Harpoon
Allemandes mûres en quête de chair fraîche et membrée, français bourré et autres japonais détestables, dont une assistante personnelle corvéable à merci… voilà quelques personnages parmi d’autres, qui composent la piètre cargaison humaine du navire de Gunnar Hansen, revenu trainer ses guêtres en lisière de la désolation industrielle de Reykjavik. Si ces vilains drilles larguent l’amarre dans les eaux du pays de Björk, allègrement massacrée par le thrash indus de Ragnheidur Gröndal and Dr. Spock à la bande son, c’est pour tenter d’apercevoir quelques baleines, les rafiots du coin étant réduits à autant de promène couillons depuis que la chasse au cétacé est passée de droit. Un exploit du coq éméché plus tard, notre bon Capitaine Gunnar trône sur le pont du piège à touristes, empalé. Le second met les bouts, certainement fâché d’avoir échoué à violer l’une des jeunettes en goguette, et les touristes, qui n’ont pas vu l’ombre d’un mammifère marin, se retrouvent seuls en mer sur un bateau en rade. Heureusement, un rafiot leur vient en aide. Malheureusement, plutôt que de les ramener sur la terre ferme, le sauveur les entraîne sur son baleinier reconverti, faute de mieux, en abattoir, aux mains de sa famille de dégénérés.
Avec Harpoon, Júlíus Kemp tente d’offrir à l’Islande non seulement son premier film d’horreur, mais aussi un hommage au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper – comme l’explicite assez clairement le titre original du film, Reykjavik Whale Watching Massacre. Bien que l’aridité texane ait laissé placer à l’humidité islandaise, les références fusent et pas qu’au générique – Gunnar Hansen, originaire de Reykjavik et dont la présence n’est donc pas que le fruit d’une démarche marketing, est célèbre pour avoir endossé le rôle de Leatherface – comme en atteste le pseudo-handicapé qui escorte les passagers sur le port, cousin septentrional de l’autostoppeur Nubbins Sawyer, ou l’attitude générale de la famille de tueurs. Différence majeure toutefois, alors qu’Hooper parvenait à donner corps sympathiques à ses personnages pour mieux profiter de la persécution de Sally / Marilyn Burns, Kemp ne se donne pas ce mal. Ses victimes choisies sont à peine esquissées, et le trait ne s’intéresse à rien d’autre que leurs insupportables travers.
Du coup, difficile d’éprouver devant Harpoon la moindre crainte, puisqu’on n’aspire qu’à voir tout ce petit monde s’éteindre. On regarde le bodycount grandir comme on feuillette les pages d’un catalogue de sévices au coin du feu, et force est d’avouer qu’on s’amuse du parti pris du réalisateur, d’enchaîner les incongruités. Harpoon pâtit autant qu’il jouit d’un enchaînement d’idées grotesques, et ce qu’il perd en inertie, il le gagne en enthousiasme simplet. Du vilain nippon stoppé au harpon (qui pendra ensuite tout le film contre la coque, l’une des belles images bucoliques capturées par Kemp), à l’assistante/esclave qui transforme sa patronne en bombe humaine avant d’affirmer sa duplicité pleine de ressources, Harpoon nous régale à sa façon, malbouffe d’un survival qu’on a connu plus gourmet. Et lorsque le métrage se conclut ou presque, sur la stupidité d’une blonde qui tente de tuer un orque au canif, avant de lui balancer une ancre qui causera sa perte sous-marine, c’est le sourire qui l’emporte dans le grand nord. Ajoutez quelques têtes explosées, une grillade humaine, un coming out insoupçonné et une resucée dans les formes du final de Night of the Living Dead – histoire de nous faire croire que l’on baigne dans le social et d’en rajouter au désœuvrement des ex-chasseurs de baleines réduits à la fabrication de cétacés miniatures -, et Harpoon, bien que très imparfait, s’ancrera gentiment dans un coin de votre archive neuronale, pour une raison autre que sa singularité culturelle : sa générosité mutante.
Harpoon est disponible depuis peu en France, en DVD et Blu-ray, chez ICO. L’image du DVD est très correcte, en phase avec le grain terne et un peu sale du métrage, prolongement de la texture des images d’archive, d’une vraie chasse à la baleine, qui servent de générique. En guise de supplément, un making of qui fait la part belle à Gunnar Hansen, bien qu’il ne soit que quelques minutes à l’écran. Mais bon, ce n’est pas rien, le retour au pays d’un fils prodigue !
Remerciements à Claire Galbourdin.




