, il s’amuse, et meme si l’on a droit à quelques rares phases un tantinet longuettes, l’ensemble se suit sans ennui... Kitamura semble prendre tellement de plaisir a faire dans le n’importe quoi pleinement assumé, que la quasi-totalité des séquences mettant en scene ses deux héroïnes (Rei Kikukawa et Maki Mizuno, mini-jupe/talons auguilles en toutes circonstances !) débute par des amorces de plans fétichistes à 200% sur les jambes de ses comédiennes, ou au choix, sur leur croupe, ou encore sur les talons de leurs chaussures. Classe Ryuhei ! En plus de ca, Kitamura se joue de toutes les conventions et du politiquement correct, brisant de l’humain à la pelle, dans des séquences de panique et de tuerie... à mourir de rire ! Mysanthrope le Ryuhei ?
...si les fetichistes en ont pour leur argent, les adeptes de gros monstres sont également à la fête puisque pas moins de quatorze bébêtes -sans compter Godzi- sont au rendez-vous, de Mothra à Rodan, en passant par Gigan, Monster X ou encore Keizer Ghidorah... mais la palme revient à Minira, fiston de Godzi dont l’aura, le talent et la photogénie eclipsent momentanément le héros de la Toho !
Ok Kitamura s’eclate avec ses acteurs (Kazuki Kitamura en tête), et ose une mise en scène outrancière et relativement extrême dans certains de ses partis pris ; mais c’est lors des séquences d’action qu’il laisse alors éclater toute sa verve filmique, sans pudeur ni retenue, et parvient notamment avec la scène du « duel a moto », à repousser les limites du cinéma d’action dans des retranchements inimaginés jusqu’alors, le tout filmé dans un scope magistral qui redonne tout son sens a l’expression « grand spectacle ». Kitamura a osé, là où de nombreux autres réalisateurs se seraient peut-etre fondus dans le moule... Inconcevable pour beaucoup, Final Wars fait partie de ces films qui, tout comme Battle Royale II, se situent sur un fil entre lamentable et génial, divisant forcément les avis en jouant dangeureusement sur une pente glissante qui necessite une bonne dose de quinzième degré...
En realisant Final Wars, Ryuhei Kitamura atteint un certain point de non retour ; en brisant la matrice originelle du Kaijû eiga, il enterre le Genre à tout jamais... Film paroxismique, excessif et jouissif, à mi-chemin entre l’hommage et la parodie, baroque et joyeusement bordélique, ce vingt-huitième opus des aventures du lézard radioactif est un chef-d’oeuvre, un Kaijû inimaginable et improbable qui ne ressemble à rien d’autre malgré ses nombreuses références, renvoyant cinquante années d’histoire cinématographique aux oubliettes, si l’on excepte le magnifique pamphlet anti-militariste de Honda. Le Kaijû est mort, vive Kitamura !
En salles au Japon depuis le 4 decembre 2004 ; sortie française le 31 août 2005.







