Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Japon

Gosses de Tokyo

aka 大人の見る絵本 生れてはみたけれど, Otona no miru ehon : Umarete wa mita keredo | Japon | 1932 | Un film de Yasujirō Ozu | Avec Tatsuo Saito, Tomio Aoki, Mitsuko Yoshikawa, Hideo Sugawara, Takeshi Sakamoto

Les Mistons.

Un employé de bureau s’installe avec sa famille dans la banlieue de Tokyo où habite son patron. Les premiers contacts de ses deux fils avec les autres enfants vivant dans le voisinage ne vont pas sans heurts. Après avoir découvert que leur père fait le pitre pour amuser et bien se faire voir de son patron, les deux garçons lui demandent des explications. Insatisfaits de sa réponse, ils débutent une grève de la faim en guise de protestation.

Comment des enfants fraîchement débarqués dans un nouveau quartier, ici une banlieue de Tokyo, peuvent-ils se faire accepter ? Ozu fait appel à un schéma scénaristique classique pour un film sur la jeunesse. Les frères décident de faire l’école buissonnière après s’être fait damer le pion par les gosses du quartier, au grand dam de leur père.

Leurs mimiques, les situations dans lesquelles ils se mettent, leurs trucs de gamin - le chef de la bande possède un super pouvoir : quand il pointe du doigt l’un des membres, ce dernier doit s’allonger, dans la poussière s’il le faut, sans demander son reste – sont autant de détails qui captent l’essence même de l’enfance.

Chacun se reconnaîtra, reconnaitra un frère, une sœur ou une connaissance dans ces comportements. Plus de 90 ans après sa sortie en salles, Gosses de Tokyo nous charme par sa fraicheur et sa spontanéité.

Ce film sur l’enfance des plus classiques prend ensuite une tournure plus sérieuse. Il se transforme en une attaque contre l’autorité, pilier de la société japonaise. Les deux fils ne comprennent pas pourquoi leur père - qui leur demande de se comporter correctement pour devenir des gens importants - agit comme un gamin pour s’attirer les faveurs de son supérieur. Ils sont piqués au vif dans leur amour propre. Mon père est le plus fort, il est plus important que le tien... Les enfants, et pas seulement ceux sur celluloïd, idéalisent leur père.

Ces deux sociétés, celle des enfants et celle des adultes, entrent en conflit, chacune ayant ses propres codes et sa hiérarchie. La force et l’intelligence, qui triomphent dans la première, ne sont plus suffisantes dans la seconde.

Ce thème de la rébellion contre l’autorité est tout sauf anodin en ce début des années 30, époque de la montée en puissance de l’autoritarisme nippon, qui débouchera sur la guerre contre les États-Unis et l’écrasante défaite du Japon.

Le génial sens du cadrage du cinéaste japonais commence à se deviner et le style qui le rendra justement si fameux dans l’après-guerre n’est encore qu’esquissé. Les mouvements de caméra sont encore nombreux, avec en particulier un certain goût pour les travellings. Certains éléments de son cinéma sont déjà présents à l’écran dans la mise en image de la banlieue japonaise où il se situera plusieurs de ses films : les trains de banlieue passent en arrière plan, le linge à sécher... Mais entre Gosses de Tokyo et le remake en couleur de 1959, la banlieue a changé : les maisons sont les unes sur les autres et une seule motrice n’est plus suffisante pour conduire tous les salarymen à leurs bureaux.

Gosses de Tokyo est sorti en Blu-ray chez Carlotta Films. Il contient en supplément Bonjour, le remake de 1959 de Ozu en couleurs !

- Article paru le vendredi 23 mai 2025

signé Kizushii

Japon

Contes cruels de la jeunesse

Thaïlande

Pen-ek Ratanaruang

Hong Kong

The Bare-Footed Kid

Chine

’Til Madness Do Us Part

Thaïlande

Last Life in the Universe

Taiwan

Three Times

articles récents

Chine

Jeunesse : Les Tourments

Hong Kong

Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive

Japon

La Harpe de Birmanie

Japon

La Vengeance de la sirène

Japon

Le Pavillon d’or

Chine

Les Feux sauvages