Hard Revenge Milly
Ce sont de doux souvenirs d’excursions en famille qui ouvrent Hard Revenge Milly, rapidement éclipsés par une fulgurance gore, ultra-violente. La vie de Miki Mizuno a basculé au cours des deux années qui séparent ces extrêmes dont elle est le vecteur commun ; deux années qui ont vu le Japon céder à la dérégulation des armes à feu, ployer sous la prolifération de la violence et se transformer, dépeuplé, en vestige post-apocalyptique. Appréhender cet état de fait demande d’extrapoler, un peu, le générique discount du film de Takanori Tsujimoto, qui se limite à deux-trois cartons et autant de plans fixes, fugitifs, d’un Japon en ruines et balayé par les vents. Mais ce collaborateur de Mamoru Oshii ne cherche pas à rivaliser avec les visions haute def de la fin du monde à l’américaine. En retrouvant la capacité suffisante d’évocation des peintures sur verre d’antan, Tsujimoto justifie simplement l’économie et la violence de son cinéma à venir. Miki Mizuno y incarne Milly, substrat du rape revenge à l’aube du raz de marée Yoshihiro Nishimura, désireuse de venger la mort de son mari et de son bébé, ainsi que les outrages que lui ont infligés les Jack Brothers ; pas vraiment nos Frères Jacques, vous l’aurez compris...
Même si je suis ravi de sa générosité frénétique, je dois bien reconnaître que l’exotisme exhaustif qui a abouti à la création du label Sushi Typhoon a quelque peu banalisé aujourd’hui, la violence extrême et grotesque à laquelle Yoshihiro Nishimura aime tant prêter main forte. (Re)voir Hard Revenge Milly rappelle pourtant que, il n’y a pas si longtemps, les machine girls et consœurs étaient rares, leurs exactions autant de transgressions qui s’épanouissent très bien dans une certaine parcimonie. Le moyen-métrage de Takanori Tsujimoto développe certes moins d’idées qu’un Vampire Girl vs Frankenstein Girl, mais chacune du coup, bénéficie d’une inertie plus importante, récompense plutôt que dû aux yeux du spectateur. N’allez pas croire que je n’attende pas avec impatience de me repaître de la surenchère annoncée d’un Helldriver ; cependant, comme toutes les choses simples, l’économie à laquelle Miki Mizuno prête ici son charme et ses talents, non contente d’être diablement maitrisée et efficace, a quelque chose de proprement rafraichissant.
Soit ; le terme « rafraichissant » n’est peut-être pas le plus apte à décrire une sombre histoire de viol, mutilation, meurtre et infanticide (particulièrement sec et infâme), qui débouche sur une spirale de violence vengeresse. Pourtant, la façon qu’a Miki Mizuno d’incarner la désinvolture meurtrière de Milly, entre l’humour pince sans-rire, l’hystérie retenue, la douleur maternelle et la posture cool (cuir et mèche aidant), donne à Hard Revenge Milly une identité toute particulière, qui lui permet de passer du sordide au grotesque, de l’odieux au comique, avec aisance. L’image du film est loin d’être splendide, pourtant Miki Mizuno l’éclaire à chaque instant de sa présence, qu’elle soit impassible ou lancée corps et âme dans un duel au sabre, au poings et aux pieds. Plus que sur les excès graphiques qui font son charme, Hard Revenge Milly s’appuie tout entier sur son héroïne, qui le lui rend bien, faisant passer la pilule d’un genou transformé en fusil, d’une main coupée en guise de pinceau, autant que d’une mutilation interminable ou d’aptitudes martiales exagérées. Peu d’actrices peuvent ainsi incarner, sans le soutien d’une production d’envergure, le fantasme condensé d’une cinéphilie d’exploitation. Miki, elle, le fait sans même donner l’impression de jouer.
Certes, ce n’est pas elle qui donne à Tsujimoto un sens impeccable du rythme et de la mise en scène, du cadrage et du combat, déployé sans étirement sur quarante et quelques minutes, et elle n’est pour rien dans l’imaginaire toujours fascinant de Nishimura - exprimé à l’époque, en ombre projetée, avec une restreinte maline et pleine de possibles. Mais Miki Mizuno, comme Eihi Shiina dans Tokyo Gore Police, participe à l’entreprise de son réalisateur, annoncée dès le début du film, de travestir des contraintes en atouts : constamment légitimé par sa seule présence, Hard Revenge Milly n’est jamais limité, mais simplement suffisant. Et nécessaire, forcément.
Hard Revenge Milly est disponible en DVD en Japon, sans-sous titres, mais aussi aux USA et en Angleterre, sous-titré anglais, pas cher et accompagné de sa suite, Hard Revenge Milly : Bloody Battle.