Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Taiwan

Goodbye, South, Goodbye

Taiwan / Japon | 1996 | Un film de Hou Hsiao Hsien | Avec Hsiang Hsi, Kuei-Ying Hsu, Annie Shizuka Inoh, Jack Kao, Ming Kao, Ming Lei, Pi-tung Lien, Giong Lim, Vicky Wei

Goodbye, South, Goodbye est un film bancal. Véritable tour de force visuel, foisonnant d’idées au niveau de la réalisation, il pêche malheureusement sur le plan narratif, par manque d’une vraie histoire et d’un scénario plus consistant. Peut-on captiver le public uniquement sur la forme d’un film, en l’épurant totalement de ce qui peut en être le fond ? Le rythme imprimé par le cinéaste, les plans composés, les images capturées peuvent-ils suffire à donner vie à l’œuvre sans intéresser le spectateur à l’histoire, tellement son fil directeur est mince, voire inexistant ? La réponse est oui, même si vers la fin, le film peine légèrement à tenir la distance.

On suit ici les tribulations d’un groupe de petits malfrats taiwanais - Jack Kao, le chef, Tête d’obus et Patachou, ses acolytes - qui tentent de survivre dans une époque qui change et qui se perdent dans leurs combines, leurs peines de cœur et leurs souffrances.

Ce qui frappe de prime abord, c’est l’aspect presque documentaire de nombreuses scènes du film (et en particulier du début). L’absence de musique ou d’ambiance sonore (la prise de son semblant même directe), une caméra objective qui reste le plus souvent à hauteur des personnages suivis (parfois à l’épaule) et l’impression de fouillis qui règne dans des scènes banales de vie quotidienne (repas, brossage de dents, ...), tout concourt au réalisme et à cette illusion de reportage. Elle donne du poids au film et confirme la réputation de Hou Hsiao Hsien, cinéaste social. Comment ne pas voir alors dans ce film la description d’une génération perdue, qui peine à évoluer avec un monde qui ne les attend pas ? La révolution technologique a transformé Taiwan et Jack Kao le gangster fait les frais de cette modernité agressive.

Ce décalage est montré à travers deux objets : le train, omniprésent dans la campagne, qui représente le passé (et, pour Kao, une certaine idée du romantisme) et le téléphone portable, outil indispensable aux affaires qui s’inscrit définitivement dans le présent. Un décalage visible aussi dans les relations de Taiwan avec la Chine communiste. Là où les liens étaient encore forts pour les "anciens", dont l’espoir d’un retour dans un pays libre est tenace (Kao veut accompagner son père à Shanghai et y ouvrir un restaurant), ils le sont de moins en moins aujourd’hui. Taiwan se dote régulièrement d’armes pour défendre son indépendance et son occidentalisation est très avancée par rapport à la Chine continentale (les rares morceaux musicaux qui accompagnent le film ont une sonorité hard-rock très peu orientale). Il est d’ailleurs amusant de remarquer que Hou Hsiao Hsien adopte comme point de vue sur cette société précisément celui des hommes qui en sont en marge.

De magnifiques scènes mettent en valeur les déboires de ces marginaux. Les discussions entre Kao et sa maîtresse, Ying, sont de véritables tournants du film, du point de vue de l’histoire et de la réalisation. La comparaison qu’on ne manque pas de faire entre Kao et Ying, intelligente et rationnelle, tourne inévitablement au détriment du gangster raté et montre l’étendue de son échec : échec à être un bon fils, un bon truand, un bon restaurateur et un bon amant... La manière dont sont filmées ces conversations va dans ce sens. L’attirance sexuelle entre les deux êtres est perceptible (même si aucun acte n’est montré) : promiscuité des corps nus et obscurité qui entoure la scène, éclairée à la bougie au plus près des amants. Pourtant, la mise en place de filtres, de barrières (Ying regarde Kao à travers une boule de verre ou lui parle alors qu’il est hors-champ dans la salle de bains), la gêne et les silences qui peuplent ces moments d’intimité montrent l’échec de leur relation.

Hou Hsiao Hsien utilise de tels filtres (rouges et verts notamment) dans plusieurs scènes. La raison, pas immédiatement évidente, semble double. D’abord, c’est la subjectivité du point de vue qui force la mise en place de ces filtres (Tête d’obus porte en permanence des lunettes colorées et c’est son regard qui est porté à l’écran). De manière générale pourtant, ils montrent bien la nécessité pour les personnages de transformer l’image, de modifier la réalité pour la rendre plus supportable, et là encore, plus "romantique". Nos héros ne sont pas en phase avec leur époque, et le cinéaste utilise un moyen original pour nous le faire ressentir : il filme les divers déplacements de ses héros en caméra fixe ou stable (c’est à dire embarquée et immobile, généralement tournée vers l’arrière, le passé) et les moments de repos ou d’attente (repas, conversations, instants intimes) avec une caméra en mouvement (à l’épaule ou explorant l’espace grâce à une louma). Cette alternance ajoute au rythme inhabituel du film (très relaxant, les scènes d’action ou de transit en devenant presque méditatives - tel le plan séquence magnifique du voyage en moto, où la joie de conduire prend le pas sur le trajet lui-même et sa destination finale). Un rythme basé sur celui d’un train, le tempo d’une chanson punk, bref, le rythme d’une vie. Désespérant, le réalisateur bloque tout échappatoire, puisqu’on ressent constamment un fort statisme, y compris dans les déplacements.

Un pessimisme qui se retrouve dans la très belle fin du film, ambiguë mais qui marque clairement une mort. La mort d’une époque, d’une certaine idée de Taiwan (l’adieu au Sud du titre marque la victoire de l’urbanisation et de la technologie sur la ruralité dans cette région), ou bien celle d’un homme ? A condition de jouer le jeu et d’apprécier le travail minutieux de la mise en scène, chacun y trouvera sa propre conclusion. Quant à ceux qui privilégient l’équilibre entre réalisation et scénario, ils seront certainement un peu déçus par le film. Reste le plaisir immédiat qu’en procure la vision...

Goodbye, South, Goodbye vient de sortir en DVD zone 2 dans la collection Découvertes Asie de MK2. Comme pour Cure, le DVD ne s’embarrasse pas de nombreux suppléments (bandes annonces de la collection et préface de Thierry Jousse). Reste que le film est proposé au format anamorphique et en VO (5.0) sous-titrée français (hormis certains dialogues, bizarrement). Même si le master est parfois un peu sale, de belles couleurs et un très bon contraste en font la copie de référence en DVD (zone 1 et zone 3 non anamorphiques).

Comme pour Cure, un grand merci à Jean-Baptiste Péan des Editions MK2 pour le DVD de Goodbye, South, Goodbye.

- Article paru le jeudi 26 septembre 2002

signé David Decloux

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