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Japon | Animation

Haibane Renmei

aka Ailes Grises | Japon | 2002 | Une série réalisée par Tomokazu Tokoro | Scénario de Yoshitoshi ABe

A l’intérieur de l’enceinte de la ville de Gumi, dans la Vieille Maison, les Ailes Grises (« Haibane »), dotées d’ailes et d’auréoles, vivent un quotidien paisible, rythmé par l’attention pour leur prochain. Reki, l’une des plus anciennes résidentes, découvre dans la bâtisse un cocon. De celui-ci sort une jeune fille déjà adolescente. Si elle ne se souvient plus de son identité ni de son passé, l’adolescente se souvient qu’à l’intérieur du cocon, elle rêvait qu’elle tombait. D’où son nom de Haibane : Rakka (« chute » en japonais). Ses ailes poussent et son auréole ne tient d’abord pas toute seule, et Rakka doit s’habituer à cette vie nouvelle à Gumi, protégée par un mur qu’il est interdit à tout habitant, humain ou Aile Grise, de franchir ou même de toucher, sous peine d’être puni par la Fédération, la Haibane Renmei...

Le nom de Yoshitoshi ABe est indissociable de l’animation contemporaine japonaise, puisqu’il est relié, au travers de son somptueux character design, à la réussite novatrice que représente, encore aujourd’hui, le Serial Experiments : Lain de Ryutaro Nakamura, ainsi qu’à celle, plus simple mais non moins remarquable, de NieA under 7 (NieA_7). Haibane Renmei marque une étape importante dans la carrière de cet artiste surdoué, puisqu’il s’agit de la première série dont il a écrit le scénario, à partir de son propre manga paru dans un fanzine (« Dojinshi ») japonais. ABe retrouve ici pour l’occasion le réalisateur Tomokazu Tokoro, déjà à l’œuvre sur NieA_7, avec laquelle Haibane Renmei partage de nombreux points communs.

Comme cette fantastique série de « domestic animation », l’histoire de Rakka est avant toute chose celle d’un quotidien, certes iconoclaste, mais dont les mécanismes sont simplement ceux de la vie : la rencontre de son prochain, l’accomplissement de tâches, ménagères et professionnelles, au service des autres, l’identification de chacun au travers de sa confrontation au monde extérieur... A l’opposé de la quasi-totalité des mécaniques narratives occidentales, et de bon nombre de séries d’animations japonaises, celle de Haibane Renmei ne joue sur quasiment aucun suspense ou autre trame. Il s’agit ici simplement, de se laisser porter par les personnages, seuls vecteurs d’intérêts. Et dans ce domaine, le duo Tokoro/ABe excelle : les Ailes Grises, si elles sont au centre du mystère que représente leur nature et leur existence, ne sont pas utilisées comme des bêtes curieuses dont il faut à tout prix saisir l’essence. Il est bien plus important comme le prouve la réalisation de la série, de s’attarder sur les détails simples, humains, qui caractérisent chacune d’entre elles, et font de cet univers esquissé à grands coups de petits riens, une merveille de poésie.

Bien entendu, Haibane Renmei se base tout de même sur les questions de Rakka, confrontée au cycle de vie des « anges » de la Vieille Maison, pour raconter une histoire. Mais celle-ci n’est pas plus celle de Rakka que celle de la Fédération ou de la ville de Gumi. La série imaginée par Yoshitoshi ABe est en effet une série altruiste, dont l’histoire ne s’assimile pas à son sujet. Rakka est un vecteur, un appui pour l’envol des autres personnages et plus particulièrement celui de Reki. Bien qu’elle soit au cœur de la narration, ce n’est que parce qu’elle permet de mettre en avant aussi bien son environnement que les autres personnages.

C’est là l’incroyable leçon, de narration et de vie, de cette série hors du commun, douce et puissante à la fois, à l’image du fabuleux générique composé par Kô Ôtani. Elle rappelle que nous n’existons qu’au travers des autres ; non seulement par le biais du regard qu’ils portent sur nous, mais de l’aide, explicite ou implicite, que nous leur apportons, afin de les définir en retour. Haibane Renmei est une série généreuse, qui accepte de mettre son héroïne et ses interrogations au second plan pour permettre à un autre personnage d’exister et de trouver sa voie. Quelque part, c’est une œuvre qui s’oublie elle-même, au profit des autres, des spectateurs. Un tel trésor d’animation se chérit, et mérite, dans une époque où les mécaniques de twist et de cliffhanger empiètent de plus en plus sur le développement des personnages, toute l’attention des créateurs d’univers. Car dans son altruisme, qui permet à chacun d’entre nous de puiser autant que de donner de l’émotion, Haibane Renmei gagne une consistence que peu d’univers visuels, aussi sobrement délimités, peuvent se targuer de connaître.

Haibane Renmei est disponible en DVD zone 2 français dans un superbe coffret 4 DVD concocté par Dybex. On ne saurait trop remercier l’éditeur pour cette édition anamorphique, accompagnée de plus d’un livret de 32 pages qui nous en apprend un peu plus sur la génèse de cette série, improvisée en cours de production.

- Article paru le vendredi 28 octobre 2005

signé Akatomy

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