Gun Woman
Son contrat terminé, un tueur à gages rejoint le chauffeur embauché pour le conduire à son point d’extraction, à Vegas. Puisque la route est longue, les deux hommes se mettent à échanger des anecdotes professionnelles. Ils s’étendent tout particulièrement sur l’histoire, réelle ou fantasmée, d’un certain “mastermind”, docteur nippon dont la femme a été violée et tuée sous ses yeux par le fils dégénéré d’un homme politique de l’archipel. Le rejeton, nécrophile et cannibale, sévit désormais tranquillement au pays de la liberté, trouvant cadavres à son goût dans l’anonymat de “The Room”, club select au milieu du désert, caché dans une décharge de déchet radioactifs et spécialisé dans les plaisirs post-mortem. Pour se venger, le mastermind aurait acheté une junkie, pour la contraindre à la désintox et la transformer en arme mortelle, avant de lui dévoiler son plan machiavélique...
Étrange cas que celui du Gun Woman de Kurando Mitsutake, qui incarne à la fois le meilleur et le pire du cinéma indépendant passionné. Il y a là en effet autant matière à s’extasier qu’à se recroqueviller dans une douleur post-Hollywood Night, le film naviguant entre le v-cinema d’exception, incarné avec férocité par une Asami exceptionnelle, et l’actionner cheap des années 80, guitare électrique à faire mouiller Mike Post et theme song éponyme (co-chantée par Asami elle-même !) à l’appui. Le spectateur ressent bien dans les ralentis et l’emballage meta (le chauffeur caractérise lui-même l’histoire du film comme ressemblant à un manga japonais déjanté), une passion sincère pour un certain cinéma d’exploitation simpliste, mais ce n’est toutefois pas le même que celui que lui oppose constamment Mitsutake, et au sein duquel brille l’actrice AV révélée au grand public par Noboru Iguchi (Oira Sukeban, The Machine Girl, RoboGeisha, ...).
En effet, Gun Woman s’appuie de tout son poids sur l’incroyable présence d’Asami à l’écran. Le corps de l’actrice, son regard, sa physicalité, n’ont jamais été exploités pour exprimer un tel acharnement bestial. Kurando Mitsutake fait reposer la crédibilité toute entière de son scénario aberrant sur les épaules de la jeune femme, sans lui faire dire un mot, et elle le lui rend bien : peu de films fauchés peuvent se vanter d’être habités de la sorte. Le final du film, qui justifie son titre, oppose Asami nue et vulnérable aux occupants de “The Room”, et fascine par le dévouement total de l’actrice au propos.
Le fait qu’il lui oppose alors notamment le fétichisme cheap d’une mercenaire en latex déshabillé et kevlar est d’autant plus déconcertant, mais synthétise parfaitement la dualité du film : au sein de Gun Woman cohabitent deux visions du women with guns, l’une racoleuse et risible, l’autre dépouillée et féroce. D’un côté la scène d’amour au ralenti, de l’autre l’image incroyable et frigide d’un homme piégé par l’explosion de son propre fusil, son visage et ses mains en miettes. Tout Gun Woman est ainsi partagé entre noirceur démesurée (tout ce qui tourne autour du psychopathe incarné par Norioki Kamara) et violence maladroite et érotisme de papier glacé. Difficile toutefois de douter de l’honnêteté de l’ensemble ; mais c’est comme si Mitsutake faisait le grand écart entre deux décennies, le cul entre les eighties US et la fin des années 90 du v-cinema nippon, avec en prime la méchanceté de notre millénaire désabusé. Nous retiendrons bien entendu de l’ensemble le substrat Asami, sincèrement époustouflant.
Gun Woman est, entre autres, disponible en Blu-ray aux USA, sous-titré anglais.





